« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Cette citation de Nicolas Boileau pourrait bien illustrer l’idéal vers lequel tout législateur et tout constituant devraient tendre.

A coup sûr, ceux à qui on doit le texte de la Constitution française du 4 octobre 1958 en vigueur ont suivi cette préconisation. Et nous enseigne que les piliers identitaires d’un pays sont constitués par la langue (encore est-ce contestable), d’un emblème, d’un hymne, d’une devise, et éventuellement d’un principe. Encore s’agira-t-il de s’y tenir…

ARTICLE 2.

La langue de la République est le français.

L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L’hymne national est « La Marseillaise ».

La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

En cinq phrases concises, la nation française se trouve ainsi définie.

Alors certes, la Région Wallonne n’est pas une Nation – passons là-dessus.

Mais les ambitions institutionnelles sont assez similaires.

Alors ?

DE LA BELGIQUE DE 1830

On ne peut écrire l’histoire de la Wallonie en faisant l’économie de l’histoire de la Belgique.

Gustave Wappers Journées de septembre 1830 sur la place de l'Hotel de Ville de Bruxelles-
Gustave Wappers Journées de septembre 1830 sur la place de l’Hotel de Ville de Bruxelles-

La Belgique de 1830 s’est construite comme étant fondamentalement francophone. Et pour cause. Elle vise à se défaire de la présence orangiste et néerlandaise, qui envisageait une « néerlandisation » de nos contrées. Et elle est l’affaire de la bourgeoisie qui est, de fait, francophone : ne donne-t-on pas pour origine à la Révolution belge, et en tout cas pour déclencheur, La Muette de Portici opéra en 5 actes d’Auber, sur un livret de Scribe et Delavigne, qui exalte le sentiment de la patrie et celui de la liberté de Naples sur la domination espagnole et qui fut imprudemment donné au Théâtre Royal de la Monnaie?

Théâtre Royal de la Monnaie source FB Anciennes cartes postales de Bruxelles

Dans ces conditions, il était inéluctables qu’elle porte en elle les germes d’un mouvement revendicatif flamand à venir.

Qu’on entende bien ceci : il ne s’agit pas de reprendre le mythe simpliste du francophone dirigeant la Belgique, comme un seul homme et à son seul profit, en conquérant et en oppresseur du peuple flamand.

La réalité ne se comprend que si on lui donne une dimension de classes : la Belgique était aux mains d’une élite bourgeoise et il se fait que cette élite était francophone, au nord, comme au sud. Et que cette élite a traité, ou mal traité, mêmement, les peuples de Flandre et de Wallonie, et leurs patois.

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cartes des langues endogènes de Wallonie ULg source httpsalw.uliege.bepresentation

Mais la Wallonie est devenue, de manière finalement assez complaisante, francophone : quelques coups de règle en classe, quelques punitions dans la cour de récréation et quelques visites à la maison communale auront suffi à régler l’affaire et faire triompher la langue française, comme ce fut d’ailleurs le cas en France. Il faut dire que les 400 parlers dialectaux wallons font partie des « Langues d’Oïl » et se situent en parenté sur le même plan que le francien dont est issu le français actuel ou que le picard.

En face d’elle une Région, la Flandre, a pu structurer et faire entendre ses revendications par rapport à cette même situation, d’autant que son histoire et ses racines sont germaniques et de culture germanique. Elle se trouvait de plus façonnée par une longue hostilité à la France sur laquelle elle a bâti son mythe. Et dans son combat, la Flandre a résumé, indistinctement, son oppresseur à cet ensemble francophone du sud.

LA CONSTITUTION BELGE source Sénat
LA CONSTITUTION BELGE source Sénat

Certes, par un décret du Congrès national de février 1831, la Constitution de la Belgique était proclamée et elle prévoit bien en son article 23 : « L’emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ».

Ce qui n’empêche que depuis novembre 1830, le gouvernement provisoire avait proclamé le français langue officielle du pays. En fait, les lois et arrêtés n’étaient promulgués qu’en français ; on les traduisait alors en flamand, c’est-à-dire dans une langue dialectalisée.

En 1898, la promulgation des lois se fera dans les deux langues : français et nederlandsch.

Les premiers mouvements wallons, apparaissent pourtant assez tôt, dans l’histoire de la Belgique, à Liège. Mais avec une ambition strictement culturelle : entretenir le terreau dialectal, à travers la chanson, le théâtre, l’écriture et leurs liens avec la langue française. Parti de Liège, le mouvement concerne l’ensemble des parlers dialectaux dans ce qui sera désigné comme la Wallonie vers le milieu du XIX° siècle. On cite 1844.

Ce n’est que par la suite qu’ils prendront une autre tournure, face aux revendications flamandes : Ils entendent alors – il faut en convenir – essentiellement préserver les privilèges francophones, dans le cadre de la Belgique de 1830, mais réfute toute idée d’hostilité à la Flandre, et toute idée d’entamer « une guerre des races ». Fondamentalement conservateur et « belgicain », le mouvement wallon est alors étranger à une ambition de construction d’un socle identitaire et en défaut de structurer des revendications propres.

Tout cela s’inscrit encore dans un contexte historique où il s’avère que les intentions de la Révolution de 1830 ont été détournées de ce qu’elles pouvaient être pour une partie de la population wallonne (et bruxelloise ?), où l’on voit en pointillé, et tout au long de cette histoire, l’ombre de la France. « Flamand ne veux, Français ne peux, Wallon demeure ! » est lourd de sens et d’un loyalisme résigné, qui se soumet en silence à une Belgique qu’on ne prend pas la peine de nommer, mais qui acte explicitement et à regret le non possumus d’être français. Il faut dire que la révolution de 1789 se partage entre la France et les terres wallonnes et qu’en 1793, Liège réclamait son rattachement à la France. L’affaire n’est donc pas neuve. Aujourd’hui très minoritaire, cet élan s’en est venu brouiller un autre, d’une revendication régionaliste ou autonomiste.

UNE TERRE, CHAMP DE BATAILLES DE L’HISTOIRE DE FRANCE

Nos  Régions, Flandre comme Wallonie, ont donc été le champ de batailles qui ont écrit l’l’histoire de France. Et d’abord, la Bataille des Eperons d’Or, qui a forgé l’identité de la Flandre, dans une hostilité à la France. Mais on pourrait ajouter la Bataille de Ramillies, la Bataille de Malplaquet, la Bataille de Fontenoy, la Bataille de Jemappes, la Bataille de Fleurus, la Bataille de Waterloo, qui ont vu s’opposer la France au monde germanique coalisé. Comme une terre de fracture.

La Bataille des Eperons d'Or Nicaise_de_Keyser source  Wikimedia Commons. Musée Broel Courtrai
La Bataille des Eperons d’Or Nicaise_de_Keyser source Wikimedia Commons. Musée Broel Courtrai

La bataille des Eperons d’Or voit, à Courtrai, en 1302, l’armée du roi de France, Philippe le Bel, être défaite face aux milices flamandes, marquant l’idée d’indépendance et d’identité flamandes.    

C’est en effet et pour faire court l’histoire du petit peuple de Flandre, vainqueur de la chevalerie française. Mais si les bourgeois, commerçants, drapiers et échevins des villes étaient proches du pouvoir français, et s’il faut bien voir que ce n’est pas un mouvement de la Flandre unanime contre l’occupant, mais la lutte de la Flandre « d’en bas », du peuple gagné par l’esprit de rébellion, contre le pouvoir féodal, le mythe est créé: La bataille des Éperons d’or devient, au XIXe siècle, le symbole de la lutte des Flamands – au nombre desquels on comptait aussi des Wallons, mais les mythes ont besoin de s’arranger avec les détails de l’histoire –  contre les français; le témoignage du nationalisme flamand unanime, triomphant du francophone. « Là, on put voir toute la noblesse de France gésir en de profonds fossés, la gueule bée et les grands destriers, les pieds amont et les chevaliers dessous », rapporte une chronique.

