Titre mystérieux qui semble sans limites ! Alors, nous allons seulement en étudier quelques facettes, en commençant par les différents types d’alimentation au travers des siècles, puis, les fa-mines, la conservation des aliments et enfin, comment boire et manger en temps de guerre.

1. Différents types d’alimentation au travers des siècles

A la Préhistoire, les premiers hommes, australopithèques, sont surtout végétariens. Ils se contentent de manger des racines, des feuilles ou des fruits. Puis, peu à peu, ils se nourrissent aussi d’insectes, de petits rongeurs, d’œufs ou d’oiseaux.
L’homo habilis est omnivore.
L’homo erectus mange de plus en plus de viande, car il est avant tout chasseur.
L’homme de Neandertal est carnivore.
L’homo sapiens est le type même du nomade, chasseur et cueilleur.
A partir du moment où l’homme se sédentarise et qu’apparaissent les premières cultures, (# 10.000 Av.J.C.), on mange moins de végétaux et de viande mais on découvre les produits laitiers, les sucres et les légumes cultivés.
Pendant l’Antiquité, (Egypte, Mésopotamie, Grèce et Rome), les céréales comme le blé et l’orge sont à l’honneur. On mange parfois de la viande ou du poisson et on boit de l’eau, du vin et de la bière d’orge. Rappelons que Jules César est connu comme grand amateur de bière. Au Moyen Age, l’homme chasse et mange du gibier, de la viande et des végétaux. Il découvre les épices et le miel.
Pendant l’Ancien Régime, apparaissent des plantes américaines comme le maïs, les piments et les pommes de terre. On boit du café, du thé et du chocolat. Ces produits de luxe peuvent manquer, en temps de guerre par exemple.
Toute cette énumération nous conforte dans l’idée que les hommes d’avant la période contemporaine n’avaient pas vraiment de grandes difficultés à se nourrir, sauf en temps de disette ou de guerre bien entendu.
Il existe bien sûr une différence entre les riches et les pauvres, surtout en ville. A la campagne, il est plus aisé de se nourrir, surtout en Europe.

