INTRODUCTION

Il n’est pas si fréquent de visiter un musée consacré à un seul artiste. Un tel musée existe pourtant à Carnières. Il rassemble une soixantaine d’œuvres du peintre Alex-Louis Martin. Pourquoi cet artiste a-t-il bénéficié d’un tel honneur? Les quelques lignes qui suivent se veulent avant tout une réponse à cette question.

S’il fallait présenter la région natale de Martin, un seul mot suffirait à l’évoquer : le charbon, c’est-à-dire une des plus fabuleuses épopées de notre histoire, le passage de l’artisanat à l’industrie, les possibilités humaines multipliées par cent ou par mille. C’est aussi l’entrée en scène du mineur et du métallurgiste; ceux-là même que Van Gogh, lors de son séjour au Borinage, a dessinés en quelques croquis poignants et que Constantin Meunier a sculptés en véritables héros d’un nouvel âge.

Martin, à son tour, les a représentés avec d’autant plus de vérité qu’il était un des leurs — il vit le jour dans un coron — et qu’il connut ses premiers succès auprès d’eux. Il a commencé par des portraits de voisins, ouvriers comme son père.

Il ne faut pas chercher dans son œuvre l’influence des courants que l’art a traversés depuis le début du siècle. Martin n’appréciait pas les révolutionnaires de la peinture. Il a toujours été résolument un peintre que l’on peut qualifier d’académique. Ce terme est dangereux et est fréquemment employé pour un artiste médiocre ou sans imagination. Mais si dans certains de ces tableaux, Martin a pu verser dans ce travers-là, il parvient le plus souvent à faire vibrer ses toiles d’une puissante ferveur émouvante de simplicité et de réalisme.

N’oublions pas que Martin a cherché avant tout à être « lu» par son public : gens ce Carnières ou de Couilet, ouvriers ou bourgeois. Il n’est donc pas étonnant que son œuvre soit presque exclusivement composé de portraits. Cet artiste est un des rares qui puisse être considéré comme un portraitiste pur : indifférent au paysage, à la nature morte ou à d’autres genres picturaux, il ne s’est attaché qu’à exprimer l’homme, par son visage ou sa pose.

Martin nous apporte ainsi un témoignage fondamental sur un monde aujourd’hui disparu. Il est le « miroir» d’une société qui, dans ses tableaux, se regardait elle-même. Cela suffirait déjà à expliquer l’intérêt qu’il a suscité et suscite encore aujourd’hui. Mais Alex-Louis Martin est aussi un artiste authentique qui à travers les difficultés parfois presque insurmontables qu’il a rencontrées, est parvenu à bâtir tout une œuvre où l’émotion du portrait s’allie à la rigueur technique, la connaissance du sujet à la connaissance de l’art.

BIOGRAPHIE D’ALEXANDRE-LOUIS MARTIN

L’enfant des corons.

C’est dans une modeste maison de bois à Carnières que Louis-Alexandre vit le jour le 2 mai 1887 (1). C’est dans une modeste maison de bois à Carnières que Louis-Alexandre vit le Son père, Alexandre Martin, était mineur à St-Eloi. La misère qu’il partageait avec d’autres, l’entraîna peu à peu à l’alcoolisme. Sa sensibilité était très vive au point que l’audition d’un morceau de musique pouvait l’émouvoir jusqu’aux larmes. Sa mère, Aurélia Hainaut, tenait au logis une cantine fréquentée par les ouvriers du coin.

Le couple eut dix enfants dont Louis était le deuxième. Plus de la moitié de ceux-ci n’atteignit pas l’âge de 25 ans.

Ces deuils familiaux s’ajoutaient au grand dénuement dans lequel vivaient les Martin. Régulièrement, la mère n’avait d’autre solution que de demander des avances sur salaire au charbonnage où travaillait son mari.

C’cst dans une telle atmosphère que grandit Louis-Alexandre. Il aurait pu, comme beaucoup de ses frères et sœurs, payer le prix de cette misère : succomber tôt à la maladie ou sombrer dans la démence, ce qui arriva à Georges, le benjamin, interné à la suite d’un infanticide. Mais, très jeune, Louis-Alexandre dessina et peut-être l’art fut-il son remède.

Comment vécut-il sa famille à travers ses vicissitudes ?

Louis-Alexandre adorait son père. Il l’a représenté à plusieurs reprises, par exemple dans le triptyque de la Mine en 1921 (Maison communale de Couillet) ou encore dans une sanguine réalisée trente ans plus tard (Musée Martin de Carnières). Par contre, il détestait sa mère à qui il reprochait son caractère autoritaire et son incompréhension. Le fait qu’il ne l’ait jamais représentée témoigne déjà du peu d’affection qu’il éprouvait envers elle. Quant à ses frères et sœurs, Martin semble avoir été indifférent à leur égard : eux aussi sont totalement absents de ses toiles.