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Bataille-de-Jemappes-Henry-Scheffer-conserve-au-Chateau-de-Versailles.-source-httpsbelgiumbattlefield.be_

A l’inverse, pour le monde wallon,  la Bataille de Jemappes a pu jouer un rôle symbolique d’une victoire de la jeune République Française sur l’Autrichien, en 1792.  A terme, c’est le rattachement de nos régions à la France qui s’y est joué. Le symbole était fort pour le Mouvement wallon naissant. L’idée de l’érection d’un monument se précisa. Jemappes sera le lieu de nombreuses manifestations francophiles, voire rattachistes, célébrant l’amitié franco-wallonne, comme le fut à Waterloo le monument de l’Aigle Blessé.

Et Jules Destrée s’y impliqua fort.

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Bataille-de-Jemappes-reinstallation-du-coq-1922-illu.-Anto-Carte-

Le symbole était puissant pourtant. A preuve, le projet s’est heurté à l’opposition des milieux flamingants, hostiles à tout ce qui évoquait la France républicaine. Les troupes allemandes, furieuses de rencontrer cet édifice érigé à la gloire de leur ennemi héréditaire sur leur route, détruisent le monument le 24 août 1914. Il fut réinstallé le 21 mai 1922. On est donc bien sur une ligne de fracture entre le monde germanique et le monde roman.

Mais l’audace de s’approprier le mythe a manqué, et a fortiori l’audace d’aller au bout du mythe, par rapport à un devoir de fidélité à la Belgique. On va le voir.

Sans vouloir conclure trop vite, on peut intuiter à ce stade déjà que, peut-être, toute l’ambiguïté du mouvement wallon est dans cette synthèse impossible entre wallonisme, rattachisme et fidélité à la Belgique.

LA PRINCIPAUTE DE LIEGE

On aurait tort encore de faire l’impasse sur une autre réalité historique qui dura plus de 800 ans : La Principauté de Liège a vécu son Histoire propre, de 972 jusqu’à la révolution de 1789, loin du reste de la Wallonie. La Wallonie en tant que telle se trouve ainsi dépossédée de racines historiques communes, lointaines et profondes.

Le mot « Wallonie » n’apparaît d’ailleurs que très tardivement, dans son sens actuel : dans le milieu du XIX° siècle, on l’a dit. Et encore, issu de « wahl », nom d’origine germanique désignant une personne parlant une langue… non germanique, il définit non par rapport à soi, mais par rapport à l’autre, et ce qu’il n’est pas.

Le sous-localisme serait-il comme une conséquence indirecte de ce découpage? De fait, la Wallonie a comme premier défi de faire la synthèse d’histoires et de cultures distinctes.

En tout état de cause, on ne lui connaît pas l’équivalent d’un Hendrik Conscience et de son roman, De Leeuw van Vlaenderen (1838). Il faut voir qu’au-delà du mythe, Henri Conscience porte le néerlandais au rang de langue littéraire ; « hij leerde zijn volk lezen » (il a appris à son peuple à lire) reste une devise qui lui est associée et en dit toute l’importance. Il faut voir encore qu’Hendrik Conscience a été largement adoubé par Léopold Ier, qui le fit Chevalier. A sa mort, en 1883, il reçut des funérailles nationales.

Non  seulement la Wallonie est dépourvue d’un mythe fondateur ancien similaire, d’Arlon à Tournai, non seulement elle ne peut revendiquer un auteur devenu iconique de sa culture, comme Hendrik Conscience, mais elle s’est vécue fondamentalement dans la volonté d’une loyauté à la Nation Belgique.

Qui plus est, l’évolution plus récente au plan institutionnel a empêché l’émergence d’un « Canon » wallon, contrairement à la Flandre, mais même d’un récit ou d’un roman wallon. La communautarisation de la Belgique, qui touche aux matières culturelles, précédant sa régionalisation, a privé la Wallonie de la maîtrise de sa culture, avec la création de la Communauté culturelle française de Belgique où elle se confond jusqu’à se fondre avec Bruxelles, pour un symbole de solidarité linguistique, devenu de plus en plus discutable avec le temps.

Au surplus, on verra même que l’expression identitaire de la Communauté culturelle française de Belgique a confisqué les quelques éléments identitaires de la Wallonie, avec la complicité, voire à l’instigation de quelques wallons.

Les revendications du Mouvement du Manifeste wallon, présidé par le dramaturge Jean Louvet ont ainsi été laissées pour compte dont la fameuse « Wallonie maîtresse de sa culture », distincte culturellement à la fois de Paris et de Bruxelles.

Ainsi, l’Histoire n’est pas, de fait et on le voit, favorable à création d’une conscience de soi wallonne.

L’IDENTITE WALLONNE

Certes, il y a bien eu, au siècle dernier des velléités de revendications régionalistes wallonnes.

On en connaît les deux faits saillants.

D’abord la Lettre de Destrée au Roi.

Pascal Delwit résume l’affaire.

la lettre au Roi de Jules Destrée
la lettre au Roi de Jules Destrée

15 août 1912: Ce jour-là, le député socialiste de Charleroi apostrophe le roi Albert Ier dans une «lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre» suite aux élections de 1912, qui manifestent la réalité de ce que d’autres appelleront « deux démocraties »:  le cartel libéral-socialiste (c’était avant…) se fracasse sur une majorité absolue catholique qui se construit en Flandre.  En Wallonie, l’«opposition» recueille 708.056 suffrages pour 466.927 suffrages au «gouvernement». En revanche, en Flandre, le «gouvernement» récolte 733.097 voix pour 382.924 voix à l’ «opposition».

A partir de ce constat, Destrée déroule son raisonnement : «Et maintenant que me voilà introduit auprès de vous, grâce à cette sorte de confession, laissez-moi vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité: il n’y a pas de Belges. (…) Non, Sire, il n’y a pas d’âme belge. La fusion des Flamands et des Wallons n’est pas souhaitable; et la désirât-on, qu’il faut constater encore qu’elle n’est pas souhaitable. La distinction des races et des langues a pu s’expliquer jadis par la Forêt charbonnière; depuis des siècles, cet obstacle aux communications a disparu et l’interpénétration ne s’est point faite. Des gouvernements se sont usés à cette œuvre vaine et ont cherché à faire reculer soit le flamand, soit le français. La frontière linguistique est restée immuable, attestant la volonté têtue des deux peuples de ne pas se confondre».
 
La lettre est accueillie avec enthousiasme mais seulement par un petit milieu Wallon et Destrée préside en octobre aux travaux de l’«Assemblée wallonne», nouvel organisme d’étude et de défense des intérêts wallons, sans que l’idée de séparation ou d’autonomie ne soit portée.

La première guerre mondiale ramènera logiquement un élan nationaliste, et les avancées sociales qui lui succèderont (en même temps que les avancées flamingantes) mettront l’éteignoir sur cet élan.

Ce constat de ces « deux démocraties », selon l’expression désormais consacrée, on le fera aussi dans « l’affaire royale », et de l’abdication du Roi Léopold III.

Le second élan régionaliste wallon notable viendra un demi-siècle plus tard.

Dans la foulée des Grèves insurrectionnelles de l’hiver ’60-61, l’émergence d’une revendication d’autonomie wallonne fut portée dans tout l’arc politique wallon par des personnalités marquantes.

Pour la Belgique unie et fière, la décennie ’50 s’était pourtant clôturée par un événement prestigieux d’une ampleur internationale : l’Expo ’58. Le monde alors était belge.

Mais l’événement avait caché la réalité des fractures qui s’annonçaient.

Il y a le soulèvement indépendantiste de sa colonie africaine. L’indépendance sera proclamée le 30 juin 1960, après quelques mois.