2. Les famines

En Europe, on a connu des famines : au 14° siècle, fin 17° siècle…En Irlande, entre 1845 et 1849, le mildiou, un champignon parasitaire de la pomme de terre, fait des ravages.
En Afrique, les famines sont beaucoup plus nombreuses : la terre est aride, les sécheresses sont nombreuses comme par exemple, au Biafra vers 1967-70. Le climat est souvent responsable des pénuries de végétaux, d’animaux…
2 personnes sur 3 sont exposées à la famine parce qu’elles vivent dans des zones de conflit : Soudan, Syrie, Yemen, Nigéria etc.
De tous temps et en tous lieux, la soldatesque s’empare des richesses alimentaires des adversaires, pillant et incendiant les réserves non utilisées pour ne pas permettre aux assiégés de survivre. L’homme est cruel ! Pour Napoléon, la force d’une armée s’évalue au remplissage de son estomac…
Lors des sièges de villes, l’approvisionnement est de plus en plus dur. Au siège de La Rochelle en 1629, on a même relevé un cas d’anthropophagie ! En 1870, Paris sera assiégé pendant 135 jours. Les Parisiens prévoient la disette en mettant 150.000 moutons et 2000 porcs au Bois de Boulogne et au Jardin du Luxembourg. Ils stockent à l’Opéra Garnier, à peine construit, 25.000 œufs, 219 tonnes de farine, des conserves et des viandes au sel. Les plus démunis peuvent s’alimenter dans les cantines municipales. Hélas, on n’a pas songé à la nourriture des animaux ! On décide de les abattre et de les manger : chevaux, chiens, chats, rats, renards, oiseaux, canards, cygnes, oies, grives, merles, corbeaux, pies, geais, sansonnets, pigeons, ortolans et passereaux. On en arrive même à se nourrir des animaux du Jardin des Plantes et du Jardin d’acclimatation : ânes, chameaux, antilopes, louves, kangourous, éléphants, singes, yaks, zèbres, pythons ou rhinocéros!
Mais si l’homme est cruel, il est aussi inventif. C’est ainsi qu’on voit apparaître dans différentes régions du monde, des « aliments de famine », c’est-à-dire des aliments bon marché, comme des plantes sauvages, qu’on trouve facilement et qui vont nourrir les populations qui connaissent une extrême pauvreté, comme pendant les guerres ou suite à une dépression économique ou une catastrophe climatique. On en revient souvent aux aliments deja connus des nomades chasseurs-cueilleurs plutôt qu’aux produits de l’élevage et de l’agriculture.
Il est surprenant de constater que des aliments de famine ou de pauvreté varient selon les peuples, les régions et les siècles ; les crustacés et le homard par exemple, sont des aliments de famine au moment des privations au Canada. En Russie et dans toute l’Union Soviétique, on n’hésite pas à préparer du pain ou de la soupe avec de l’ortie, de l’arroche ou tout autre type de plante sauvage. En Finlande, le pain d’écorce (ou pain de bois de pin) est fabriqué à partir d’un mélange de farine de seigle et de parties d’écorces de pin broyées. Cela donne un pain noir, très nutritif mais peu agréable à manger.
– Les rutabagas revenus à la mode aujourd’hui, et qui ressemblent aux navets, sont abondamment utilisés chez nous pendant les deux guerres mondiales.
– Les Vikings du Groenland refusent de s’alimenter au moment d’une famine de fruits de mer, poissons, phoques ou baleines arguant le risque de les voir disparaître.-
– En Italie du Nord, en période d’indigence, surtout pendant la 2e guerre mondiale, on n’hésite pas à manger du chat qu’on fait parfois passer pour du lapin.
– Aux Pays-Bas, dans les zones occupées par les Allemands au cours de la famine de l’hiver 1944-45, on consomme les bulbes de tulipes et les betteraves sucrières.
– En Irlande, pendant la grande famine de 1845-1848, les habitants du littoral se nourrissent entre autres de varech (algue).
– Chez nous, on se nourrit aussi de gesses ou de pissenlits, en période de famine.
– En Malaisie, pendant l’occupation japonaise, le riz souvent manquant, est remplacé par des racines tubéreuses rustiques, comme le manioc, l’igname ou la patate douce.
– Au Brésil, on se contente de feuilles et de pousses de cactus.
La nourriture est et reste de tous temps une matière capitale ; c’est ce qui nous amène à étudier les différents modes de conservation les plus courants, utilisés dans nos régions essentiellement.

3. La conservation des aliments

La cave ou le grenier sont les lieux habituels de conservation, surtout pour les pommes de terre, légumes ou racines comme les carottes, les navets…, les légumes secs, les choux et les fruits secs mais on conserve aussi d’autres aliments, grâce au sel, au vinaigre, à l’acide salicylique (doté de propriétés antiseptiques), à l’huile, à la fumigation ou à la stérilisation. Il nous semble plus facile d’analyser les moyens de conservation en étudiant les différents aliments susceptibles d’être conservés.

Les œufs
Les œufs sont rares en temps de guerre ; leur fraîcheur est évidemment le critère le plus important. En été, on peut s’en procurer mais l’hiver, c’est uniquement les œufs de conserve qu’on utilise.
Il faut prendre des œufs aussi frais que possible, du jour même c’est le mieux; le moment idéal est septembre mais avril aussi convient car les œufs sont alors moins chers, surtout la semaine de Pâques. On remplit une grande marmite ou une caisse de fer blanc avec du son ou des cendres et on y enfouit les œufs, bien à l’abri de l’air. On s’en sert au fur et à mesure.? On conserve aussi les œufs dans de l’eau de chaux; pour la préparer, on met dans un vase quelconque, 10 1. d’eau et 2 morceaux de chaux vive ou de la chaux éteinte qu’on achète chez le plafonneur. Tous les jours, pendant une semaine, on remue ce mélange. On prend des pots en grès où on place délicatement les œufs, debout, nettoyés avec un essuie trempé dans de l’eau vinaigrée et recouverts d’eau de chaux; on entrepose les pots dans un endroit frais. Les œufs de poule ou de cane se conservent ainsi jusqu’à 10 mois. Outre l’eau de chaux, 1l de silicate de potasse délayé dans 8l d’eau, convient aussi. L’imperméabilisation des coquilles est encore un moyen de conserver les œufs : il faut bien les nettoyer à l’eau, puis, les essuyer pour que les coquilles soient bien sèches et propres. Chaque œuf est alors enduit d’huile de lin et lorsque c’est sec, on dépose les œufs, debout, dans une caisse contenant du sable fin ; la dernière couche est faite de sable. Conserver dans un endroit frais et sec, à l’abri des gelées. Il reste encore la conservation dans du sel : dans le fond d’une caisse en bois, on dispose une bonne couche de sel de cuisine ; puis, on place les œufs debout, bien séparés les uns des autres. On termine par une couche de sel et on conserve dans un endroit sec

