Il est des radios dont le fil est fait de choses intelligentes, qui retiennent l’attention et poussent à la réflexion. Parmi celles-là, France Inter, et spécialement, l’été, la belle émission de Charles Pépin.

Il n’y a guère d’exeption: ce sont des radios de service public.

Ce jour-là, la discussion portait avec Camille Etienne, activiste, militante écologiste et essayiste, sur son premier essai “Pour un soulèvement écologique – dépasser notre impuissance collective”, aux éditions du Seuil. Dans la caverne de France Inter, «sous le soleil de Platon», elle aidait à répondre à cette interpellante question: la peur peut-elle être bonne conseillère?

George Sand, écolo

Alors, on a entendu George Sand, dans un texte de 1872, citée par Camille Etienne.

«A ceux qui disent «après moi le chaos» c’est là le plus funeste des blasphèmes, parce que c’est la démission de notre condition d’humain, c’est ce qui rompt le lien entre les générations, le lien qui les unit et les rend solidaires les unes des autres».

George Sand

L’écrivaine, dont on célèbrait ce 1° juillet 2023 le 120° anniversaire de la naissance, intervenait alors dans l’un des premiers combats écologiques qui avait mobilisé peintres et écrivains, autour de la forêt de Fontainebleau dont une bonne partie devait être rasée pour une exploitation de pins, plus rentables:

«Tout le monde a droit à la beauté et à la poésie de nos forêts, de celle-là particulièrement, qui est une des belles choses du monde».

George Sand

Explorant plus loin ce côté écologiste méconnu de l’auteure de «la Mare au Diable», on découvre, dans ce texte, des mots qui sonnent aujourd’hui avec une étonnante justesse jusqu’à l’annonce du final collapse:

«l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par desséchement sans cataclysme nécessaire, par la faute de l’homme»

George Sand

Des mots qui renvoient finalement le lecteur à ses responsabilités:

“[Les arbres] beaux et majestueux jusque dans leur décrépitude, appartiennent à nos descendants comme ils ont appartenu à nos ancêtres.”

George Sand

Les arbres beaux et majestueux…

Les sens des mots

Après quoi on ne peut plus entendre cette expression «Après moi le déluge?», sans sursaut.

Et c’est là qu’on s’avise qu’une personnalité peut être cernée à travers quelques mots, les mêmes, et signifier une chose et son contraire.

«Après moi le déluge. Ce doux et sociable proverbe est déjà le plus commun de tous parmi nous» écrivait Mirabeau père en 1756 dans L’Ami des hommes, ou Traité de la population. Il inspira tant Louis XV que Madame de Pompadour, qui reprenaient souventes fois cette maxime, pour s’alléger des conséquences de leurs actions.

Cioran, dont on sait le cynisme affirmait: “«Après moi le déluge» est la devise inavouée de tout un chacun: si nous admettons que d’autres nous survivent, c’est avec l’espoir qu’ils en seront punis“.

«Après moi le déluge»? Et si tout le drame du monde était dans ces quatre mots?

On retrouvera George Sand sur le sujet ici, sur France Culture, et , sur Musiq’3, avec Pascale Seys, d’autres radios intelligentes qui retiennent l’attention et poussent à la réflexion.

Mais si on y pense bien, cette conviction ne vaudrait-elle pas pour tous et tout? Et surtout bien au-delà de l’écologie? Comme un sens moral et sociétal de la manière d’être au monde, au futur, au-delà des déceptions, des exaspérations, des rancoeurs?

L’envie d’un monde meilleur n’est pas affaire d’incantation. Ni de saut dans l’inconnu. Il ne s’agit pas davantage de vendre son âme au diable. Il nécessite des efforts et des investissements et il faut être prêt à les lui consacrer.

N’est-ce pas ce que, autrement, disait John Fitzgerald Kennedy lors de son discours inaugural du 20 janvier 1961? Extraits:

“Et vous, mes compatriotes américains, ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays.

Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis feront pour vous, mais demandez-vous ce que nous pouvons faire, ensemble, pour la liberté de l’homme.”

Et si, en effet, avec le temps, on avait tout inversé? C’est peut-être ça, marcher sur la tête.

Bernard Chateau,


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