Il y a aussi, insensiblement, la bascule de la richesse, de la Wallonie à la Flandre, où les ambitions autonomistes se manifestent avec une virulence accrue, et l’apparition d’un parti strictement identitaire : la Volksunie, en 1958. En 1963, la Flandre devancera pour la première fois la Wallonie en terme de PIB par habitant. Le mouvement n’ira qu’en s’amplifiant.

La « Loi Unique », loi fourre-tout d’austérités, conduira donc aux Grèves Générales de l’hiver 1960, une grève qui sera surtout menée en Wallonie, où le danger du déclin s’invite dans les vieux bassins industriels de Liège et de Charleroi et les charbonnages : « ce sera la guillotine de la Wallonie » annonce avec lucidité André Renard, leader syndical et se trouve amplifié par une volonté flamingante renforcée.

« L’hiver 60-61 marque la naissance de la Wallonie, rien de moins. Auparavant, la Wallonie, c’est un concept vague, éthéré. Les grèves cont popularité une idée jusque-là confinée aux cénacles intellectuels », juge Hervé Hasquin.

Et la Flandre avance, dans son industrialisation et sa construction identitaire et de rejet francophone, qui aboutit au « walen buiten » louvaniste en 1968, porté par un « Etat-CVP », selon la formule.

En Wallonie, certes, on trouve, des paroles régionalistes, dans tous les partis – qui ne leur seront globalement guère favorables, si on excepte la fondation du PRLW,  Parti des Réformes et de la Liberté de Wallonie, parti libéral et wallon.

On trouve aussi des personnalités importantes. On a évoqué la figure emblématique d’André Renard, à l’origine du « Mouvement Populaire Wallon », en 1961. Mais il décèdera l’année suivante.

Rassemblement Wallon source www.provincedeliege.be
Rassemblement Wallon source www.provincedeliege.be

Car l’ambition wallonne se structurera en mouvements, comme le Mouvement Populaire Wallon, et en parti, comme le Rassemblement wallon, qui devient en 1971, en Wallonie, la deuxième force politique. Ce qui n’est pas pour plaire – faut-il le préciser – au PS.

Si on ne fera pas une galerie de portraits de ces personnalités wallonnes importantes, on ne peut passer sous silence le rôle de François Perin, à l’origine du Rassemblement wallon, premier parti d’essence régionaliste wallon. Il sera le premier élu wallon d’un parti wallon. Il sera Ministre des Réformes institutionnelles et s’il n’arrache alors qu’une régionalisation provisoire, il est bien à l’origine de l’article 107 quater de la Constitution. Déçu par « un État auquel on ne croit plus et dont le système politique paraît absurde » il quittera la politique et sera tenté par l’idée rattachiste.

Insensiblement, les partis politiques « récupèreront » les brebis égarées de la Régionalisation, et trouveront à étouffer leur parole.

Outre cela, on a assisté, au cours de cette deuxième moitié du dernier siècle, à des projets politiques qui auraient pu être de nature à changer le tableau.

DES EVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES MANQUEES

L’Europe a pu présenter, à un moment de son histoire, une alternative à une association d’Etats-Nation, au bénéfice d’une Fédération des Régions d’Europe. Le libéral Jean Rey, régionaliste et fédéraliste convaincu au plan national, et qui fut aussi Commissaire de la Communauté économique européenne et premier Président de la Commission européenne, y aspirait. L’idée était alors – le mouvement remonte aux années ’60 – de développer un sentiment d’appartenance à l’Europe, à partir des entités cohérentes et proches des citoyens que constituent les Régions, interconnectées entre elles, dans une démarche fédéraliste, réduisant les niveaux de gouvernance.

espace europeen territoires Source  cartedesvolontaires.fr
espace europeen territoires Source cartedesvolontaires.fr

Les Etats abandonnaient alors leurs prérogatives vers le haut – l’Europe – et vers le bas – les Régions. Mais les forteresses à abattre étaient trop hautes et trop nombreuses pour que le projet aboutisse.

C’est l’idée de Régions d’Europe qui aurait pris une autre épaisseur. Et la géopolitique mondiale s’en serait aussi trouvée modifiée.

Que serait-il advenu si, au plan intérieur, les accords du Stuyvenberg s’étaient concrétisés ?

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stuyvenberg 13 sous-regions wallonnes -1978 pascal-maes

Dans une régionalisation confortée, la Wallonie s’inscrivait alors dans un nouveau découpage socio-économique, en 13 sous-régions, plus homogènes, qui la bousculait aussi de l’intérieur. Qu’est-ce que cela aurait donné ? On ne le saura jamais : le 11 octobre 1978, devant les oppositions, Léo Tindemmans coupa court : « Ik ga naar de koning en bied het ontslag van de regering aan ».

Ces perspectives, qui étaient politiques, et éloignées de tout romantisme, ont bel et bien échoué.

LA FLANDRE

Monument Henri Conscience à Blankenberghe

La Flandre, elle, sait depuis bien longtemps où elle va. Le génie d’Hendrik Conscience et son roman, De Leeuw van Vlaenderen, paru en 1838, étaient passés par là et ont fait le boulot, c’est-à-dire, littéralement, le corps du roman historique.

Alors l’affaire – qui est d’abord culturelle –  est assez simple.

Le Lion des Flandres

Le Vlaamse Leeuw désigne le « lion des Flandres », drapeau et – depuis 1985 – hymne officiel pour la Communauté flamande. La fête nationale flamande est fixée au 11 juillet. Depuis 1973, elle commémore la Bataille des Éperons d’Or (Guldensporenslag) qui eut lieu le 11 juillet 1302 à Courtrai. Mais même si la devise a fêté son centenaire en 2016, « Tout pour la Flandre, la Flandre pour le Christ » elle appartient au mouvement flamand et n’a rien d’officiel.

L’IDENTITE WALLONNE

Face à cette conscience de soi, comment s’est construite l’identité wallonne ?

Les premiers mouvements wallons, dès le début de la Belgique, apparaissent à Liège et ont une ambition strictement culturelle : entretenir le terreau dialectal, à travers la chanson, le théâtre, l’écriture et son lien avec la langue française. Parti de Liège, le mouvement concerne l’ensemble des parlers dialectaux dans ce qui sera désigné comme la Wallonie dès 1844. Ce n’est que par la suite, on verra qu’ils prendront une autre tournure, face aux revendications flamandes.

Ils entendent alors s’opposer au mouvement flamand. Fondamentalement conservateur et « belgicain » le mouvement wallon est étranger à une ambition de construction d’un socle identitaire wallon.

Restent qu’au-delà de la motivation, les  ressorts en passeront par les symboles identitaires traditionnels: un hymne, une devise, un drapeau.

L’EMBLEME WALLON. LES EMBLEMES.

Commençons par l’emblème.

On pense d’abord au drapeau de l’Indépendance, celui de Ducpétiaux, aux couleurs horizontales ; le rouge y est placé en haut, le jaune au centre, le noir en dessous. Mais ça fait anciens belges, voire mauvais belges. C’est pourtant bien cette Belgique, déjà perdue, qu’on veut surtout retenir – la preuve n’est que trop évidente, s’il le fallait : le mouvement wallon est d’abord belgicain, dans ses racines.

Le Congrès wallon de 1905 confirmera pourtant la nécessité du drapeau: il faut «un drapeau wallon qui flotterait à côté du drapeau national dans toutes nos fêtes».