La viande
Pendant l’été, au temps où les frigos individuels n’existent pas, on peut conserver de la viande de boucherie. Il suffit de déposer les morceaux de viande à conserver dans un vase de terre ou une caisse de bois qu’on recouvre d’un linge et par-dessus ce linge, on répand une couche de charbon de bois de 5 cm d’épaisseur. Même pendant les fortes chaleurs, la viande ainsi traitée se conserve intacte pendant 8 jours. Il y a bien sûr d’autres manières de conserver la viande : la cuire à moitié, la mariner, la fumer ou la mettre dans un saloir ou en saumure.

Les légumes
Au vinaigre : les betteraves rouges par exemple, se conservent facilement au vinaigre. D’abord on les lave, les essuie et les fait cuire soit au four, soit à l’eau bouillante pendant 20 minutes. On amène à ébullition 1 1 d’eau de cuisson avec sel, vinaigre, sucre, poivre et clous de girofle. On épluche les betteraves, les coupe en rondelles avant de les mettre dans des bocaux avec le vinaigre chaud. Les bocaux sont refermés après refroidissement.
On conserve aussi au vinaigre, des choux, rouges ou blancs, des cornichons, des champignons de Paris et bien d’autres légumes comme des poivrons etc.
Au sel : Pour les haricots à couper, les essuyer un à un sans les laver. Enlever les extrémités des gousses et les fils. Couper finement les haricots et les recouvrir de sel. On peut agir de même avec des petits pois, des poireaux, des céleris verts dont on enlève d’abord les feuilles flétries. Mais les céleris et les poireaux ainsi conservés ne conviennent que pour les soupes, après avoir
Quant aux légumes verts, comme les épinards, le cerfeuil ou le persil destinés aux potages, il faut d’abord les hacher puis seulement les recouvrir de sel ou même d’huile d’olive.
Dans la saumure : surtout pour les haricots verts et les céleris.
La stérilisation : c’est un autre moyen pour conserver parfaitement, même pendant des années, de la viande, des légumes ou des fruits. Mais cela demande un matériel spécifique.

Le poisson
Il se conserve comme la viande mais on recourt souvent à la marinade, la stérilisation, le fumage, la salaison ou l’huile d’olive.

Les fruits
Outre le fait de conserver des fruits frais sur des étagères spéciales, en bois, comme c’est surtout le cas des pommes et des poires, il y a bien des manières de conserver des fruits.
Marmelade : les fruits sont réduits en purée plus cuite que la compote. C’est approprié à beaucoup de fruits comme les reine-claude, les prunes, les abricots et les oranges bien sûr.
Confitures et gelées : les fruits sont entiers ou divisés (écrasés pour les gelées). Pour empêcher la fermentation, il faut une cuisson prolongée et l’addition de sucre.
Fruits au vinaigre : Comme les prunes, poires, reine-claude, mirabelles, pêches, abricots et même les cerises.
Fruits confits : pêches, abricots, poires, cerises…on choisit des fruits mûrs mais fermes ; les dénoyauter, peler. Faire bouillir 1 1 d’eau avec ½ kg de sucre. Laisser tiédir ce sirop et jeter les fruits qui y reposent pendant 2 à 3 jours. Retirer les fruits du sirop qu’on remet à bouillir y ajouter les fruits pendant 1 à 2 minutes. Laisser refroidir, puis, retirer les fruits, les égoutter et les enduire de sucre candi pulvérisé. Sécher les fruits au four tiède.
Fruits à l’alcool : on pense surtout aux cerises.
Fruits conservés par dessiccation: pour les pruneaux ou les raisins par exemple.
Il est clair que ce long chapitre consacré à la conservation des aliments n’est pas exhaustif !
Afin de satisfaire la curiosité, il est intéressant de se remémorer quelques conseils du temps passé. Il y a beaucoup de recettes de colle, aussi bien pour le caoutchouc que pour le celluloïd, l’écaille…
Un petit secret de beauté pour les coquettes consiste à prendre des feuilles de noyer fraîches, d’en faire bouillir une poignée dans 1 1 d’eau et de passer ce liquide matin et soir sur les cils et les sourcils ; cela les épaissit et les rend brillants. L’huile de ricin aussi fortifie les cils.
On arrive à conserver du beurre jusqu’à 6 mois en le mettant dans de la saumure.
Les astuces et autres trucs d’antan sont innombrables mais ne font pas l’objet du présent travail.

