Catherine Lorent, sa famille et ses «bonnes œuvres»

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, bénéficiant des débuts de l’exploitation minière de charbon dans nos régions, profitant d’un plan d’eau, étangs, sis à Carnières entre le chemin de Carnières à Morlanwelz et la rive droite de la Haine, Nicolas LORENT, industriel, originaire de Fontaine-l’Evêque, installait une piatinerie à la chaussée Brune-hault, à la ferme de l’Alliance dont il était propriétaire à Carnières (1). Cet établissement métallurgique était un des premiers du genre, si pas le premier…, de notre région qui deviendrait l’importante zone industrielle du Centre.

Pour forger les pièces de fer chauffées, l’usine disposait d’un « macca» (2). Une chute d’eau établie sur les étangs, décrits plus haut, actionnait une roue à aubes et fournissait ainsi l’énergie nécessaire à manœuvrer cette machine… Le niveau d’eau des étangs etait maintenu constant par le barrage « du Venterre» installé sur la Haine, à mi-chemin entre le confluent avec la Haye et le pont de la chaussée des Romains… Reliant la rue St-Eloi à Carnières au quai de la Haine à Morlanwelz, le « sentier cu Venterre » (3) serpentant sur la rive gauche de la Haine donnait accès à ce barrage, dont il reste toujours quelques vestiges actuellement… Certains Carniérois ont toujours à l’esprit des souvenirs, plus ou moins agréables de ce lieu dit!

Lié à l’exploitation convenable de ses propriétés agricoles, le rendement de la platinerie avait fait de Nicolas Lorent un riche Carniérois…

Sous le régime hollandais, en 1819, lors des premières élections des conseillers nationaux, après la Révolution Française de 1789, au suffrage « censitaire » (*), il est repris à la liste établie par le Contrôle des contributions parce que payant… 199 florins 46 cens (deuxième des cinq électeurs carniérois) (3).

Le 24 mars 1830 à l’âge de 78 ans, Nicolas Lorent décède à Carnières, laissant une seule et… unique… héritière, Catherine, née le 17 octobre 1799 et mieux connue au village sous le nom de « Mademoiselle Catherine». Elle poursuit les diverses activités de ses parents et conserve le patrimoine hérité. Le relevé cadastral de Popp établi en 1858 est assez éloquent à ce sujet. A l’article n° 207 de son répertoire (®) il nous laisse penser qu’elle était toujours riche…

« … C’était une personne très généreuse et très charitable. Ses manificences étaient surtout conséquentes à l’égard des œuvres d’inspiration religieuse… » (7).

Son œuvre principale, qui perpétue toujours actuellement sa mémoire, est la donation de ‡ 50 ares de terrain avec constructions, pour servir de locaux en vue de l’éducation et de l’instruction des jeunes filles de Carnières.

En 1836, en accord avec les autorités communales locales, qui s’engageaient à ne plus admettre des filles dans les locaux scolaires communaux, les Filles de La Providenco de Champion acceptaient la donation de Catherine Lorent.

Dès septembre de la même année, deux filles de cette congrégation prodiguaient leur enseignement aux jeunes filles du village. Il y avait des cours de semaine et de dimanche. Dès l’année suivante, un pensionnat pour jeunes filles devait s’ouvrir et ne fermera ses portes qu’en 1942…

C’est là, l’origine de l’école Sainte-Thérése actuelle do Carnières-Centre et des anciens bâtiments du Home N.-D. du Sacré-Cœur.

La propriété installée auprès du sentier Catherine est reprise au plan cadastral de Popp établi en 1858, et nous trouvons sous l’art. 1120 les renseignements suivants : RASE, Marie Eléonore, religieuse à Champion, et GEORGES, Mélanie, religieuse à Carnières.

SECTION D

51 a 1 ca
parcelle 128b jardin (bon bâti) 31 a 20
parcelle 130a maison (bâti) 13 a 70
parcelle 130b pré (non bâti) 5 a
parcelle 138d verger (non bâti) 1 a 20

Imposable sur le non bâti 31 F 52 et sur le bâti150 F.

De cette façon en 1836, Catherine Lorent mettait à la disposition de nos popu- lations locales et régionales, un instrument (école du village et pensionnat) indispensable à l’éducation et l’instruction des jeunes filles de toutes classes sociales.

Avec l’érection d’un Calvaire monumental, dont la superficie avec avoisinement est estimée à 15 ares (8), au licu dit actuel « Le Calvaire», Catherine Lorent est la marraine de notre cloche paroissiale « HILARINE… ». Elle partage ce parrainage avec Jean-Joseph Bughin, bourgmestre qui devait, lui, cécéder en 1849 après 22 ans de mayorat (9).

Le 30 novembre 1885, Catherine Lorent mourait a Carnières, ne laissant aucun héritier direct. Ses biens immeubles, estimés à plus de 60 ha, situés dans le triangle limité par la rue St-Eloi, chaussée Brunchault et chemin de Carnières à Morlanwelz, furent mis en vente publique.

C’est en l’Hôtel St-Martin, place de la Gare à Morlanwelz, que le notaire Honorez de cette localité, après jugement, rendu le 30 mars 1886, par le tribunal de première instance à Charleroi, vendait le 27 mai 1886, aux profits de quelque trente héritiers retrouvés en Belgique, France…, Tunisie… mineurs et majeurs, les 114 lots que formait cet héritage (10).

A sa mémoire, après son décès en 1886, le chemin de Carnières à Morlanwelz fut dénommé rue Lorent par les autorités locales. C’est en 1945 qu’elle fut dénommée « Van-rome» à la mémoire de Monsieur Alphonse Vanrome qui, habitant la rue, avait été fusillé, comme résistant, par les Allemands à Breendonck.

Docteur Albert MARRÉ,
Président du C.R.E.C.C.

REFERENCES

(1) Actuellement à l’arrêt des trams 30-31, chaussée Brunehault, à Carnières.

(2) Maca : marteau-pilon de l’époque.

(3) Voir plan parcellaire cadastral de Popp (1858).

(4) Régime électoral Censitaire : seules les personnes physiques payant au moins 100 florins de contributions directes (Cens) avaient les droits d’illigibilité et d’électeurs.

(5) 19 mars 1819. (Confirmation des autorités communales de Carnières du 9 avril 1819). Liste des contribuables qui « par eux-mêmes, leur épouse, ou leur mère, veuve, payent au moins une somme de 100 florins et plus des contributions directes, non compris le droit de patente

– Decartier, de Marchienne-au-Pont 105 florins 94

– Duvivier Charles, de Carnières  109 florins 74

– Daumery Pierre-Joseph, Fontaine l’Evêque 221 florins 70

– Lorent Nicolas de Carnières 199 florins 46

– Pouillart Nicolas de Carnières 149 florins 10

(6) Relevé cadastral de Popp. Art. 207. Catherine Lorent : diverses propriétés 60 ha, 11 a 10 ca donnant un revenu imposable de 3.643 F 47 en non bâtis et 581 en bâtis. (7) Gonzales Descamps (1852-1919). Notes pour l’Histoire de Carnières. Plus disert au sujet de Catherine Lorent…

(8) Relevé cadastral de Popp. (1858). Art. n° 207.

(9) Ceci nous permet de garantir que la cloche de l’église est antérieure à la construction de l’église actuelle construite en 1873-74, et provient de l’ancienne « vieille église ».

(10) Affiche de cette vente publique et acte notarié de Me Honorez.


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