Le coq de la bataille de Jemappes de 1792, célébré par Destrée ?
Trop français. Y aurait-il eu une inconvenance à rappeler que le sentiment français était très présent, dans la Révolution de 1830 ? Ducpétiaux témoigne que « Dès les premiers jours, et lorsque les troupes néerlandaises étaient refoulées dans le haut de la ville, on arbora à Bruxelles, sur plusieurs points, le drapeau tricolore français. ». À Verviers, on chante La Marseillaise et on place le drapeau français sur l’Hôtel de Ville ; à Liège, on demande le rattachement à la France, et les drapeaux français pavoisent les rues, comme dans toute la province, et celles de Luxembourg, de Namur et de Hainaut, à en croire Surlet de Chokier. Au premier jour de la Révolution, dans la ferveur

de « la Muette », on avait d’ailleurs sorti, à Bruxelles, les drapeaux français pour symboliser les valeurs et les libertés de la Révolution française réduites par les années de domination néerlandaise. Le 26 août 1830, il flotte sur la Grand Place et en sont un peu troublés. Alors, deux journalistes bruxellois, Edouard Ducpétiaux et Lucien Jottrand, devant ce spectacle, improvisent dans la boutique de tissus de François Abts un drapeau belge, cousu par sa femme Marie Abts-Ermers avec trois bandes de tissu, placées horizontalement : rouge, jaune et noir. Il serait apparu pour la première fois à l’occasion de la révolution brabançonne (1789-1790). La scène sera immortalisée par le peintre Emile Vermeersch… en 1926… près d’un siècle plus tard.

Pour expliquer le drapeau français, certains évoqueront la main de l’étranger. Mais encore, cette nation française fait peur. Et a perdu à Waterloo.

Toujours est-il que de Congrès en Assemblées, l’affaire, faute de se résoudre, comme souvent, se complique.

Un emblème, oui. Mais quoi ?

Les blasons des quatre provinces wallonnes, avec les armoiries de Nivelles et de Tournai (première capitale d’occident et excentrée). Trop compliqué.
Le Perron? Trop liégeois.
Le Lion? La Flandre l’a adopté. Bref, trop flamand. Trop tard.
Le sanglier? Une force aveugle et brutale.
L’étoile? Trop congolais.
L’alouette? Trop chrétien.
Le taureau? Trop brutal.
L’écureuil? Trop timide.
L’étalon? Trop agricole.
Alors, on en revient au coq. Malgré tout. Mais toujours sous condition : qu’il ne soit pas trop français. Il sera donc différent du coq chanteur: « hardi, la tête haute, à la gueule ouverte et une patte levée ». Et surtout pas chantant.

Mais rien n’est fait: il faut encore s’accorder sur les couleurs…
Le noir-jaune-rouge pour montrer son attachement à la patrie – quand on vous le disait? Mais c’est pas l’idée.
Prendre une couleur commune aux blasons des provinces? Bof…
On écarte le bleu-blanc-rouge, trop français.
On écarte le vert et rouge, trop Bruxellois.
Le rouge et or, trop liégeois.
Un drapeau jaune, rouge et blanc? Bah!
Rouge sur fond blanc, avec une écharpe aux couleurs belges? Trop japonais. Et surtout trop salissant, dans nos pays miniers. Faut-il voir un sursaut de cet épisode et le constat de sa désindustrialisation dans le fait que la Wallonie arbore pourtant cet emblème, comme on ne verra? Qui peut le dire?

Alors, l’or et rouge, pourtant liégeois, reviennent en force.

On est en 1913. Quiproquo et brouillamini, on avait cru voter pour le rouge sur blanc, mais c’est pour le rouge et or qu’on a voté! On s’agite. Trop tard? Ca ne passe décidément pas: toujours trop liégeois.

«Les liégeois ne savent pas distinguer entre la Wallonie et la Ville des Princes Evêques», hurle Arille Carlier. Mais Destrée impose le résultat du vote. Carlier s’y rallie, qui voit finalement un juste hommage à Liège.

Le Coq de Paulus

Le décret est pris. Paul Pastur est chargé de concrétiser tout cela, qui confie la tâche à un autre carolo: Pierre Paulus. Mais cela n’empêchera pas les liégeois d’essayer d’imposer leur coq, de Defrecheux. Après quelques coups de force malhabiles, les velléités liégeoises sont abandonnées.

A la fin du siècle dernier, le XX°, il sera l’objet de nouvelles disputes, parlementaires cette fois, entre la communauté culturelle française de Belgique et la Région wallonne. C’est le mien ? Non, c’est le mien ! Finalement, c’est le nôtre. Car le Coq wallon sera adopté d’abord par la Communauté française, Bruxelles et Wallonie réunies, en 1975. On y reviendra.

N’empêche, en 1998, le dessin est officiellement choisi pour figurer sur le drapeau de la Région Wallonne. Aussi.

le drapeau wallon

Ainsi, le coq hardi de gueules, par ce décret du 23 juillet 1998 de la Région wallonne déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne devient tout à la fois armoiries de la Région wallonne (article 2), sceau de la Région, avec la légende « Région wallonne » (article 3), drapeau de la Région wallonne, arboré le troisième dimanche de septembre aux édifices publics situés sur le territoire de la Région wallonne, sur les bâtiments officiels dans les mêmes conditions et aux mêmes dates que le drapeau national et à d’autres dates, par décision du gouvernement wallon (article 4) et, enfin, marque honorifique distinctive pour les hautes autorités et les représentants officiels de la Région wallonne dans l’exercice de leurs fonctions (article 5).

Et en 2012, il est classé au patrimoine de Wallonie et exposé au Musée de la Vie wallonne.

Encore trouve-t-on un florilège de logos wallons qui, s’ils reprennent le coq, échappent à cette décision et à son code couleurs… Encore, peut-on découvrir, ça et là, l’un ou l’autre gallinacé qui échappe à toute règle, tout en restant fidèle à l’espèce, comme pour « le plan de relance »…

Comment peut-on être wallon dans ces conditions? Car tout ce qui est écrit là est strictement vrai.

Mais sait-on assez que le Coq n’a pas eu de concurrence que dans le bestiaire?

C’est que la botanique a été un sérieux concurrent de notre gallinacé, d’une toute autre nature, au point qu’un décret officialisera l’existence d’un emblème floral de la Wallonie. Mais chaque chose en son temps.
L’affaire est ancienne : « une fleur comme insigne de ralliement, notamment pour les fêtes de septembre » suggère et souhaite dans une missive, Joseph-Maurice Remouchamps à Jules Destrée.

Léonie de Waha, féministe et pionnière de l’enseignement féminin, Wallonne dans l’âme et fondatrice de l’Union des Femmes de Wallonie dont le programme vise l’autonomie de la Wallonie, l’émancipation de la femme et la stimulation d’une conscience politique chez les femmes de Wallonie, pense à une fleur en particulier: la gaillarde. Cette fleur, très ornementale, peut faire penser aux marguerites. De juin aux premiers froids, elles s’épanouissent sans interruption. Perchés sur de longs pédoncules, ces grands capitules d’environ 5 cm de diamètre arborent des pétales rouges, bordés de jaune, qui rappellent les couleurs de la Wallonie.

la gaillarde

On dit qu’elle aurait servi de signe de ralliement aux révolutionnaires liégeois de 1789 ou de 1830. Pour la remettre au goût du jour, elle l’aurait faite produire et distribuer en 1913, partout en Wallonie. En quelques mois, la fleur gagnait en tout cas les faveurs populaires, tant et si bien que, le 29 mars 1914, l’Assemblée wallonne déclare : « Considérant que la Gaillarde a été unanimement adoptée comme emblème patriotique ; considérant que l’Union des Femmes de Wallonie et sa présidente, Madame la baronne Léonie de Waha de Chestret ont bien mérité de la Wallonie en propageant cet emblème, l’Assemblée décide que la Gaillarde est l’emblème floral officiel de la patrie wallonne ».

A Namur, depuis 1928, une gaillarde d’argent est remise annuellement dans le cadre des fêtes de Wallonie comme la plus haute distinction par le Comité central de Wallonie.