Très vite, son entourage découvrit ses talents artistiques. Fréquemment, des mi- neurs lui demandaient de faire leur portrait.

Plus tard, il se fit connaître de Monsieur Poncin, ingénieur des mines à St-Eloi. Quelques ouvriers avaient en effet incité le jeune Martin à représenter l’ingénieur sur la porte d’entrée du charbonnage. La plaisanterie aurait pu coûter cher à l’artiste en herbe. Au contraire, Poncin, impressionné par la qualité du dessin, s’en fut trouver le père et lui conseilla d’inscrire l’enfant à l’Académie de Mons. Après beaucoup de récriminations, la famille consentit au sacrifice de l’y envoyer. Son père l’accompagna et parvint à le faire admettre à l’Académie malgré les réticences du Directeur.

Le rebelle.

C’est en 1900 que Louis Martin commence à suivre les cours de l’Académie de Mons. Il y fait preuve d’un zèle qui satisfait ses professeurs. Le soir, il réalise des portraits pour subvenir à ses besoins. Après une année, sa carrière a peine commencée est déjà remise en question. Sa famille exige qu’il travaille comme ses frères pour gagner sa vie. Une place de dessinateur industriel lui est proposée mais Martin refuse catégoriquement et provoque la colère de ses parents, surtout celle de sa mère. Ce refus accentuera l’éloignement entre lui et sa famille. Peu après, il retourne malgré tout à l’Académie. En 1903, il reçoit son premier prix de dessin avec distinction et, en 1905, termine ses études, nanti d’un premier prix d’excellence.

Les maîtres de l’Ecole montoise se caractérisaient par la volonté de ne pas sacrifier le dessin à la couleur ct par le goût des atmosphères assombries. Leur influence se retrouve dans les tableaux que Louis point à cette époque: notamment un petit paysage qu’il réalise en 1901, à l’âge de 14 ans, et un portrait ce premier communiant, daté de 1917 (Musée Martin de Carnières).

Malgré les nombreuses difficultés matérielles qu’il rencontre, les brillants résultats qu’il obtient l’encouragent à poursuivre sa voie. Il rêve de Paris alors que ses parents le poussent à gagner sa vie. Finalement n’y tenant plus, il quitte le toit familial.

Il est accompagné dans sa fugue, ce Jules Duby. A Erquelinnes, première étapa de leur grande évasion, les jeunes gens sont hébergés par un habitant de l’endroit. Malheureusement pour Martin encore mineur, sa mère retrouve sa trace et fait appel aux gendarmes.

Revenu à Carnières, Martin vit chez ses parents où contre leur tyrannie, il doit mener une lutte sans répit. Cependant, il continue à s’adonner exclusivement à l’Art. Monsieur Roche, un ingénieur de Bascoup, l’arrache à sa solitude. Lors de ses fréquentes visites chez cet ingénieur, Martin a l’occasion d’apprendre le piano.

Le voyageur.

Le 2 mai 1908 sitôt sa majorité atteinte, Martin part à Paris o:, cu moins le croit-il, il va pouvoir réaliser son rêve. Il suit les cours du soir aux Arts Décoratifs. Le jour, il gagne sa vie, en faisant des retouches chez un photographe. Il est probable qu’à Paris, il ait vécu en solitaire et médiocrement. La nostalgie du pays natal lui fera écourter son séjour; celui-ci ne semble pas avoir laissé de traces profondes sur son art.

Revenu en Belgique en 1909, il s’inscrit à l’Académie de Bruxelles où, en 1912, il conquiert le premier grand prix au concours de dessin d’après la figure antique (cours de J. Delville). Entre-temps, s’étant classé premier au concours de l’Institut supérieur d’Anvers, il fut admis aux cours des peintres Courtens et Devriendt. L’influence de ces trois maîtres n’est pas facile à discerner chez Martin car nous ne connaissons pas de toiles ce cette époque. Toutefois, il existe à la Maison communale de Couillet une « Allégorie de la Mort» datée de 1916 qui s’inscrit dans la manière symboliste de J. Delville. Dans cette toile à dominante bleue, on retrouve la transparence typique du maître bruxellois.

En 1912, après avoir emporté son premier grand prix à Bruxelles, il retourne à Paris pour étudier au Louvre les maîtres Botticelli, Véronèse, Titien, Mantegna et Ingres. Durant ce second séjour, il peint des tableaux cans lesquels se ressent la vénération qu’il porte à ces grands artistes du passé. Mais par la suite, Martin ne voulut plus entendre parler de cette étape de sa carrière.

