C’était par une belle journée de juin avec grand soleil sur Collarmont.

Non loin du chemin Aux Pèlerins, Alexandre-Louis Martin avait déployé le large parasol des artistes peintres et, assis sur un tronc d’arbre, il dessinait un charmant paysage.

Le sommeil vint alourdir ses paupières; il rangea les couleurs, s’appuya confortablement sur sa canne et s’assoupit.

Un bouc échappé de la ferme Bughin vint à passer par là; il s’arrêta, surpris en voyant le spectacle : la tête du brave homme lentement s’inclinait, puis, brusquement se relevait pour s incliner encore.

Ce manège involontaire fut mal compris de l’animal; il recula, pencha lui aussi la tête et attendit de pied ferme.

Après quelques temps, il leva les yeux : le front du Carniérois pendait toujours.

Alors, décidément froissé, le bouc se remet en garde et, avec un grand élan, fond sur Alexandre-Louis !

Le malheureux tourna comme une aile de moulin autour de son arbre et, pêlemêle avec le parasol, le chevalet et les pinceaux, roula dans la rivière.

Pendant qu’il s’y débattait, le bouc, lui, les pattes de devant sur le tronc, contemplait sa victime empêtrée.

Il bêlait et son bêlement de triomphe faisait rire tous les échos du Bois des Vallées.


Y. MOISET
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