Le décret du 03 décembre 2015, modifiant le décret du 23 juillet 1998 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne en vue d’officialiser l’emblème floral de la Wallonie porte en sous article unique : Dans le décret du 23 juillet 1998 déterminant le jour de fête et les emblèmes propres à la Région wallonne, il est inséré un article 6 rédigé comme suit: « Art. 6.L’emblème floral de la Région wallonne est la gaillarde ou gaillardia, rouge et jaune. ».

Il faut préciser qu’en effet, certaines variétés tirent sur les couleurs du drapeau: jaune et oranger.

Faut-il ajouter que le nom de cette fleur porte en lui une vaillance et une détermination qui constituent un message subliminal appréciable.

Comment peut-on être wallon ? Car tout est vrai.

L’HYMNE WALLON

«Le Chant des Wallons» sera l’hymne.

le chant des wallons wikisource
le chant des wallons wikisource

Mais l’affaire ne sera pas plus simple que l’emblème. Et les wallons prendront le risque du chemin hésitant des atermoiements funestes.

C’est en décembre 1899 que la Ligue wallonne de Liège ouvre un concours destiné à couronner un chant capable de servir d’hymne de ralliement aux Wallons.

Mais il n’y a là que des paroles. Et encore, peu enthousiasmantes.
On renonce à attribuer le premier prix. Théophile Bovy se classe deuxième, sur les quelques dizaines de textes reçus. Et le texte, en wallon de Liège, s’intitule alors Strindans-nos bin (Soutenons-nous bien). Nous sommes en 1900, et on lance l’épreuve musicale, qui aboutit à retenir la musique de Louis Hillier.

L’Institut Jules Destrée a narré, par le menu, la saga de l’hymne wallonl.

Retenons que l’hymne proposé s’est imposé d’emblée… dans la région liégeoise, soutenu par les autorités locales. Mais qu’écrit en wallon de Liège, il laissa le reste de la Wallonie indifférent.

Retenons encore qu’on tenta de l’imposer par des traductions dans d’autres patois wallons. Mais aussi que le doute en saisira plus d’un: était-ce bien une bonne idée, cette idée d’un « hymne wallon » ?

Retenons enfin que ces atermoiements favorisèrent l’éclosion de propositions nouvelles, et multiples, au fil des ans, aux quatre coins de la Wallonie. Il faut attendre le 9 novembre 1935 pour que l’Assemblée wallonne adopte officiellement le chant de Bovy, sur la musique d’Hillier.

Mais ce « Chant » le dispute toujours à des chants locaux, bien ancrés, comme le rappelle Paul Delforge, de l’Institut Destrée: à Verviers les Franchimontois, à Liège le Valeureux Liégeois, à Mons le Doudou, à Tournai les Cheonq Clotiers, à Nivelles El Carïon, à Charleroi Pays de Charleroi, à Malmedy le chant d’Henri Bragard… Sans oublier, à Namur, le Bia Bouquet, qui résonne toujours pour lancer les « fiesses » de Wallonie. On entonne aussi l’Ode à la Wallonie de Noël Ruet, la Marseillaise des Wallons d’Émile Lecomte, et L’Drapeau passe, en wallon montois, de Gustave Minion. Et régulièrement, émergent des propositions alternatives, au succès variable. Et nous voilà déjà en 1961, où Maurice Bologne, soucieux d’unifier sur toute la Wallonie un même texte, en propose une version française. Il y en aura plusieurs.

Mais bientôt apparaîtra sur l’échiquier institutionnel le Conseil culturel de la Communauté française de Belgique, pour qui se pose la question d’un drapeau, d’un jour de fête, d’un hymne… Nous sommes en 1974. Et on évoquera… encore… notamment… la Marseillaise… avec des arguments musicologiques autant qu’historiques.

Mais rien de tout cela ne fait progresser la question de l’hymne wallon.

la petite gayole - Julos Beaucarne
la petite gayole – Julos Beaucarne

Au fil des péripéties, on retiendra, poussée par sa popularité, « La Petite Gayole », de l’ami Julos Beaucarne, qui connaît un vrai succès dès sa reprise en 1981, dans un registre où le folklore et la connivence l’emportent sur la solennité. On lui donnera pourtant une version française, comme on l’entendra de cette version double, en Wallon d’Ecaussines et française, précédée de quelques notes d’Hillier, chantée avec l’Euro Symphonic Orchestra…

Las, l’air dû à Oscar Sabeau, de Jumet, qui date de l’entre-deux guerres, a échoué dans sa reconnaissance en tant qu’hymne, à laquelle il n’a d’ailleurs jamais aspiré – et c’est fort bien ainsi. Par contre, il a gagné rien moins que ses palmes académiques: « La Petite Gayole » est donnée par le carillon de l’Université Catholique de Louvain, à Louvain-la-Neuve, sur la Grand’Place, avant qu’il n’égraine les coups qui disent l’heure depuis le clocheton du très sérieux collège Albert Descamps.

Une Commission spéciale chargée de débattre des modes d’expression de l’identité wallonne sera constituée pour étudier la question, en 1997. Sur proposition de Robert Wangermée, une composition d’André-Ernest-Modeste Grétry est avancée : l’air « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? ». Il faut dire que le « signal de pause » de la RTB et de la RTBF ensuite, est fait d’une version simplifiée, au xylophone, ce qui lui donne une audience exceptionnelle, en amont et en aval des programmes, avant et après la très officielle et pompeuse « Brabançonne », qui les ouvre et les clôt, jusque vers les années 1990.

On l’entend aussi, en forme de « signal de pose », lors des journées de grève de l’Institution… L’ère nouvelle des diffusions automatisées, 24/24, et la paix sociale, ont renvoyé tout cela à la petite histoire de l’audiovisuel.

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carte-postale-ancienne-liege-théâtre-royal-statue-de-gretry.

« Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? » fut, au passage, une manière d’hymne non officiel du Royaume de France durant la Première et la Seconde Restaurations françaises, entre 1815 et 1830. Cette chanson était principalement jouée lors de la présence de la famille royale. On n’en sort décidément jamais de cette relation incestueuse avec la France.

Plaque en bronze représentant Grétry avec annotation "où peut-on être mieux"
Plaque en bronze représentant Grétry avec annotation « où peut-on être mieux »

Où peut-on être mieux, où peut-on être mieux
Qu’au sein de sa famille ?
Où peut-on être mieux, où peut-on être mieux
Qu’au sein de sa famille ?
Tout est content,
Tout est content,
Le cœur, les yeux.
Le cœur, les yeux.
Vivons, aimons, vivons, aimons
comme nos bons aïeux.
Vivons, aimons, vivons, aimons
Comme nos bons aïeux.
Comme nos bons aïeux.


Enfin, on touche au but : ce sera « le chant des Wallons » de Bovy et Hillier. Sans retouche, ni adaptation. Le décret du 23 juillet 1998, du Parlement wallon en décide ainsi : La musique de cet hymne officiel est celle composée par Louis Hillier dans sa forme originale et les paroles sont celles écrites par Théophile Bovy dans la version retenue par l’Institut Destrée en 1977, soit trois des quatre couplets originels, dans leur forme française.

Paroles: Le Chant des Wallons

Nous sommes fiers de notre Wallonie,
Le monde entier admire ses enfants,
Au premier rang brille son industrie
Et dans les arts on l’apprécie autant.
Bien que petit, notre pays surpasse
Par ses savants, de plus grandes nations,
Et nous voulons des libertés en masse
Voilà pourquoi l’on est fier d’être Wallons!

Entre Wallons, toujours on fraternise;
Dans le malheur, on aime à s’entraider;
On fait le bien sans jamais qu’on le dise,
En s’efforçant de le tenir caché.
La charité visitant la chaumière
S’y prend le soir avec cent précautions;
On donne peu, mais c’est d’un coeur sincère;
Voilà pourquoi l’on est fier d’être Wallons!