C’est également lors de ce second séjour à Paris qu’il rencontre Antoinette Lambrechts, de dix ans son ainée. Il épouse la 14 avril 1914, Antoinette, qui souffrait d’une grave infirmité, était, d’après ce qu’on sait, une personne remarquable par sa culture et sa distinction.

Quatre mois après leur mariage, la guerre éclate et le couple quitte la France.

De retour en Belgique, les jeunes époux s’installent à Couillet, village natal d’Antoinette, d’abord dans la cour d’une brasserie (qui a été rasée depuis pour devenir le parc communal), ensuite rue de la Rampe chez Monsieur Dochain, agent commercial qui prétendait être issu d’une vieille famille noble de Normandie. Ce dernier se fit représenter par Martin, le visage encadré de blasons normands. D’autre part, nous savons par Paul Champagne que Martin réalisa pour lui deux autres toiles qui décoraient son bureau (2).

Fin 1916, Martin s’installe pour quelques mois à Saint-Gilles-lez-Bruxelles. Peut-être est-ca là qu’il réalise le tableau à la manière de Jean Delville dont il a été question plus haut.

Après l’intermède saint-gillois, il retourne à Couillet et s’installe définitivement au numéro 2 de la place du Centre.

Le trimbaleur de toiles.

Martin connaît ses premiers succès en 1921. A Paris, il est accueilli par la Société Nationale ces Beaux-Arts où il expose la « Petite Flamande» achetée par Jules Destrée.

La même année, à la Triennale de Liège, il envoie un tableau intitulé la « Vieille du Pays Noir» qui sera acquise par la commune de Couillet. Ce tableau qui rappelle chez certains Hobein et Frédéric, exprime néanmoins l’originalité de Martin dans son évocation de la Terre Wallonne (3).

Ensuite, en 1922, il participe à d’importantes expositions à Charleroi, Carnières, Liège et Couillet. Il se révèle alors un peintre puissant et inspiré par le Pays Noir. Deux œuvres font particulièrement impression : le triptyque de la Mine (actuellement à Couillet) et celui des Métallurgistes (actuellement à Carnières). Mais le succès arrivé trop tard, le laisse désabusé. Il raille ses admirateurs comme il se raille lui-même. D’après lui, il ne fait rien d’autre que trimbaler des échantillons d’exposition en exposition comme un voyageur de commerce. « Ni le succès ni l’argent, dit-il, ne peuvent m’apporter une once de bonheur dans ma vie; il est trop tard, j’en ai vu trop. Je puise dans l’art, ma seule raison de vivre» (4).

C’est sans doute cette « raison de vivre» qui le fait voyager en Italie. Là, il est
fortement impressionné par les peintres de la Renaissance qui renforcent sa conviction de la primauté du dessin sur la couleur.

Si par leur lumière, des toiles antérieures à son périple italien, rapprochent Martin c’es artistes de la Renaissance, on constate cependant que sa peinture évolue après l’Italie. Auparavant, il jouait sur des contrastes d’ombre et de lumière. Ensuite, les passages entre les tons se font tout en nuance. Dans une lettro adressée à Paul Champagne, Martin exprime l’enthousiasme qui le gagnait au cours de ce voyage : « Les œuvres d’art là-bas poussent comme par enchantement : architecture, sculpture, peinture, cela ne fait qu’une seule œuvre. Je trouve que la nature de ce pays doit faire éclore le génie artistique. Quelle belle lumière chaude et tendre, durable, on pourrait dire éternelle, paradisiaque !

Les hommes sont enthousiastes, les moindres choses appellent à la vie, à la joie. A Rome, comme à Venise, je voudrais vivre et mourir. Florence! c’est peut-être la plus belle ville d’Italie. Des chefs-d’œuvre, il y en a partout» (5).

Son séjour transalpin est brutalement interrompu. Sa femme, qui était restée à Couillet, est victime d’un grave accident et il s’empresse de retourner auprès d’elle.
L’année suivante, en 1923, il expose au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts, la « Vieille au Pays Noir» que la commune ce Couillet accepte de lui prêter à cette occasion.

En 1924, c’est l’année ce la consécration. Il devient membre associé de la Société Nationale des Beaux-Arts ce Paris où il expose pour la troisième fois et suscite l’intérêt des critiques parisiens. Thiébaut-Sisson, journaliste du « Temps» lui consacre un commentaire élogieux : « La meilleure figure de tout le salon est celle de Martin, car son type de « Vieux Wallon» est écrit avec une fermeté qui touche à la grandeur et d’une exécution magistrale » (6).

