Avec Dupuis, Casterman est «l’autre éditeur» wallon de BD. L’un et l’autre sont hainuyers, fervents catholiques et convaincus du rôle qui est le leur d’édification de la jeunesse.

Donat, imprimeur et relieur à l’origine de la dynastie

Les débuts plongent dans le XVIII° siècle, avec Donat, Joseph. Descendant de carriers et de tailleurs de pierre, il naît le 11 août 1755 à Tournai. Le jeune Donat perd ses parents, Jean-Baptiste et Catherine, à l’âge de 11 ans. Il entame alors sa formation de libraire, d’imprimeur et de relieur, qui seront ses métiers, avec, plus tard, celui d’éditeur. Nous sommes en 1776, rue du Quesnoy. Et il donne son patronyme à son activité.

Charles, Josué et les almanachs de Liège

Ses fils développeront les affaires: Charles, et Josué, qui donnera à l’activité un cadre qui dépassera le local, avec les «almanachs de Liège». L’édition 2024 sera celle de la 200° année.

Le petit-fils de Donat, Henri, né en 1819, donnera une nouvelle envergure à l’imprimerie et à l’édition. En 1863, il installe le siège dans un ancien couvent fondé par les Sœurs noires, aménage l’imprimerie. Il fait de la contrainte de la reconnaissance effective du droit d’auteur, une opportunité en développant un catalogue original, en se consacrant à l’édition religieuse et en conquérant le marché français, depuis Paris.

Au XX° siècle, Charles Lesne, bras droit que s’est choisi Louis Casterman, contribue à l’expansion de l’affaire. Et si l’imprimerie a fermé ses portes auprès une période de prospérité où les annuaires téléphoniques n’ont pas été pour rien, le rôle culturel de Casterman reste vivace.

Tintin et Martine

Aujourd’hui évoquer Casterman, c’est penser «Tintin» et «Martine», collections de littérature pour la jeunesse, mondialement connues. Tintin, c’est environ 240 millions d’albums vendus depuis les débuts, dans une centaine de langues.

Quant à Martine, elle est née en 1954, «à la ferme». Imagine-t-on cette petite fille septuagénaire? C’est pourtant bien cette année qu’elle souffle ses 70 bougies… En réalité, Martine, ne prendra jamais une ride, après plus de 60 albums vendus à plus de 65 millions d’exemplaires en français et 35 millions dans une trentaine de langues étrangères.

Une collection qui est le résultat d’une commande à Gilbert Delahaye, qui était aussi poète et essayiste. Marcel Marlier fera les illustrations. Le premier travaille chez Casterman. Le second, tournaisien, a déjà travaillé pour Casterman. La série a été adaptée au petit écran entre 2012 et 2017, en animation.

Signe qu’elle participe toujours de notre imaginaire collectif: un générateur de couverture permet, sur internet, de customiser SA couverture. Et puis, il y a ce signe: en France, le prénom Martine apparaît à la fin de la seconde guerre, connaît son pic en… 1954 très exactement, avec 22 821 usages, pour disparaître complètement trente ans plus tard. Si bien que l’âge moyen des gamines qui se prénomment “Martine” ont aujourd’hui… 67 ans d’âge moyen… Se non è vero è bene trovato

prénom Martine - usage source: notrefamille.com
prénom Martine – usage source: notrefamille.com

310 643 françaises partagent aujourd’hui le prénom “Martine“, ou plus exactement 310 627, puisqu’on trouve aussi 16 hommes à se retourner au prénom de Martine. En Belgique, “Martine” est partage le podium des prénoms féminins, avec 39 897 usages, derrière les Maria (108.358) et les Marie (88.519). Elles sont 23.437 en Flandre et 14.257 en Wallonie. A Bruxelles, le prénom n’est plus dans le trop 10.

Et puis, Martine, toujours jeune, fête son anniversaire à Paris, en grande pompe. D’abord, avec Jean, son frère et son chien, Patapouf, elle visite la Capitale, telle Emily, à l’occasion d’un séjour chez sa tante Flo et son oncle Max. Martine à Paris est son 64e album officiel. Une histoire imaginée par Rosalind Elland-Goldsmith, qui a déjà ripoliné les histoires anciennes de Martine.

Une “autobiographie”, Martine, l’éternelle jeunesse d’une icône, lève les derniers secrets. Et une exposition rend hommage à Marcel Marlier chez Gallimard.

Alix, Corto Maltese, Ernest et Célestine et les autres

Mais qu’on pense aux personnages (Alix, Corto Maltese, les Cités Obscures, Martine, Ernest et Célestine ou Émilie), aux sagas (Lastman, UW2, Cherub ou Bodyguard), aux périodiques (A suivre), ou aux auteurs, (Tardi, Enki Bilal, Philippe Geluck, Bastien Vivès, Jean-Marc Rochette, Gabrielle Vincent, Domitille de Pressensé, François Schuiten), Casterman est une institution de la littérature et de la BD.

2.600 mètres d’archives pour écrire l’histoire

Une histoire qui tient dans les anciens bâtiments de l’imprimerie Casterman, aux les Archives de l’État à Tournai, sur 2,6 km linéaires de documents encore à inventorier. Parmi tout quoi on trouve notamment tous les livres imprimés ou édités par la famille Casterman de 1789 à 1991.



Aujourd’hui, basé à Bruxelles et à Paris, Casterman appartient à Madrigall, maison-mère de Gallimard et troisième groupe d’édition français.

Bernard Chateau,



Accueil » Casterman, une histoire contemporaine qui plonge dans le XVIII° siècle