Pour une fois, nous avons préféré le mode comique à la note historique. Nous avons ainsi puisé dans « Le Pays Wallon », quotidien régional catholique édité à Charleroi, quelques échos publiés durant l’année 1900. lis n’ont rien à voir avec l’austère actualité internationale, qui était faite de la guerre du Transvaal, des soulèvements en Chine, de l’assassinat du Roi d’Italie ou de l’attentat contre le Shah de Perse à Paris. Ils n’ont pas davantage à voir avec l’actualité nationale et, par exemple, les élections législatives du 27 mai. Ils délaissent même l’inauguration de « l’hospice», que le « Pays Wallon » du 14 novembre relate, ou les travaux de la ligne de tram Morlanwelz-Carnières. Ils n’ont pour but que d’amener à sourire et à conclure, à la faveur de la plume polémique de l’échotier de service : c’est co toudi Carnières…
Mardi 16 janvier 1900 : Quand va-t-on remédier au mauvais état du chemin qui conduit du Roujuste au Vieux Cimetière, vers la maison de M. J.B. Cambier ? Il n’est plus possible par les temps de pluie d’aborder ce quartier et les habitants, avec raison, s’en plaignent amèrement — un peu de vigilance s.v.p. Et le réverbère enlevé près du Cercle, sera-t-il bientôt replacé ? Et les habitants du Petit Saint-Hilaire, rue de la Cure, auront-ils bientôt leur réve:- bère au pont du vieux chemin de fer ? Parions que notre nouvel échevin va mettre bon ordre à cela ? En tout cas, ce n’était pas chose faite en février :
Vendredi 16 février 1900 : En tout cas, plaisanterie à part, il n’est pas plus difficile au général BULLER de passer la TUGELA qu’aux piétons d’aller de la rue de la Cure et du Roujuste à la maison du « p’tit Batisse» et aux autres demeures de ce quartier.
Vendredi 9 février 1900 : L’impôt sur les violes, cafés-concerts, etc., rapporte à la commune, parait-il, de douze à treize cents francs par an. Mais depuis le 31 décembre 1891, on n’a plus le droit de toucher cet impôt : la mesure n’avait de valeur que pour 10 ans, ce droit expirait à la date indiquée et on a négligé de faire renouveler et approuver la chose; c’est ainsi que la semaine dernière, le juge de paix acquitta un cabaretier qui s’était vu dresser procès-verbel pour avoir fait jouer en soirée chez lui sans l’autorisation exigée !
Samedi 3 mars 1900 : Mercredi après-midi, un nommé Paul R. de Carnières parcourait la commune brandissant un revolver dont il tira plusieurs coups. Il proférait en même temps des menaces à l’adresse d’une ancienne voisine.
R., rejoint au Trichon par M. le commissaire de police Henry, fut désarme non sans peine et se vit dresser proces-verbal.
Jeudi 22 mars 1900 : Voleur pincé. Un nommé O.J. vient d’avoir une singulière farce. L’autre soir, il entra dans un café où se trouvaient quelques ouvriers. l etait porteur d’un paquet dont les ouvriers s’emparèrent en se disant que c’était sans doute un lapin volé. Ils avaient deviné juste et, le lendemain, ils portaient le lapin au commissaire de police en disant qu’ils l’avaient trouvé. Comme on en parlait, de çi, de là, l’épouse Alphonse Mustin s’en fut chez O., et lui dit de lui rendre ses lapins qu’on avait été voler. O. répondit que c’était un lapin qu’il avait volé à une autre personne et qu’il l’avait payé lundi. L’épouse Mustin reconnut formellement le lapin comme lui appartenant. Mais où l’affaire se compliqua, c’est quand le lapin fut réclamé par une seconde femme, Philomène Steck, qui prétendait que le lapin lui appartenait aussi. Explication : on avait volé un lapin mais à chacune des plaignantes et O., qui s’est mis dedans en voulant se tirer d’affaire, sera poursuivi pour les deux vols.
Lundi 27 juillet 1900 : Sommes-nous au Congo? C’est avec raison que nous posons cette question. Avec les chaleurs, voici revenues le long de la rivière la Haine les petites scènes de pays sauvage contre lesquelles, chaque année, avec tous les honnêtes gens nous sommes obligés de protester. Jeudi après-midi, c’était en plein centre de la Commune dans les prairies Bughin un spectacle vraiment scandaleux. Et la police brille toujours par son absence. Il nous semble pourtant que l’expérience doit faire connaître aux hommes de police les moments où la surveillance est nécessaire en ces endroits. La gendarmerie ne pourrait-elle pas de temps en temps aussi, particulièrement le jeudi après-midi, fairo une apparition le long de la rivière de Morlanwelz à Carnières. La vue des gendarmes serait un bon moyen de mettre un frein à l’impudence des galopins et des polissons qui prennent leurs ébats au mépris des règles les plus élémentaires de l’honnêteté publi-que. Qu’il nous soit permis aussi d’attirer à cet égard l’attention des parents qui ont pour devoir de surveiller leurs enfants; et il nous semble que les instituteurs eux aussi rempliraient un devoir important d’éducation en employant leur zèle et leur autorité à mettre un frein à ces scènes dignes des coins les moins civilisés de l’Afrique centrale. S’il faut des influences supérieures pour mettre fin à cet état de choses, on les fera intervenir, mais nous espérons que notre appel sera entendu de tous ceux qui ont mission de veiller au respect des bonnes mœurs et de l’éducation de la jeunesse.
Que se passa-t-il, après cette joyeuse envolée pudibonde de juillet ? Je ne sais. Toujours est-il qua les livraisons ultérieures du « Pays Wallon » n’offrent plus, de notre gazetier, de papiers de la même veine. A-t-il trempé sa plume dans une autre encre ? Est-ce l’âge qui est venu glacer la jeunesse du cœur et de l’esprit? Tout cela est possible. Mais le résultat est qu’il nous faut trop tôt conclure : « c’est co toudi Carnières… »