Mais la gloire ne lui épargne pas le malheur. Sa femme tombe gravement malade. Pour l’homme, c’est une épreuve mais un stimulant pour l’artiste. N’écrit-il pas à cette époque que l’ « œuvre d’art s’épanouit dans la lutte » (7).

Entre-temps, Martin s’est aménagé un atelier vitré aux murs blancs. Ces nouvelles conditions ce travail renforcent son goût pour la lumière à tel point que Champagne fait allusion à l’aspect crayeux des toiles de cette époque (8).

En 1925, il expose à Couillet et à la Triennale de Gand.

1927 marque un tournant décisif dans son évolution artistique. Pour la première fois, il peint au couteau. En témoigne le triptyque des Gueux du Musée de Carnières.

Martin poursuit sa tournée d’expositions : à Charleroi et La Louvière en 1928; à Gand et à nouveau, Charleroi et La Louvière en 1929.

Alex-Louis Martin est désormais un artiste officiellement reconnu tant en France qu’en Belgique: en 1930, lui est conféré le titre de Chevalier de la Couronne tandis que, la même année, les autorités françaises lui octroient la Médaille d’Officier de l’Instruction publique pour sa participation à la Société Nationale des Beaux-Arts.

Sa commune natale tient également à célébrer celui qui est devenu un de ses plus illustres enfants : en 1928 déjà, germe l’idée de lui consacrer un musée à Carnières. Ce projet trouvera sa réalisation à l’occasion du centenaire de la Maison Communale en 1928.

Martin continue d’exposer. Jusqu’en 1939, il envoie régulièrement des toiles aux Salons annuels de la Société Nationale des Beaux-Arts. Ces Salons, où il expose depuis 1921, se déroulent à Paris chaque année au printemps et réunissent un nombre considérable de tableaux. Ainsi, au Salon ce 1931, 2.641 toiles figurent au Petit Palais. Certains ont reproché à ces expositions de ne pas refléter les nouveaux courants de l’Art mo-cerne (9).

En 1933, a lieu une autre exposition importante dans la carrière de Martin, à Charleroi l’a:tiste y présente des portraits d’enfants traités d’une nouvelle façon ; la mélancolie dispa:aît ce ces tableaux et ses personnages expriment une gaieté jusque-là absente. 1938 voit l’inauguration du Musée Martin que la commune ce Carnières envisageait de lui consacrer depuis près de 10 ans. Ce musée présente alors plusieurs toiles de l’artiste dont certaines ont été vues lors d’expositions antérieures : « Scène à l’atelier» (S.N.B.A. 1930), « Ramasseuscs ce bois» (S.N.B.A.) 1031), « Vieille» (S.N.B.A. 1935).

L’année suivante, en 1939, Alex-Louis Martin expose à La Louvière à la Maison des Loisirs. A cette époque, il abandonne sa technique au couteau pour renouer avec une facture plus classique. En témoignent de nombreuses toiles telles que le portrait de Madame Fauquet, les « Sœurs Jumelles» le « Vieil Espagnol» (10).

C’est également en 1939 que sous l’impulsion de l’industriel carniérois, Victor Si-mon, quelques admirateurs de Martin prennent la décision de se constituer en une a.s.b.l. qui portera le nom de « Ligue ces Amis du Peintre Martin». Hélas, l’invasion allemande interrompt leur initiative. Il leur faudra attendre 1945 pour mener à bien leur généreux projet.

Dès la fondation de la ligue, la présidence est assurée par Monsieur Simon, assisté de Messieurs Cardinal et Hervengt (11). Ceux-ci poursuivent les deux buts suivants :

(1) « faire connaître et apprécier l’œuvre du peintre Alex-L. Martin, enfant de Carnières, tant à Carnières qu’à l’étranger » ;

(2) « enrichir le musée dans toute la mesure du possible par l’achat de toiles de valeur (comité d’achat guidé par le peintre), mettre les toiles existantes en valeur » (12).

Martin, deuxième homme.

Dans les années qui suivent la guerre, ses concitoyens rendent, à plusieurs reprises, hommage à Martin.

Déjà en 1938, un musée lui était consacré et en 1945, une ligue s’était constituée pour promouvoir l’Artiste.

1947. A l’occasion de son soixantième anniversaire, une plaque commémorative est apposée sur sa maison natale tandis qu’Adrien Oger publie la première monographie sur son œuvre.

Le 26 novembre 1951, a lieu à Binche une importante retrospective qui reprend toute la carrière artistique de Martin. A cette occasion, il reçoit la Plaquette du Hainaut, qui est la plus haute distinction honorifique décernée par la Province.

