Lundi 30 octobre 2023. Pas simple, la mission de service public.

Cette émission a dû être une commande de l’actionnaire unique de France-Télévision. Et sans doute, au vu l’investissement considérable consenti à la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, cela a-t-il du sens: les 110 millions € de départ sont devenus 210 millions à l’arrivée pour ce “lieu culturel et de vie entièrement dédié à la langue française et aux cultures francophones”. Le plus gros chantier du Président Macron, si on excepte Notre-Dame. Le projet est aussi politique: être ancré en dehors de Paris est unique pour un chantier de cette ampleur, et dans un territoire marqué par la désindustrialisation et le chômage. Et qui plus est, dans une commune gérée par l’extrême droite.

200.000 visiteurs sont attendus par an. Est-ce l’outil culturel qu’il fallait et la thématique s’adapte-t-elle à une démarche, qu’on promet événementielle mais aussi muséale? Ce lien, de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 à la future Cité, n’est-il pas excessivement intellectuel? Seul l’avenir le dira.

On applaudit en tout cas en la conviction qui met la culture au service de la reconversion, de la décentralisation, et la voit comme un levier du secteur de l’ Industrie Culturelle et Créative. Le Louvre-Lens,  deuxième déclinaison régionale d’un grand monument parisien, reste le symbole fort de cette ambition, qui devrait parler à la Wallonie: 571.047 entrées en 2022. Il fait mieux que le Centre Pompidou de Metz, dont la fréquentation stagne dans les 300 000 visiteurs/année, alors qu’elle avait démarré en à 800.000 visiteurs, à son ouverture en 2010.

Et qui dire du Guggenheim de Bilbao, “moteur du l’économie du territoire, et en tant qu’institution toujours axée sur l’élévation de l’esprit humain à travers l’accès à l’art moderne et contemporain et à ses valeurs”? La demande finale générée par l’activité du Musée en 2011 est de 311 millions €. Dont 27,9 millions dans le Musée. Outre les impacts d’image… Des modèles.

Quoiqu’il en soit, l’émission de France-Télévision avait un sérieux défi à relever.

Et même si un million de téléspectateurs l’a suivie (ce qui correspondrait à 5 années de fonctionnement du lieu, en nombre de visiteurs selon l’objectif), elle a manqué le succès d’audience – mais aussi l’effet “waouh!”. Encore, la question est légitime: quel est le sens de cette mesure quantitative et le score du lendemain pour le “Spécial Halloween” et ses 1,4 M téléspectateurs serait plus glorieux? Reste que les conditions de la réussite étaient tout sauf réunies: comment produire une émission de télévision qui en jette et en montre, dans le lieu à partager avec les contraintes fortes de l’inauguration?

Mais du lieu, on n’aura rien vu, et l’envie de voir n’a pas été allumée. Le plateau était assez banal, l’illustrer d’abord par la chanson, entre des propos de salon, confisqué par Erik Orsenna, envahissant, faisait de ce moment télévisuel une proposition trop pauvre dans le fond et la forme: on s’en venait à comparer simplement avec un “Grand Echiquier” ordinaire…

Bref: pas simple, la mission de service public… Pas simple du tout.

Bernard Chateau,

Accueil » “Cité internationale de la langue française”: ICC et télévision de service public