Petit pays, c’est pour ta grandeur d’âme
Que nous t’aimons, sans trop le proclamer.
Notre oeil se voile aussitôt qu’on te blâme
Et notre coeur est prêt à se briser.
Ne crains jamais les coups de l’adversaire,
De tes enfants les bras te défendront
Il ne faut pas braver notre colère:
Voilà pourquoi l’on est fier d’être Wallons!

On évoquera encore, çà et là, et pour l’anecdote, les essais spontanés pour un nouvel hymne, comme celui qui fut l’affaire de Paul Libens, sur une musique de René Fourré : « le Peuplier wallon », qu’il enregistra avec le concours des Chœurs et de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, excusez du peu. Et dont le refrain dit :

le Peuplier Wallon
Le Peuplier Wallon

Ne coupez pas le peuplier
Qui se balance en liberté
Il est là depuis des années
Des mots d’amour y sont gravés
Ne coupez pas le peuplier
C’est un Wallon qui l’a planté


Comment peut-on être wallon ? Car tout cela est vrai.

LA FETE « NATIONALE » WALLONNE. EN SEPTEMBRE.

Les Fêtes de Wallonie seront officialisées en 1998, par décret du 23 juillet 1998, conformément au choix de l’Assemblée wallonne de 1913, et revigorées en 1923, sous l’impulsion du jeune député namurois François Bovesse. Le but : commémorer les « journées révolutionnaires de 1830 », qui englobent la nuit du 26 au 27 septembre (On y reviendra quand on évoquera… la Communauté française de Belgique).

Mais au dernier dimanche de septembre, le décret préfère le « troisième dimanche du mois de septembre » – ce qui n’en fait pas une fête moins mobile que le dernier dimanche de septembre… Spécificité Incongrue pour une fête « nationale ».  C’est l’article 1er du même décret qui le dit : « La fête de la Région wallonne est célébrée chaque année le troisième dimanche du mois de septembre ».

On voit par là que la Fête de la Région wallonne commémore donc les combats de septembre, en 1830, qui, si ils ont marqué l’histoire de Belgique, sont bien éloignée d’une quelconque histoire  de la Wallonie.

C’est que mouvement wallon a voulu faire du combat victorieux, mené par des francophones – mais pas que, malgré la légende – contre Guillaume Ier et sa volonté de néerlandisation des territoires, un signal politique adressé au mouvement flamand qui entendait s’imposer dans la jeune Belgique. Encore.

Et là aussi, avant cette décision, le catalogue des propositions est long comme un jour sans pain.

la Paix de Fexhe, restaurée en 2016, au Palais provincial de Liège. Emile Delpérée. www.provincedeliege.be
la Paix de Fexhe, restaurée en 2016, au Palais provincial de Liège. Emile Delpérée. www.provincedeliege.be

On évoqua la paix de Fexhe du 18 juin 1316 ; les six cents Franchimontois du 28 octobre 1468 et la bataille de Jemappes du 6 novembre 1792.

La Paix de Fexhe introduisit le partage de pouvoir entre le Prince Evêque et le peuple liégeois, première incarnation de l’aspiration démocratique en principauté de Liège de la population, face au « Pouvoir ».

les six cents Franchimontois symbolisèrent la résistance ancestrale du peuple face à l’oppression étrangère incarnée par Charles le Téméraire, qui ordonna la mise à sac de Liège.

On a déjà évoqué ce 6 novembre 1792, date de la bataille de Jemappes,  remportée par la jeune République française, contre les Autrichiens, et contre toute attente.

Les deux premières furent jugées trop liégeoises.

Les 600 Franchimontois
Les 600 Franchimontois

La troisième, trop française.

L’Assemblée wallonne de 1913 a donc décidé de faire du dernier dimanche de septembre « La fête nationale de la Wallonie; elle aura pour objet la commémoration des journées révolutionnaires de 1830 ». Vous avez dit, mouvement wallon ou mouvement belgicain ?

En réalité, comme les Journées de septembre, elles se fêtent, selon la tradition, pour ne pas dire le folklore, dans diverses villes, tout au long des week-ends de septembre et participent davantage de la fête folklorique que de la commémoration.

Comment peut-on être wallon ? Car tout cela est vrai.

LA DEVISE WALLONNE. LES DEVISES WALLONNES.

S’agissant de la devise, les planètes semblaient pourtant alignées.

wallon toujours

 Une fois réglée la question de savoir si elle devait être en wallon ou en français, le consensus se fait à la clôture de l’Assemblée de 1913 : la devise sera « Wallon toujours ».

On décide dans la foulée qu’elle ne figurera pas sur le drapeau.

Et on décide encore d’écarter les autres propositions.

Il y avait la devise des révolutionnaires liégeois de 1789 : Vis unita fortior (l’Union fait la force). Il faut dire qu’elle était prise… par la Nation Belge… Encore que la devise est partagée aujourd’hui par la Belgique avec la Bulgarie, l’Angola, la Bolivie, l’Acadie et qu’elle apparaît sur les armes de la république d’Haïti.

Il y avait l’exclamation remarquée d’Emile Dupont, vice-président du Sénat, lors de la séance du 9 mars 1910 : « Vive la séparation administrative ! » (soit « Vive le fédéralisme »).

Il y avait l’option défendue par Richard Dupierreux, puisant dans l’usage populaire : « Il en est une que l’on entend aussi bien au quai de la Batte qu’à l’ombre des Choncq Clôtiers : Français ne puis, flamand ne veux, wallon demeure ! Wallon demeure ! Lapidaire devise qui exprimerait clairement notre volonté de nous raciner et de rester, à quelque artificielle patrie qu’on veuille nous attacher, les fils de nos pères ! ».

« Wallon demeure ». La formule est jugée excellente sur le fond. On lui reproche toutefois sa sonorité lourde.

Mais aucune devise, et notamment pas le « Wallon toujours » n’a été retenue par la Wallonie, lors de la création de la Région et rien ne figure là-dessus dans le décret du 23 juillet 1998 fixant les emblèmes wallons.

wallonie terre d’accueil

Par contre, en 2010, le Gouvernement wallon s’est penché sur un engagement, comme une promesse, qui fleurit depuis le long de nos autoroutes et à nos frontières depuis les années 1990, et en a confirmé le caractère emblématique : « Wallonie terre d’accueil », comme formule d’accueil régionale. Il s’agissait de souligner le sens de l’accueil et de l’intégration qui caractérisent les Wallons et s’inscrit dans l’esprit du Manifeste pour la Culture wallonne de 1983, marqué d’un élan généreux universaliste : « Sont de Wallonie sans réserve tous ceux qui vivent, travaillent dans l’espace wallon. Sont de Wallonie toutes les pensées et toutes les croyances respectueuses de l’homme, sans exclusive ».

Bienvenue, signé Wallonie

Viendra « Bienvenue »: la même idée, décontractée?

Comme une riposte au « Vlaanderen, waar de Vlamingen thuis zijn« , avec ses déclinaisons communales?

Comment peut-on être wallon ? Car tout est vrai.

ET LA COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE ? DES COMPETENCES

Il faut dire encore que, pour la Wallonie, en plus de tout cela, qui n’est pas rien, les choses se sont présentées dans un désordre chronologique qui n’a pas servi son identité.

En septembre 1970, la première réforme de l’Etat, la «Communautarisation» – revendication flamande – installe les Communautés et Conseils culturels des Communautés, dont la Communauté culturelle française.
C’est le fameux article 59 bis qui introduisit dans la Constitution, le 24 septembre 1970, les Communautés et fixe leurs compétences:

Art. 59bis – Par. 1er. Il y a un conseil et un exécutif de la Communauté française et un conseil et un exécutif de la Communauté flamande dont la composition et le fonctionnement sont fixés par la loi. Les conseils sont composés de mandataires élus.