Les « recettes de guerre»

En parlant de « recettes de guerre », on parle ici plutôt de ce que les gens boivent et mangent en temps de guerre avec souvent peu de moyens et beaucoup d’idées Ce qui doit servir d’exemples alors qu’il y a la guerre en Ukraine ou pour nous qui sommes soumis à plein d’augmentations de prix dans bien des domaines, dont celui de l’alimentation. On rencontre des recettes de boulettes sans viande, de mayonnaise sans huile, d’omelettes sans œufs ou même de gâteau sans beurre.

La boisson
On commence par le café. Avant son apparition dans notre pays, 2° moitié du 18° siècle, on boit des tisanes, décoctions ou infusions de racines, de fruits, de feuilles, de fruits sauvages, d’écorce. Par exemple, tisane de tilleul, de sureau ou de genêt, infusion de cerises ou de trognons de pommes, thé à base de feuilles de groseillier noir (cassis) avec de la cannelle. Le café apparaît chez nous au 18° siècle; il est d’abord réservé aux riches et aux grandes occasions et ce n’est que fin 19° siècle qu’il tend à se généraliser chez nous. En temps de guerre ou de disette, on recourt aux succédanés de café; ainsi, on torréfie l’orge, obtenant ainsi de la toréaline ou d’autres graines comestibles comme celles du seigle, du genêt, du malt ou du maïs, ce qui donne de la cé-réaline. On a même parfois torréfié des glands. On en mélange souvent aux grains de café. Mais le succédané le plus connu reste la chicorée; c’est une plante amère, tonique et apéritive, que l’on cultive pour sa racine qui, séchée, torréfiée et pulvérisée est infusée avec ou sans café. Á la Préhistoire, on utilise déjà la chicorée ! Napoléon favorise la culture de la chicorée, créant de nombreuses manufactures car la France perd le contrôle de ses colonies et donc le commerce des produits exotiques, dont le café (blocus continental). La boisson faite à partir de chicorée connaît un grand succès dû surtout à son prix de revient extrêmement bas. Consommée pure ou mélangée à du café, on l’utilise encore aujourd’hui pour « améliorer » le café ou pour éviter l’excitant du café.
Le cacao souffre aussi des problèmes d’acheminement car ce produit de luxe est ramené d’Amérique latine, et cela, dès la fin du15e siècle. Le problème c’est qu’il faut du sucre pour le mélanger au lait et là, le bât blesse car le sucre est lui aussi victime de difficultés d’approvisionnement.
La bière a une immense popularité, surtout auprès de la classe populaire; présente sur toutes les tables, elle rencontre elle aussi des difficultés dans sa fabrication. Beaucoup de brasseries ferment suite à la difficulté de se procurer les matières premières nécessaires à sa préparation, entre autres l’orge et le houblon. On utilise parfois le seigle ou le mais dans des mélanges de grains.
On boit aussi beaucoup de vins de fruits.
L’alcool, hélas trop souvent consommé à l’excès, que ce soit du vin, du cidre, de l’eau de vie…! est tributaire d’une forte hausse de prix et encourage les vols, les ventes illégales et le marché noir.