En décembre de la même année, il est fêté lors d’une cérémonie organisée par la commune de Couillet où il habite depuis 1914.

Le 26 janvier 1952, sa commune natale, Carnières, le célèbre à son tour.

Mais ces honneurs laissent indifférent l’artiste chez qui le sentiment de solitude ne cesse ce croître. Seul l’art et ses exigences peuvent encore le satisfaire. D’ailleurs, n’écrit-il pas à Paul Champagne qui l’avait invité à une manifestation culturelle : « Ne m’attendez pas à l’ouverture de votre Salon, j’aime la solitude et je ne crois plus en rien. Quand je travaille, à tort ou à raison, je vis. Mais il n’y a plus qu’alors que j’existe ou que je crois exister » (13).

En 1952, se tient à La Louvière une de ses dernières expositions : y sont rassem- blés des dessins dont il s’inspirera pour réaliser de futures toiles. Des lors, Martin a recours à deux manières : l’une aux larges empâtements, proche de l’expressionnisme, l’autre plus fidèle au réalisme psychologique.

Hélas, au mois d’août 1953, Martin doit subir une grave opération : l’ablation de l’estomac. Il en sort très diminué et son existence se modifie entièrement désormais, il est astreint à se nourrir toutes les deux heures.

Mais il n’en continue pas moins à peindre avec acharnement. Il est à ce point marqué par son opération qu’il se considère comme ressuscité. Dorénavant, ses œuvres sont signées d’un énigmatique « Martin, 2e homme». Il réalise surtout des sanguines dont certaines sont conservées au Musée de Carnières.

Le 30 avril 1954, moins d’un an après son opération, Martin meurt à l’âge de 66 ans sans héritiers. Quelques semaines avant sa mort, Martin exprimait dans une lettre, la souffrance qu’il ressentait mais aussi sa profonde lucidité: « Ici, je suis seul avec un monde bien intentionné, mais fermé à mon point de vue artistique. Plus je vois clair et plus je m’aperçois de la distance qui me sépare de mon entourage. C’est sans doute le destin de ceux qui vivent de rêve et de beauté » (14).

Carnières, avril 1981.

Paul SELVAIS.

NOTES

(1)Cette maison, située à l’époque en face du puits St-Eloi. est encore visible aujourd’hui au no 89 de la rue St-Eloi. En 1947, à l’occasion du soixantième anniversaire du peintre, une plaque commémorative fut apposée sur la façade de cette maison qui est devenue la propriété de la Ligue des Amis du Peintre Martin.

(2) CHAMPAGNE (P.), Le peintre Alex-Louis Martin, dans La Terre Wallonne, t. XI, no 64, 6e année, 15 janvier 1925, p. 190.

(3) {ELIG (R.) et SAINT-HILAIRE (J. de), Alexandre Martin, dans Revue du Vrai et du Beau, 25 juillet 1923, p. 14.

(4) CHAMPAGNE (P.), op. cit., pp. 201-202.


(5) CHAMPAGNE (P.), op. cit., p. 200.

(6) CHAMPAGNE (P.), Alex-Louis Martin. En peintre du peuple, un poète de la pitis. Evolution et mort d’un isolé, dans Savoir et Beauté, t. XXXIV, n° 4, 1954, p. 1455.

(7) CHAMPAGNE (P.), Le peintre Alex-Louis Martin et l’art moderne, Mons 1929, p. 13.

(8) CHAMPAGNE (P.), Le peintre Alexandre-Louis Martin, dans Expansion Belge et Exportation réunies, 28e année, n° 5, mai 1935, p. 372.

(9) VALMY – BAYSSE (J.), Le Salon, dans Le Monde illustré, n° 3829, 9 mai 1931, pp. 417-418. Catalogue officiel du Salon de 1911 de la Société Nationale des Eeaux-Arts. Sur Martin, p. 153; illustrations : nos 1435, 1437, 1438.

(10) Ces trois toi’es ont été publiées dans OGER (A.), L’Œuvre picturale ¿’Alexandre-Louis Martin. Bruxelles, 1947, pl. XVIII, XIX, XX.

(11) Le Musée de Carnières conserve une toile datée de 1952 les représentant.

(12) Constitution de la ligue des Amis du peintre Alex-L. Martin, dans Moniteur Belge, по 6, 586, 1945. (13) CHAMPAGNE (P.), Alex-Louis Martin. Un peintre du peuple, un poète de la pitié. Evolution et mort d’un isolé, dans Savoir et Beauté, t. XXXIV, n° 4, p. 1437.




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