Par. 2. Les conseils de communauté, chacun pour ce qui le concerne, règlent par décret :
1. les matières culturelles ;
2. l’enseignement, à l’exclusion de ce qui a trait à la paix scolaire, à l’obligation scolaire, aux structures de l’enseignement, aux diplômes, aux subsides, aux traitements, aux normes de population scolaire ;
3. la coopération entre les communautés ainsi que la coopération culturelle internationale.


Ainsi, les Communautés culturelles vont-elles  précéder d’une dizaine d’années les Régions en tant qu’institution. Et dans un découpage différent – en tout cas du côté francophone, puisque Wallonie et Bruxelles s’y retrouvent. Au nom d’une solidarité francophone, basée sur la langue, plus que sur la culture au sens le plus large, face aux appétits flamands sur Bruxelles, qui apparaît alors comme une urgence. Nous sommes dans les années ’60. La revendication est flamande et elle aboutira, forcément.

Aujourd’hui, il est légitime de s’interroger sur le fait de savoir si, du côté francophone, figer constitutionnellement, c’est-à-dire sur le très long terme, un réflexe frontiste francophone (comme un Front des Francophones, qui dépassait Bruxelles et le seul parti bruxellois éponyme, le FdF) n’a pas été une erreur: s’il répondait à un sentiment du moment, il a perdu largement de sa pertinence aujourd’hui, après plus d’un demi-siècle, les deux régions – Bruxelles et Wallonie – évoluant chacune non seulement dans leur chemin propre, mais dans des chemins qui vont s’écartant culturellement et sociologiquement.

Mais à l’époque, on rêve, faute de mieux, de doter cette Communauté française de Belgique… des attributs dont la consécration institutionnelle la rend digne.

LA COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE. UNE FËTE ! EN SEPTEMBRE!

Et c’est là que des parlementaires wallons ont pensé pouvoir officialiser, dans le cadre de la Communauté culturelle française… les Fêtes de Wallonie, qui se tiennent en septembre.

Cette première idée qui consiste à avoir voulu « officialiser » les Fêtes de Wallonie à travers la Communauté française apparaîtra assez saugrenue. Elle s’est heurtée d’emblée à ceci que la Communauté est compétente pour la Wallonie ET Bruxelles, ensemble.

Qu’à cela ne tienne. On évoquera « les Journées de septembre », qui fondent par ailleurs les Fêtes de Wallonie, comme faux-nez. Les Bruxellois ne sont pas moins concernés par cette justification sortie du chapeau – les « Journées de septembre – , et ils y verront même le signe de la solidarité Wallonie-Bruxelles. Résultat : le 27 septembre, Fête de la Communauté française, existera par décret du 24 juin 1975 et célèbre plus précisément la retraite, dans la nuit du 26 au 27 septembre 1830, des troupes hollandaises.

Au moins, cette fête-là échoit à date fixe.

En conséquence de tout quoi, il faut retenir que la Communauté française est ainsi célébrée à une date, bien plus wallonne que francophone, et bien plus belgicaine que wallonne : en évoquant ces journées, on croyait pouvoir rappeler que les francophones (car le mythe aussi vivace que faux est que ces journées avaient été le fait de francophones, et que les flamands n’y avaient pas pris part) pouvaient l’emporter sur les « bataves », néerlandais et autres flamands. On a eu déjà l’occasion d’évoquer les arrangements que les mythes entendent prendre avec l’Histoire.

LA FETE NATIONALE BELGE. EN SEPTEMBRE! (mais ça, c’était avant…).

Il n’en reste pas moins que les « Journées de septembre » sont si intimement liées à l’indépendance de la Belgique que, et jusqu’en 1889, on célébrait la Fête Nationale Belge le 27 septembre.

On y renonça pour éviter d’indisposer le voisin hollandais.

On choisit alors le 21 juillet.

C’est le 21 juillet 1831 que le premier roi des Belges, Léopold Ier, a prêté le serment constitutionnel.

LA COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE. UN DRAPEAU.

En 1975, la Communauté française se dote aussi d’un drapeau : un «coq d’or hardi de gueule», c’est-à-dire le coq du wallon Pierre Paulus, adopté par l’assemblée wallonne en avril 1913 et qui sera repris par le Parlement wallon en 1998. Bref, un même coq qui sert deux fois, pour identifier deux entités constitutionnellement différentes…

emblème communauté française Belgique

Même fête, ou presque… Même drapeau… On fait des économies ? On manque d’imagination ? On manque de « conscience de soi » ou de confiance en soi ? Est-ce l’intention cachée de donner les signes d’une envie de fusion/absorption qu’on n’assume pas dans les faits? En tout cas, une question s’impose : Comment faire exister deux identités distinctes dans cette confusion des symboles et d’abord la Wallonie?

Pour le reste, la Communauté Française n’a pas d’hymne. Et n’a pas de devise officielle. C’est plus simple. Comme un signe de son absence d’évidence et de fondement?

En 1991, la « Communauté française de Belgique » confirmera le drapeau et la date.

LA COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE. UNE MARQUE ET UN LOGO.

Mais en mai 2011, les choses changent. Un peu. Officiellement. Enfin, officieusement, mais c’est officiel.

« Suite à la décision du Parlement et du Gouvernement de la Communauté française » on modifie « l’appellation Communauté française de Belgique par l’appellation Fédération Wallonie-Bruxelles », lit-on sur le site de l’Institution. Cette « décision » est en réalité une « résolution », prise le Parlement et le Gouvernement.

Pourquoi ? Son ministre-président Rudy Demotte, invité de Bel RTL le 27 septembre 2017 s’exprimait sur le nom de l’institution : « Le nom institutionnel reste « Communauté Française », a-t-il expliqué. Mais le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a fait ce choix… pourquoi ? « Parce qu’on a voulu faire reconnaître le fait bruxellois du côté francophone ». Le fait wallon? Il viendra, à la suite… peut-être… ou pas…

Mais l’intention politique ne suffit en effet pas à faire autre chose qu’une « marque ». Ainsi lit-on encore que « toutes les communications usuelles que nous faisons, aussi bien à l’interne qu’à l’externe, doivent se faire avec l’appellation officielle Fédération Wallonie-Bruxelles ». Par « communication usuelle », on entend toute communication dépourvue d’effet juridique. A l’inverse, et « la Constitution n’ayant pas été modifiée, les textes à portée juridique doivent toujours comporter l’appellation Communauté française. Il s’agit principalement des textes normatifs ; actes juridiques unilatéraux à portée individuelle ;conventions ou contrats-programmes de subventionnement, contrats de travail, contrats de bail, contrats de prêt ou de mise à disposition, etc.; documents se rapportant à un marché public ; documents se rapportant à une nomination, à une promotion, à une évaluation, à un licenciement ; des plaintes, citations et actes de procédure en justice ; etc…

Logo Fédération Wallonie Bruxelles

Le dispositif ajoute l’expression graphique de la marque, c’est-à-dire un « logo », à la « marque » – le mot est d’ailleurs lâché: « cette vision d’union s’inscrit telle une marque institutionnelle vivante, métissée aux couleurs régionales, expression des talents de chacun des citoyens qu’il nous appartient d’accompagner. Elle traduit aussi visuellement la solidarité entre deux entités autonomes aux personnalités spécifiques ». Mais cette belle reconnaissance, c ‘est dans « l’image ». Pour le reste, rien ne change.

Il se compose de deux lettres, le W en rouge pour la Wallonie et le B en bleu pour Bruxelles (les couleurs propres à chacun des deux drapeaux) réunies par un trait jaune (couleur commune aux drapeaux des deux régions), pour former un gallinacé stylisé tout neuf, qui s’ajoute au poulailler.

Ainsi, la Communauté française de Belgique a-t-elle deux appellations, une officielle (et une marque), deux emblèmes, un officiel (et un logo) et une Fête, qu’elle partage finalement, vaille que vaille, avec la Wallonie.

