A. – UN PEU D’HISTOIRE : CHEZ LES ROMAINS

La discipline chez les enfants a toujours posé des problèmes aux parents et aux éducateurs.

Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire, on s’aperçoit que dans toutes les civilisations, les adultes se sont très vite rendus compte qu’il était primordial d’appliquer aux enfants de moins de 15 ans, des méthodes adaptées à leur âge et à leur condition physique pour les conduire dans le « droit chemin ».

L’histoire romaine est particulièrement riche à ce sujet. L’éducation des enfants comportait deux grances périodes : jusqu’à l’âge de 7 ans, les parents éduquaient eux-mêmes leurs enfants, ensuite, ceux-ci étaient pris en main par des précepteurs (souvent d’origine grecque) dans le cas des nobles, riches commerçants et propriétaires terriens ou, par des « magisters» pour les pauvres et les classes moyennes, dans des écoles mixtes officielles.

Des châtiments corporels légers (flagellation avec verges) faisaient partie des procédés disciplinaires.

Des documents retrouvés à Pompéi montrent des punitions rédigées sur des tablettes d’argile.

Les petits romains n’étaient pas livrés à eux-mêmes. S’ils refusaient l’école, ils retournaient ipso facto à une vie très rude notamment en participant dans les champs aux travaux pénibles ou en aidant leurs parents dans leur profession.

En général, ils préféraient l’école, chance unique pour eux, d’éviter de dures corvées manuelles et de s’élever dans la société romaine ou plus tard gallo-romaine.

Déjà, à cette époque, les bons éléments d’origine humble, (âgés de plus de 17 ans) repérés par les « magisters » étaient envoyés à Rome, aux frais de l’Etat, pour y poursuivre des études juridiques ou militaires.

B. – UN PEU D’HISTOIRE : CHEZ LES ANGLAIS, LES ALLEMANDS ET LES RUSSES

Plus près de nous, en Angleterre, les châtiments corporels étaient largement utilisés, au début du siècle, comme moyens disciplinaires, dans les établissements scolaires.

La presse parlée et écrite a, tout dernièrement, rapporté que, suite à des débats parlementaires passionnés, les punitions corporelles, partiellement supprimées aux alentours des années 80 avaient dû être réintroduites vu les difficultés éprouvées par les professeurs pour maintenir l’ordre.

Vers 1900, les éducateurs allemands avaient la réputation d’être passés maîtres dans l’art disciplinaire à tendance paramilitaire.

Des écoles spécialisées telles les « Pieterschule» en Prusse orientale traitaient les cas d’enfants indisciplinés. A tel point qu’en Russie tsariste avant la guerre 14-18 où l’on usait volontiers du knout (1), la noblesse envoyait ses fils récalcitrants en pension dans ces écoles « renommées» où ils recevaient, outre une instruction solide basée sur un programme d’études poussé en langues vivantes et en mathématiques, une éducation spéciale adaptée à leur cas, par exemple, à chaque incartade grave ils passaient la nuit dans une cave obscure, munis d’un morceau de pain sec et d’un broc d’eau, en compagnie de rats, sous l’œil d’un gardien impassible à leurs cris de détresse.

Après un séjour prolongé dans cet institut, ils revenaient dans leur famille complètement méconnaissables, soumis, domptés, matés.

C. – ET A CARNIERES ?

En 1856, Gonzales Decamps, notre historien du 19e siècle, raconte : « qu’étant, sans doute, difficile, il méritait toute la série de punitions usitées en ce temps : retenue au pain sec, bonnet d’âne, drogue (ou drague) morceau de bois fendu qui servait à emprisonner le nez, la férule, coup de règle plate sur le bout des doigts; il échappa, dit-il le boyau, baillon, petit morceau de bois que l’on introduisait verticalement entre les dents et tenait la bouche largement ouverte ».

Discipline et punitions corporelles

Les anciens du quatrième âge, qui ont fréquenté l’école communale au début du siècle, se sont tous, un jour ou l’autre, retrouvés à genoux dans un coin, face au mur, les bras en l’air, position instable et fort inconfortable! Fait amusant : certains garnements, en suivant le mur, à pas feutrés, parvenaient à changer de coin… pour la grande joie de leurs condisciples et la colère de l’instituteur… (1) Knout = fouet.

Il leur est arrivé aussi d’être mis hors de la classe pour un « mauvais coup », sanction dangereuse (non conforme au règlement) pour l’élève et pour le maître…, des accidents sont survenus : des enfants s’échappant de l’école… La responsabilité incombait eu professeur.

Les « vieux» ne semblent pas se souvenir d’avoir subi de punitions corporelles douloureuses. A part, la « gifle mentionnée de temps à autre, la règle en ébène ou le mètre en bois frappant le bout des doigts (il est vrai que beaucoup d’enfants et même d’adultes se rongeaient les ongles), les oreilles tirées ou tordues ».

Etait-ce là, sans doute, l’exceptionnelle réaction d’un instituteur excédé, moins maître de ses nerfs que les autres !

