Cougnou, mais pas que…

Les jalons traditionnels du calendrier se superposent souvent avec ceux de productions folkloriques, où le boire et le manger trouvent une place de choix. Ainsi de Noël, avec la tradition du cougnou – ou de la cougnole, ou cougnolle, selon le lieu, qu’on peut inaugurer dès la Saint-Nicolas, voire la Saint-Martin.

Cougnou, cougnole, cougnolle… mais pas que…

Il s’agit d’une sorte de pâte briochée améliorée et enrichie, formée de trois parties, et de forme oblongue : au centre, la plus grosse, comme une demi-sphère allongée ; à chaque extrémité, une demi-boule plus petite, représentant l’une la tête, l’autre les jambes. Le tout veut donner à voir, à travers cette forme anthropomorphe, un bébé emmailloté. T’en souviens-tu ? On est autour de Noël. Et on comprends l’allusion à l’enfant-Dieu que l’appellation « Pain de Jésus » et plus simplement encore « Jésus » dans le nord du Hainaut rend explicite. On dira génériquement “coquille” dans les Hauts de France, mais “quéniole” à Valenciennes et “volaeren” ou « folard » à Dunkerque. Et “fisquemalles” à Tournai, « côgnés » dans la Meurthe et Mikkeman dans le Limbourg ou « bonhomme » à Liège.

Boutroûle, mais pas que…

Mais on ne peut faire sans évoquer encore la « boutroûle ».
« La boutroûle », en wallon du Centre et de Charleroi, c’est le nombril. Sur une cougnole, c’est un petit palet, en plâtre, décoré surtout de motifs végétaux ou de petits personnages, en relief et peints au pinceau, placé au centre du corps. Lorsque la cougnole a une certaine importance, il s’en trouvait une autre, plus petite, sur chacune des autres parties de la viennoiserie. Aujourd’hui, un petit Jésus en sucre rose fondant, un voile bleu dissimulant son intimité, a remplacé cette autre tradition perdue aujourd’hui. Il faut dire que les enfants ne jouent plus guère à la marelle, à laquelle ils destinaient ces petits objets. Bien sûr, son appellation varie tout autant régionalement : « mastele » à Sombreffe, le « fayu » à Liège, « corone » », « macaron » ou « Patacon », mais je garde un faible pour la « boutroûle » de mon enfance, qui résonne d’une évidence anatomique et du plaisir narcissique de se regarder le nombril…

photo: Lucy Mahin sur Wikipédia

Photo My Plastercastcollection B. Van den Driess

Ces pièces étaient un peu, au cougnoû, ce que la fève de fantaisie est aujourd’hui à la galette des Rois,  qui a donné naissance à une nouvelle vogue: celle d’une collection nouvelle, appelée fabophilie.

Cette viennoiserie, à partager, est faite d’une pâte briochée, éventuellement agrémentée de pépites de chocolat, de raisins secs, façon cramique, ou de sucre casson, sucre perlé pour un astucieux mélange de craquant et de fondant, façon craquelin.

Dj’inme bi lès cougnous avu dès corinthes

confesse Jean-Marie Gervy et les Vîs Paltôts, dans leur dictionnaire wallon-français.

En matière de traditions, on voudrait que chaque famille utile encore jalousement la sienne. Hélas, la cougnole est trop souvent industrielle, même si les meilleurs boulangers s’y attellent toujours avec conviction.

La recette? une recette.

la section boulangerie de l’Ipam « Centre Binche Carnières Morlanwelz » a livré la sienne :

ingrédients.
1 kg 200 de farine.
5 dl de lait.
3 œufs.
75g de levure fraîche.
75g de sucre.
250g de beurre.
20g de sel.
250g de sucre perlé.
250g de raisins secs.

Préparation.
Déposer la farine en fontaine.
Au centre, verser le lait, délayer la levure émiettée, ajouter les œufs entiers.
Déposer le sucre, le beurre et le sel sur le côté.
Mélanger petit à petit la farine au liquide.
Ajouter le beurre, le sucre et le sel.
Pétrir et battre jusqu’à ce que la pâte se décolle de la table.
Laisser lever 10′.
Ajouter les raisins, le sucre perlé si on le veut.
Bouler et laisser reposer 10′.
Donner la forme de la cougnole et laisser à nouveau reposer jusqu’à ce qu’elle ait doublé de volume.
Dorer et enfourner à 220°. Laisser cuire pendant + ou – 12 minutes pour une petite et + ou – 30 minutes pour une grande.

Etymologie? Etymologies.

Etymologiquement, si la source latine est avérée, au-delà, elle est largement disputée et il y en a au moins trois, clairement identifiées: cuneolus , soit le « petit coin », qui a donné “quenieux”, quand sa forme était encore triangulaire ou cunae, qui signifie berceau, première enfance ou encore conchylium, d’où est issu « coquille ».

Histoire

Mais cette dispute ne doit pas vous empêcher de renouer avec cette très ancienne tradition. Originaire du Hainaut, on dit qu’elle remonte au moyen âge, et dans sa forme actuelle au XVI° ou XVII° S, où l’appellation apparaît. Mais elle n’est prétexte à petits plaisirs familiaux que depuis le XIX° S: avant, elle aurait été une forme d’offrande aux seigneurs et au clergé et cadeau aux nécessiteux. Elle constitue aussi, dans la région de Namur, un prix à gagner lors de loteries, appelées “trairies“.

Eyé, ça vo gousse?

photo de titre: photo de thème sur unsplach.com

Bernard Chateau,

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