Mais on reconnaîtra aisément qu’au-delà des intentions politiques affichées, l’expression « Communauté française » a toujours été alambiquée, voire ambigüe. On se souvient qu’elle le fut, jusque dans l’esprit de François Mitterrand qui, dînant aux côtés de Valmy Féaux, l’ancien président de la Communauté française, pensait côtoyer le président de… l’association des Français résidant en Belgique.

Alors. Reste tout de même la question, toujours pas résolue. Comment peut-être francophone de Belgique ? Et comment peut-on être wallon ? Car tout est vrai.

LA REGION BRUXELLOISE

Pour tenter d’y voir plus clair, et expliciter le logo de la FWB, il faut donc faire une incursion, purement graphique, dans la Région bruxelloise, pour mieux identifier ces bleu et jaunes.

De fait, le premier drapeau de la Région de Bruxelles, le 18 juin 1989, était un iris jaune cerclé de blanc, sur un fond bleu. Les couleurs font référence à Bruxelles en tant que capitale européenne. En fait, ce sont les Bruxellois eux-mêmes qui ont choisi le dessin de Jacques Richez après un concours public.

Cet emblème a été utilisé pendant un peu moins de 20 ans. Mais en 2014, la Région a décidé de remplacer l’ancien logo par un design plus épuré et plus moderne. L’iris est désormais représenté par un cœur entouré de deux feuilles.

Logos ancien et nouveau de la Région Bruxelloise
Logos ancien et nouveau de la Région Bruxelloise

Mais les Bruxellois sont restés plus attachés à l’ancien logo qui continue de fleurir. Tout comme la fleur, résistante dans le marais.

WALLONIE. FEDERATION WALLONIE BRUXELLES. A L’INTERNATIONAL ?

wallonia – logo Wallonie à l’international

Et ce n’est pas tout. En 2013, le branding à l’international se construit sur les mots « Wallonie-Bruxelles », fait à partir d’un nouveau logo «Wallonie», construit en cinq points noirs à chacune des extrémités du W, qui se décline de plurielle manière selon les thématiques.

Mais en fonction des entités concernées, on trouve aussi « Wallonie-Bruxelles International.be » construit sur la même base, et qui flèche vers la droite de trois nouveaux points évidés.

WB International

Alors. Comment peut-on être francophone de Belgique ? Et comment peut-on être wallon ? Car tout est vrai.

LA FEDERATION WALLONIE-BUXELLES ET LA WALLONIE. DANS LES FAITS ?

La Communauté culturelle française de Belgique, devenue Fédération Wallonie-Bruxelles ne dépossède pas moins La Wallonie de sa culture, de son enseignement, de sa recherche, notamment.

On retiendra que d’emblée, les Région et Communauté flamande ont décidé de ne faire qu’une seule entité.

La Wallonie aurait pu choisir la même voie. Mais elle a choisi, ou s’est laissé imposer, la solidarité avec Bruxelles au nom de la défense du français et du francophone de Belgique. Un demi-siècle plus tard, on constate que sur bien des points, la Région Bruxelloise et la Région Wallonne sont… deux démocraties, selon une expression flamingante recyclée, où les enjeux sont très différents. De plus en plus. Mais les choses restent figées. Institutionnellement.

Tandis que rien n’est fait pour un réaménagement qui serait pourtant possible, en dehors d’une revision de la Constitution.

Et on constate que la Fédération Wallonie-Bruxelles abonde les 19 communes bruxelloises à hauteur de 49% de son budget « culture » 2023, hors RTBF, soit 188 € par bruxellois et 76 € par wallon (Focus 2023) et de son enseignement notamment, participe, inexorablement, de son refinancement.

Le budget de la FWB : « Nous héritons d’une situation catastrophique », déplore Elisabeth Degryse dans les premiers jours de sa prise de fonction. On le savait. Mais elle rassure un peu: la Fédération Wallonie-Bruxelles pourra toutefois bénéficier de la solidarité de la Région wallonne. « La Région wallonne vise un solde SEC positif de 40 millions en 2029, ce qui laissera deux fois plus de temps à la Fédération pour être à l’équilibre », a ainsi expliqué Mme Degryse, Ministre-Présidente de la Communauté française de Belgique (ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles, si vous suivez) depuis le 16 juillet 2024, également chargée du Budget, de l’Enseignement supérieur, de la Culture et des Relations internationales et intra-francophones.

Adrien Dolimont, ministre-président du gouvernement wallon,  chargé du Budget, des Finances, du Bien-être animal, des Relations internationales et des Licences d’armes mais aussi ministre francophone de la Recherche scientifique pour le gouvernement de la Communauté française, confirmera quelques jours plus tard.

Ainsi rien n’aurait changer. Le rapport final de la commission externe sur la dette wallonne commandé fin 2021 par le Ministre des Finances wallonnes Crucke, alertait, en soulignant les 5 défis de la Wallonie. Et on notait les difficultés budgétaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles, considérées comme une dette implicite de la Wallonie – (Il y avait aussi l’absorption de chocs ou d’investissements nécessaires, les effets-retour incertains de la politique de relance régionale, la normalisation des taux d’intérêt, un risque de crise de la dette à l’échelle européenne).

EN GUISE DE CONCLUSION (TRES PROVISOIRE)

En conclusion, ce qui apparaît immédiatement c’est le manque de détermination de la Wallonie dans sa quête d’identité, qui semble participer davantage de l’anecdote et du folklore, nourris de la nostalgie belgicaine de la première heure, et de la fascination ancienne exercée par la France que de la recherche existentielle de la profonde conscience de soi et de la création d’un habitus commun.

On a vu que tout cette confusion se nourrit encore d’une confusion institutionnelle de l’espace francophone.

On reconnaîtra enfin qu’à défaut de s’affirmer dans le mythe ou dans l’histoire, la Wallonie, n’a pas davantage exploré sérieusement la voie d’une réflexion professionnelle sérieuse, en dehors du champ politique hasardeux, participant d’un réel « marketing du territoire » pour établir sa cohésion, sa cohérence, son identité, ne serait-ce que graphique et de marque (sans s), susceptibles de provoquer une évolution de son éthos défaitiste, et pour la conduire vers plus d’affirmation de soi, plus de fierté, plus d’ambition, plus de détermination. Bref, pour construire sa conscience d’elle-même.

Ainsi, le grand désordre qui préside aux expressions symboliques de la Wallonie n’est-il finalement que le symptôme du désordre pas moins grand qui règne dans les esprits.

Élisabeth Dupoirier, directrice de recherches à Sciences Po Paris et experte des questions liées  aux identités régionales tend pourtant sans ambiguïté à valider, pour les Régions, la recherche de la conscience de soi: « La quête identitaire régionale ne saurait souffrir le moindre procès en illégitimité, bien au contraire. L’identité régionale implique une communauté de vie, de pensée, d’intérêts fondés sur l’appartenance à un même territoire.»

Cette quête, elle reste – on l’a vu – pleinement à entreprendre par la Wallonie, pour la Wallonie.

Faute de s’être attaquée à ce chantier important, son image pourrait bien être même davantage construite des slogans flamingants qui la discréditent que d’une ambition qu’elle entendrait revendiquer.

C’est d’une quête de valeurs, de repères, leviers d’identité, de cohésion sociale, de mobilisation collective dont elle a pourtant grand besoin, et qui sont les préalables des perspectives de développement et de reploiement économiques et sociaux, comme terreau des stratégies d’avenir.

Mais les nouvelles majorités issues du scrutin du 9 juin 2024 n’en ont pas davantage le souci que les précédentes, à lire leur Déclaration de Politique Générale. Et à constater l’absence de ce chapitre.

Alors. Comment peut-on être wallon ? Car tout est vrai.

Bernard Chateau,

* Gilbert Bécaud, C’est en septembre (1978)

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