Le nom de Carnières (1) est cité dans les documents anciens sous diverses formes qui, presque toutes, revêtent le féminin pluriel. Carnières, dans le polyptique des possessions de l’abbaye de Lobbes de 868-869 ; Carneriae, dans une lettre des moines de cette abbaye à l’évêque Otbert de Liège (1077-1094) ; Carnières dans les chroniques de Gislebert, de Jacques de Guyse et dans quantité d’autres actes. Cette dernière orthographe a prévalu elle est aujourd’hui officielle. Les habitants de la localité et des environs prononcent le nom avec un accent aigu bien prononcé : Carniéres (2).

Ce vocable semble, à priori, appartenir par son radical et sa désineuse aux langues latine et romane. Toutefois ses origines ont donné lieu à diverses explications contradictoires.

La tradition locale, suivie par quelques auteurs, y retrouve le souvenir d’un carnage arrivé à la suite d’une sanglante bataille dont le territoire de ce village aurait été le théâtre. Il est de fait que le nom se rapproche d’une façon presque frappante du mot latin CARO, génitif CARNIS signifiant chair et de ses dérivés, CARNARIUS, CHARNARIUS, CHARNARIA et en bas latin CARNERIUS et CARNERIA, désignant soit un carnage, soit un charnier, un endroit où de nombreux morts ont été enterrés.

La difficulté est de savoir à quel fait historique, à quelle bataille se rapporterait cet amoncellement de morts sur le sol carniérien. Celui-ci vit plusieurs grands combats que nous décrirons plus tard.

Dans ses « Etudes étymologiques sur les noms de localités du Hainaut », le savant Chotin explique ce nom par l’existence d’un cimetière ou plutôt d’une USTRINA, mot qui, d’après cet auteur, désignerait le lieu où l’on brûle les cadavres, ce qui n’est guère exact car USTRINA signifie simplement LA FORGE.

L’auteur ne semble pas avoir eu grande confiance dans cette étymologie car, dans une seconde édition de son ouvrage, il l’abandonne « La finale de ce nom, dit-il, en latin comme en français, annonce un collectif qui a pour préfixe le mot bas latin CARMUS ou CARNUS, haut latin CARPINUS, en roman CARNE ou CHARME, c’est-à-dire l’arbre appelé charme. Carnières serait la « charmoie », la « charmaie » à mieux dire un territoire où l’essence de charme est commune, de même que Ronquières, Frasnières, Rosières, Vernières, Joncquières dénotent l’abondance des ronces, des frênes, des roseaux, des viornes ou des joncs.

Cette étymologie est admise par Mr l’abbé Boniface pour la ville de Carnières en Cambrésis, par Mr Théophile Lejeune qui a donné une notice succincte sur notre village dans ses intéressantes « Monographies historiques et archéologiques ».

Jusqu’à preuve du contraire, nous croyons que cette étymologie est la vraie, celle qui peut être défendue avec avantage ; elle n’a pas seulement beaucoup de vraisemblance au point de vue linguistique, elle s’appuie surtout sur un fait végétal. Le charme pousse un peu de tous les côtés à Carnières, en arbre et en taillis dans les bois, il entra pour une grande partie dans la composition des haies qui délimitent de toute antiquité les héritages. Son hameau de Colarmont existait, il y a une centaine d’années, une souche, stot ou têtard de charmes, dont les couches concentriques accusaient une durée de deux à trois cents années.

Le charme n’est pas abondant qu’à Carnières. Nombreux sont les noms de lieux qui dérivent de sa présence mais ils prennent souvent les désineces oy, oit, iat, eux. Tels sont dans notre province CHARNOY, nom primitif de Charleroy, CARNOY dépendances de Anvaing, Anseroul et Blaton, CHARNIAT à Lodelinsart, les CHARNEUX des provinces de Liège et de Luxembourg, les nombreuses variantes qui se rencontrent un peu partout sous les formes Carmois, Charmois, Charnoy, Charnay, Charmettes.

Nous n’avons rencontré que deux noms reproduisant, une forme plurielle identique à celle de notre localité.

En France, on trouve la petite ville de Carnières, chei lieu d’un canton dans l’arrondissement de Cambray, département du Nord.

Une dépendance de Requignies, commune de l’arrondissement d’Avesnes, canton de Maubeuge, dans le même département porte aussi le nom de CARNIERES ou de la CARNIERE. Il est à remarquer qu’elle formait jadis un fief qui fut possédé par de nombreuses familles, parmi lesquelles plusieurs de Hainaut, celles de Recquignies, de Car-nières, Masselot, d’Ecaussinnes, Le Fèvre, Goland de Garnières. HAINE.

Jadis, pour éviter des erreurs, on désignait parfois notre village : CARNIERES SUR HAINE

(1) Cet article a été fait en puisant dans « Les notes pour l’histoire de CARNIERES » de Gonzales Descamps (1851-1919). lesqueiles
(2) Cela n’a pas empêché, dans le cours des siècles, d’écrire ce nom de multiples façons, parmi nous citerons : Carneres, Charnières, Carnires, Carniers, Carnieras, Carnierez, Karnières, Carnierre, Kernières, et même Quatrenières, etc. Il y a là des licences qui proviennent d’auteurs étrangers ou de mauvaises lectures de manuscrits anciens.

A. M.M.M.

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