Moins célèbres que Stone et Charden, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, Jacques Dutronc et Françoise Hardy, Catherine Ringer et Fred Chichin, Johnny Halliday et Sylvie Vartan, John Lennon et Yoko Ono, Ike et Tina Turner, c’est autre beau roman, une autre belle histoire, c’est une romance d’autrefois, l’histoire d’un couple – et d’ « in Affair d’Amour », pour reprendre le titre d’une de leurs chansons.

In affair d’amour

Lui, c’est “D’Jobrî” et elle, c’est “D’Jobrette”. Ensemble ils forment “D’Jobri et D’Djobrette”.

Et leur « Affair d’Amour », leur « affaire d’amour », ils la vivent dans la Région du Centre – et avec elle, pour témoin.

Joseph Brismet naît en 1885, dans le quartier de Baume, au Cras Culot, un des quartiers les plus industrieux de La Louvière. Cafetier et gille chez les Boute-en-Train, il était écrivain, auteur de chansons, de monologues et de sketches. Il était aussi interprète : acteur de théâtre, conteur, chansonnier. A La Louvière, on n’hésite pas à le présenter comme le Tchantchès local.

Il en fit sa petite entreprise familiale. Avec sa femme Laure et ses filles Gilberte et Mariette. Et surtout une intuition étonnante du sens de la marque. Qu’on en juge…

Une intuition de bon sens, comme un marketing de marques

Son speudonyme, “D’Jobri”, il le forme à partir des deux premières syllabes de son prénom et de son nom : Joseph Brimet devint ainsi D’jobri. Et le reste va couler de source : sa femme devient “D’jobrette” et ses filles les “D’jobrinettes”. Et puis, ses billets rimés, des « P’tites djobrinâdes ». Bref, un marketing opérationnel qui ne dit pas son nom, dans le secteur du branding, avec une architecture de marques parfaite, et à la clé la reconnaissance et l’adhésion par la cible, en dehors de tout marketing stratégique. Ou l’empirisme et l’intuition au service de l’ingénierie culturelle.

Vous avez dit Claude François et les Claudettes ?

D'jobrî et D'jobrette sont enchassés dans le pilier de La Louve, à La Louvière
D’jobrî et D’jobrette sont enchassés dans le pilier de La Louve, à La Louvière

Pour juger de la célébrité du couple, il suffit de savoir que le sculpteur Alphonse Darville les a immortalisé en 1953 dans une plaque en bronze, alors qu’ils sont encore bien vivants. Et peu de gens savent que le monument de la Louve, tout le symbole de La Louvière, en face de ce qui fut le légendaire café de l’Ard’n, comporte un médaillon à leur effigie.

En septembre 1955, aux Fêtes de Wallonie, les organisateurs de la Foire commerciale de La Louvière créent les deux géants D’Jobri et D’jobrette. C’est eux qui ouvrent, le lundi de la Laetere à 17 heures, le Cortège composé de toutes les sociétés locales, qui démarre de la Place Maugrétout.

Une belle histoire qui s’arrêtera, pour l’auteur d’ « in affair d’amour », en 1969.

Quand la rue du Curé devient rue des Amours

Mais il en faudrait plus pour perturber les « affaires d’amour » à La Louvière.

C’est qu’en 1893, la « rue du Curé » fut rebaptisée « rue des Amours » par une Administration communale, qui n’avait peur de rien et surtout pas des foudres célestes.

Explication : au bas de cette rue, dans le tronçon devenu la “rue Vital Roland”, un court sentier conduisait à un bosquet touffu. Et qu’advenait-il dans ce bosquet touffu et propice ? Il était le refuge discret, comme bien on le devine, des amoureux lors des soirs de fête, sur la place Jules Mansart, qu’on appelait alors Place des Martyrs. Passer de la Place des Martyrs à la rue des Amours… qui aurait hésité à se soustraire à l’une, pour s’abandonner à l’autre ?

On comprend qu’André Breton présentait La Louvière comme la deuxième capitale du surréalisme, après Paris, si l’on en croit le regretté Willy Taminiaux, ancien Bourgmestre de La Louvière qui n’avait lui, là-dessus, aucun doute… On prétendrait même qu’elle l’a inventé…

Bernard Chateau,




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