La farine
Avant la 1° guerre mondiale, la Belgique importait beaucoup de céréales mais avait une exploitation agricole florissante. Hélas, pendant les deux guerres mondiales, les Allemands réquisitionnent différents produits comme le blé par exemple. Le pain subit lui aussi les conséquences néfastes de la guerre. La farine de blé se raréfie et cela donne lieu à des ajouts variés : sarrasin, maïs, seigle, millet, pommes de terre… La population es rationnée en pain. La Belgique a heureusement pu bénéficier d’importations de farines, venant surtout des USA mais malgré cela, le pain sera de moins en moins savoureux. Souvent gris, sa texture dépend du blutage qui enlève le son et de l’ajout de différentes céréales de moindre qualité. Inutile de dire que la pâtisserie nécessitant farine, beurre, sucre, crème et chocolat est très rare.

La pomme de terre
Jusqu’à la fin du 18° siècle, la pomme de terre est seulement consommée par les pauvres et les animaux mais depuis, tout belge en mange et surtout en période de manque de pain ! C’est pourquoi la pénurie de pommes de terre est si pénible. Beaucoup de citadins se rendent à la campagne, acheter un sac de pommes de terre auprès des fermiers. Les Allemands réquisitionnent évidemment les pommes de terre, se réservant de quoi ravitailler l’armée surtout et recherchant avec application, les dépôts clandestins, dont les auteurs sont souvent condamnés à de lourdes amendes. Il y a des cartes de pain etc. mais aussi de pommes de terre ! On voit apparaître de petits jardins plantés de pommes de terre, même en pleine ville, gardés jour et nuit pour éviter les vols. Les cuisinières ou les ménagères recherchent des recettes permettant de bien alimenter leurs familles, n’hésitant pas à remplacer le pain par la pomme de terre et proposant par exemple, le « gâteau de guerre » dont l’ingrédient de base est la pomme de terre.

La viande
Les Belges sont carnivores et les temps de disette ou de guerre sont pour eux un drame de plus. Même si la consommation de viande est surtout liée à une classe sociale précise (puisque les classes les plus pauvres ne mangeaient que rarement de la viande). La production est locale mais le bétail est souvent importé. Celui qui vient des Pays-Bas, neutre, pouvait être importé. Si on habite à proximité d’un élevage, c’est tant mieux, mais plusieurs éléments viennent contrecarrer la volonté de s’acheter de la viande : vols, réquisitions allemandes, pouvoir d’achat. Les bouchers et charcutiers sont étroitement surveillés et il est clair que la viande de qualité est réquisitionnée et que nous n’avons droit qu’aux abats et au lard.

Le beurre
C’est aussi un produit très recherché et rare pendant les guerres! On en trouvait au marché noir mais… à des prix très élevés. Mes parents m’ont raconté que pendant la guerre, ils faisaient 60 km à vélo depuis Anvers pour aller à la campagne acheter du beurre, de œufs, du lait et si possible, de la viande.

Les légumes
Les légumes sont aussi une denrée difficile à trouver, malgré les potagers des villes et des cam-pagnes. On vit de la débrouille et des petits trafics.

Les recettes

Lorsqu’elles rencontrent une pénurie, les populations se montrent très créatives à partir des rares ingrédients qu’elles peuvent se procurer. Il y a beaucoup de livres de recettes de temps de guerre et ils fourmillent de bonnes idées pour manger à sa faim en variant tous les jours le menu. Il y a des prodiges d’ingéniosité, comme l’art de savoir utiliser les restes, les astuces de conservation et les ersatz.
Nous allons seulement communiquer quelques recettes originales ou insolites.

