– Ding, ding, dong, c’est moi Hilarine la cloche de l’Eglise St-Hilaire, savez-vous quel sort m’est arrivé ?… On a démoli mon clocher et maintenant je suis là plantée au milieu de ce qui reste de notre église; vous me direz que c’est bien d’être au repos, mais le malheur c’est que je ne sais plus me faire entendre. Pourtant, je voudrais vous raconter tous les souvenirs vécus du haut de mon clocher. En voici donc ! Quand les onfants de chœur les corards qu’on dit en wallon (maintenant le mot est plus sophés-tique ce sont des acolytes), venaient tirer sur la corde pour me faire entendre, ils avaient un réel plaisir, lorsque j’étais bien lancée, de se laisser monter et descendre avec la corce, on aurait dit qu’ils faisaient comme Fernandel, et moi je m’ébranlais de plus belle, pour un peu, je me serais sentie comme dans une balançoire lors de la kermesse… J’étais heureuse de les sentir au bout de cette corde. Mais vint un jour la décision de me mécaniser, ce fut pour eux et pour moi la tristesse. Cependant, une mécanisation peut jouer quelques tours; c’est ainsi qu’un jour aux dernières heures de la journée, le clerc, aujourd’hui on dit le sacristain, accompagné d’un ami était entré dans l’église pour préparer les objets du culte pour l’office du matin, mon ami le coq qui de son perchoir les avait vus entrer dans l’église m’avait prévenu de cette affaire quand tout à coup, je m’ébranlai de tout mon être; cet ami avait par mégarde, enclenché le système : jugez de l’émoi des habitants de la Place, vous en souvenez-vous mon ami ?

– Si je m’en souviens, tout le monde était aux fenêtres, même Monsieur le curé s’y trouvait, et rien que d’y penser j’en ris encore de cette blague.

Et vous, vous souvenez-vous de l’histoire du ballon dit « la poire cuite » comme on l’a surnommée, quand le chapeau du Bourgmestre s’est envolé par suite de l’échappement d’un tuyau de gonflage, et qu’au lâcher-tout, à le voir arriver en direction du clocher, je vous prie de croire que j’ai eu très peur; j’ai tremblé de toutes mes plumes si je peux dire, j’avais l’impression que le ballon allait venir me raser de mon perchoir !

– Eh oui! nous avons vécu des bons moments lorsque nous étions là-haut, et lorsqu’arrivait le Jeudi-Saint, je partais pour Rome où là-bas toutes les cloches du monde se retrouvaient; chacune se racontait les souvenirs d’une année passée. Ah ! les hommes auraient dû nous voir dans cette fraternité qui existait entre-nous ! Le jour du départ, chacune, dans sa direction, prenait son envol lourdement chargée ces œufs de Pâques. Quant à moi, arrivée dans notre paroisse, je les laissais tomber dans les jardins, n’est-ce pas que c’était charmant de voir courir partout ces petits mioches pour les ramasser ?

– Moi aussi de là-haut je les voyais, et j’aurais voulu être a leur place pour en croquer un !

– Mais vint la guerre où je dus cesser de sonner. Que de fois j’ai tremble en pensant qu’un jour viendrait où je serais descendue, volée par les occupants et comme mes ” consœurs, condamnée à être fondue pour servir d’engins de destruction et de mort, alors que mon rôle était de rassembler les hommes pour vivre en paix.
La guerre finie, je pus reprendre mon activité jusqu’au jour où la décision de démolir notre église est arrivée. Et nous avons assisté à cette démolition, eh oui! Que de gens ont eu un serrement de cœur et des larmes aux yeux à voir ce spectacle de des-truction, et de désolation. Puis ce fut mon tour d’être descendue, quelqu’un en me voyant passer devant une lucarne s’écria « Voila la cloche qui descend!» Chargée, je me suis centie comme dans un fourgon cellulaire entourée d’hommes et conduite comme une prisonnière où je suis là maintenant.

– Après, ce fut mon tour d’être descendu, l’un et l’autre nous fúmes enfermés comme des prisonniers de droit commun en attendant que s’ouvre notre procès pour être rendus à la liberté et replacés dans notre nouvelle église. – Et quand ce jour arrivera, c’est à moi que reviendra la joie d’annoncer à la paroisse que nous avons retrouvé notre église.

– Et moi, si je pouvais, je chanterais non pas comme mon congénère l’a fait au Jeudi-Saint pour rappeler à Pierre son serment, mais ce serait un chant d’allégresse pour dire aux paroissiens

REJOUISSEZ-VOUS AVEC NOUS, NOUS SOMMES DE NOUVEAU LA !

Gilbert HOUTRELLE

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