D. – SURCHARGE SCOLAIRE – ATTITUDE DES PARENTS

Remarquons, à la décharge de l’instituteur, que les écoles primaires étaient fort peuplées, les journées scolaires longues, les congés rares, les moyens éducatifs peu attrayants et distractifs : peu ou pas de livres illustrés en couleur, pas d’audio visuel scolaire, pas de sport, pas d’excursion annuelle, peu ou pas de sorties sur le terrain.

Dans ces conditions, il devait être terriblement difficile de maintenir l’attention

enfants pendant de longues heures. Il y avait cependant un avantage : les parents, en général, reconnaissaient l’autorité du maître et l’encourageaient à sévir s’il le jugeait nécessaire. Dans la plupart des cas, ils doublaient la punition et appliquaient des représailles assez vives, parfois même exagérées : gifles dites « taloches» ou plus familièrement encore « calottes», voire aussi l’emploi du martinet ou d’une ceinture en cuir, enfin l’application de ce qu’on appelait, en termes populaires, « une bonne danse ».

Il faut bien reconnaître, qu’actuellement, bien des parents, sous des prétextes divers, trouvent plus simple d’abdiquer et de laisser à l’instituteur seul la tâche éducative, tout en se réservant cependant le croit de critique destructive ou constructive….

E. – PUNITIONS ECRITES

Mais quels étaient donc les moyens disciplinaires appliqués aux filles bavardes, rapporteuses et aux garçonnets tapageurs, belliqueux ?

En général, des punitions écrites : on pourrait les classer en différentes catégories :

– d’abord pour les faits mineurs :

On bavarde dans les rangs, on entame une parlote pendant la leçon, on souffle une réponse, pince le bras de la voisine, on adresse un pied-de-nez à une amie. on tire la langue à une compagne, etc. etc.

Punitions imposées : 50 fois, 100 fois (selon la gravité) « Je ne bavarderai plus ». « Je ne ferai plus ceci », « Je ne ferai plus cela». A écrire sur l’ardoise avec une touche. On trouve moyen de tricher 90 fois cela suffit l’institutrice ne s’en apercevra pas. Pas sûr! De plus, pendant le transport, dans le cartable, le texte s’efface et devient presque illisible !

— Viennent ensuite les cas de méconnaissance d’une leçon, d’une faute de calcul, d’un devoir non fait ou négligé… etc.

Punitions plus pédagogiques : pour les petits, une page d’écriture dite « anglaise» multiplication, résolution de petits problèmes sur lesquels on suait… etc. le chemin ou

Quant aux cas pluus graves : insultes, vols, bagarres, coups et blessures (souvent dur le chemin du retour), etc. Sanctions : renvoi pour plusieurs jours, avis et prise de contact avec les parents, etc., ce qui permettait souvent d’éviter des poursuites judiciaires dommageables pour l’avenir des enfants.

Punitions privatives

A cette liste de sanctions forcément incomplète, ajoutons les punitions dites « privatives » applicables à l’école et surtout dans le milieu familial. Elles sont d’ailleurs

efficaces et encore en usage à notre époque. Les parents doivent faire montre d’un certain courage; les promesses négatives devant être tenues ! Il s’agit de priver le rejeton d’un cadeau de St-Nicolas, d’un objet convoité, d’une sortie amusante, d’un voyage désiré… bref d’un plaisir.

F. – ATTITUDE DE L’INSPECTION SCOLAIRE

L’inspection scolaire, de son côté, interdisait les punitions corporelles, n’appréciait guère les punitions écrites, elle les trouvait fastidieuses et sans valeur pédagogique. D’après elle, l’enseignant aurait dû en imposer par sa tenue correcte, soignée, sa compétence, sa maîtrise de soi-même, son art d’intéresser les élèves. N’était-ce pas beaucoup demander ?

Ces exigences, ces qualités ne se rencontrent pas toujours réunies chez une même personne. Les enseignants réagissaient suivant leur tempérament : l’un imposait par son calme, son regard sévère, un autre grondait, criait, un troisième musicien amenait son violon pour « adoucir les mœurs», un autre encore, plus sportif, imaginait une marche au pas, suivie d’une course autour de la cour. Une institutrice avait ému ses élèves sur le sort de la « Petite chèvre de M. Seguin», une autre récompensait les fillettes sages et studieuses par des cartes d’honneur (jolies cartes fleuries conservées pieusement dans un vieux coffret).

G. – CONCLUSION

Les « anciens» reconnaissent avoir souvent mérité largement les sanctions imposées. Grâce à ces « copies », ils estiment avoir incrusté dans leur mémoire des notions fondamentales utiles et appris la valeur de l’effort personnel… Avec le recul, on constate que ce problème de discipline n’a pas trouvé de solution satisfaisante. Traumatiser ou brutaliser un enfant est-il plus néfaste que de lui laisser Le « juste milieu », l’équilibre, c’est ce qui dans la conduite de la vie a toujours été le plus difficile à réaliser !

L. ANNINO-HECQ.

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