Le diner commence presque toujours par une soupe de légumes secs ou frais, de plantes ou de ra-cines; on se souvient de la tétragone, du chou rouge, des oignons, des haricots et pois secs et… de la salade de pissenlits ! Rarement, le dimanche, la soupe est enrichie d’un « bouilli ». Ensuite, on mange un légume « mélangé» (potchue), souvent des épinards, des poireaux, des haricots, des céleris; les plus pauvres y ajoutent parfois une sauce au lard. Les plus nantis, arrivent à se procurer de la blanquette de veau ou des carbonnades, qu’on nomme trop souvent, à tort, de flamandes ; cuites avec des oignons et un morceau de graisse prélevé sur la viande afin de brunir les oignons, rehaussées en fin de cuisson, d’un morceau de sucre, un filet de vinaigre, une feuille de laurier, trois clous de girofle. En Wallonie, la coutume est d’ajouter lors de la cuisson, du pain d’épices mouillé à la bière. Le mouton est aussi une viande courante, surtout la poitrine ou l’épaule, préparé principalement en ragout, avec des pommes de terre, oignons, chou blanc, navets ou chou rave. On se régale aussi d’andouilles, de boudin et même de poumon, foie ou cœur présentés en ragout.
On le constate, même chez les gens riches, on ne mange que des viandes de peu de qualité, essentiellement cuites en ragout.
Quant aux desserts, on prépare entre autres, une crème vanillée, du pudding de vieux pain ou aussi un gâteau de pommes de terre : on fait cuire 600g de pommes de terre qu’on mélange avec 2 cuillerées de farine, 2 jaunes d’œufs, 30g de beurre, 200g de sucre, un peu de cannelle et une pelure de citron râpée. Ce n’est qu’alors qu’on ajoute 2 cuillères à soupe de lait et les blancs battus en neige. Le tout est versé dans une forme beurrée et cuit à four modéré pendant une heure environ. On retourne cette tarte et on la mange avec du sucre.
Les enfants ne sont pas oubliés et on leur sert des macarons de betterave sucrière qui sont en fait des bonbons réalisés à partir de sirop à base de morceaux de betteraves et on le verse avec une cuillère à café sur le marbre de la fenêtre par exemple, pour le refroidir. Mais les mamans préparent aussi des rochers au gruau et autres caramels, selon ce dont on dispose!
Dans la bibliographie jointe au présent texte, on peut y lire la diversité des préparations et l’imagination des ménagères soumises aux privations.
D’ailleurs, concernant ces privations, on se souvient du café vert et du savon souvent amassé dans les greniers pendant la guerre 40-45, la ruée sur le sucre, le riz, l’huile et les pâtes alimentaires pendant la guerre du Golfe (1990-1991) et il n’y a pas si longtemps, l’empressement de la population, d’acquérir le papier de toilette et d’autres denrées dites de première nécessité. C’est la guerre en Ukraine et on ne trouve plus d’huile dans les magasins! De guerre en guerre et depuis toujours, se reproduit le même mécanisme d’emmagasinement de provisions…
Nous ne connaitrons pas la disette, ni la faim ou la soif que connaissent les pays en guerre. Nous ignorons ce qu’est la vraie privation, celle qui tue. Ne l’oublions pas !

A.M.Marré-Muls

BIBLIOGRAPHIE

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CATALINA MACIAS T., Manger pendant la grande guerre ou l’art de lutter contre la faim, Bruxelles, 2014.
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COLINETTE tante, Le coin de la ménagère, Bruxelles, 1917.
DELHAIZE, Que faire de nos rations ?, (recettes de guerre 40-45)
DURAY Madame, Nouveau traité pratique, éditions Ecopubli, Bruxelles, 1942, (conseils pour la conservation de nos aliments).
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GRAHAM-HARRISON Emma, www.alimentarium.org
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JACOBY A., L’Ardenne au bon vieux temps, éd. J.Petitpas, s.1., 1976.
MALKA Morgan, Rats, chiens et éléphants: comment Paris assiégé mangea l’interdit, Paris, 2020. MARIE tante, La véritable cuisine de famille, Paris, avant 1940. MATHIEU Louisa, Traité d’économie domestique et d’hygiène, Liège, avant 1914.
MUSEE DE LA GOURMANDISE D’HERMALLE SOUS HUY, Bibliothèque.
ROSALIE tante, les mille recettes, Bruxelles, 1930. SERVAIS Germaine, ms, Charleroi, 1910-1913.
https:// spiegato.com/fr
wikipedia.org/wiki/Aliment de famine


(1) Lire Morgan Malka, Rats, chiens et éléphants : comment Paris assiégé mangea l’interdit, Paris, 2020.
(2) NDLR: clairement, les conseils de conservation qui vont suivre étaient surtout destinés à une classe moyenne rurale. Où trouver en 2022, un droguiste, un plafonneur, une maison avec cave et grenier ? Les habitudes de consommation et d’achat ont aussi beaucoup évolué…….

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