Une soirée télé pas comme les autres…

La soirée du 27 février en télévision nous en dit beaucoup du comportement des foules aujourd’hui et de l’état de la société.

Plongée dans l’actualité chaude, elle était consacrée sur France 2 au combat des femmes dans le monde agricole pour obtenir un statut, des droits, une reconnaissance, pendant 90 minutes d’archives, de témoignages, de reportages pour rendre hommage à toutes ces femmes et leur redonner enfin la place qu’elles méritent.
Un très beau docu d’Edouard Bergeon, suivi d’un débat.

La sanction de l’audience

“Sur l’ensemble de la journée, TF1 écrase la concurrence (18,5%), France 2 est distancée (13,5%) et France 3 atteint les 10,0% de part d’audience” et PureMédias poursuit ce matin : “Audiences : “Koh-Lanta” leader encore en hausse sur TF1, flop pour France 2 et “Les 40 ans du Top 50″ sur M6”.

Solidaire ignorant

Le paradoxe est stupéfiant: alors que l’élan vers le monde agricole est assez général, jusque dans ses excès, alors que certains se parfument du sentiment de solidarité courageuse en retournant leur photo sur les réseaux sociaux, on assiste à une confirmation assez terrible. Il ne s’agit plus de s’informer, il ne s’agit pas de savoir, il ne s’agit pas de se documenter, il ne s’agit pas de connaître, il ne s’agit pas d’étayer une conviction, puisqu’il ne s’agit pas d’argumenter. Il s’agit seulement d’accompagner affectivement, dans un élan émotionnel. Une émotion qui est aussi, au passage, l’occasion de nourrir encore l’élan de détestation des pouvoirs. Et pour le reste, il s’agit en réalité de s’évader de la fureur du monde, dans “le temps de cerveau disponible”: l’évasion, c’est encore de l’émotion.

L’émotiocratie

Mais c’est surtout la confirmation que nous sommes résolument en émotiocratie. Et qu’il s’agit seulement de se conforter dans ses élans émotionnels, qui ne se nourrissent surtout pas non pas de décryptages et d’analyses, au risque de voir ses convictions bousculées.
Il s’agit de se nourrir des mêmes convictions exprimées en punchlines et clashes, dans de faux débats, vrais spectacles d’émotions eux-mêmes, souvent monolithiques, faussement passionnels, simples voire simplistes, jusqu’à la caricature et les mensonges, loin de la logique et de l’argumentation, la forme renforçant la part de sentiment dans l’absence de fond. Un argument serait exprimée, et tout risquerait d’être perdu.

Foule et Peuple, liberté d’opinion et débat démocratique

« Souvent la foule trahit le peuple », disait Hugo.
C’est le débat citoyen qui a perdu. Or, la démocratie, ce n’est pas le choc de slogans qu’on se lance, comme des bouteilles vides, justifiés par la “liberté d’opinion”, mais c’est “le Peuple qui débat”.

Et cela dit malheureusement plus que le constat d’une audience télévisée d’un soir. Cela dépasse le microcosme télévisuel. Cela dit beaucoup de l’état de notre société. Et c’est bien plus grave.

Bernard Chateau,

Accueil » Emotiocratie vs. logique, argumentation et débat