La propriété de la marque autorise-t-elle tout? Et l’injure à la mémoire? Manifestement oui. Et la nausée me vient.
« En 2025, Europe 1 souffle ses 70 bougies. 70 ans d’histoire, de rires, de partages, et d’émotions. Pour marquer cet anniversaire, découvrez une collection inédite de podcasts : « 70 ans d’Europe 1″. Tout au long de l’année, plongez dans les archives mythiques d’Europe 1. Revivez les moments les plus marquants de la station depuis sa création en 1955. Au programme : des émissions cultes, des débats, des interviews, des rencontres, des grands moments historiques, à découvrir chaque jour. Vous y retrouverez aussi des voix emblématiques : de Jacques Paoli à Coluche, en passant par Pierre Bellemare et Jean-Pierre Elkabbach ». C’est ce qu’on lit sur le site de la radio bleue.
Il y a là une profanation absolue de ce que fut Europe n°1.
Paoli, Bellemare, Elkabbach et Coluche, revendiquent-t-ils. Coluche, pris en étendard d’une radio d’opinion (sans s) de droite extrême, fer de lance du populisme le plus vil, pour ne pas dire plus? Le pauvre se retourne dans sa tombe de se voir ainsi instrumentalisé par un éditeur qui s’est donné pour mission de faire progresser l’exact contraire des Valeurs qu’il portait et qu’il concrétisa en 1985, avec les Restos du Coeur, sur une idée émise deux ans plus tôt par Daniel Balavoine, sur la Radio Ici et Maintenant! Et que dire de la colère, qu’il avait juste et fréquente, du premier parrain des Restos, militant de nombreuses associations comme Amnesty International ou SOS Racisme?
C’est que cette station-ci n’a plus rien à voir avec celle, créée en 1955, par Charles Michelson et Louis Merlin, 26 bis rue François Ier à Paris. Changer d’adresse peut dire parfois beaucoup. La station émet alors sur 1 647 m grandes ondes (182 kHz) depuis un émetteur de 400 kW situé sur le plateau du Felsberg, en Sarre.
Hanouna et de Pascal Praud se revendiquant, dignes héritiers de Maurice Siegel, Jean Gorini, Coluche, Jacques Paoli, André Arnaud, Albert Ducrocq, Pierre Laforêt, Pierre Bouteiller, Francis Blanche, Maurice Biraud, François Jouffa, Viviane Blassel. Julien Besançon, Fernand Choisel, Gilles Schneider, Maurice Siegel, Daniel Filipachi et Frank Ténot? Et successeurs de la radio qui aura énervé le Général, Valéry Giscard d’Estaing, leurs premiers ministres, ministres de l’intérieur jusqu’à en éjecter la direction? Au secours!
Les auditeurs de « Pour ceux qui aiment le jazz », du « Club de l’Europe », de « Signé Furax », de « Vous êtes formidables », ou encore « Salut les copains » et surtout d’une info percutante, sans tabou avec le souci de la justesse, en avaient fait la première radio de France.
L’info, le ton, l’impertinence, la gentillesse, la convivialité, le sens de l’innovation et de l’invention qui la faisaient font qu’on la regrette pour ça. Et plus encore, quand on se la remet dans l’oreille. Une page inégalée dans l’histoire de la Radio française et francophone…
Un actionnaire sans envergure ni ambition l’a laissée, au plus bas. Et Bolloré en a fait la première radio d’opinion, après Radio Paris.
Ceux qui l’ont faite et se souviennent, parce qu’il n’y a pas de radio sans auditeurs, aujourd’hui se désespèrent. Pendant que celui-là jubile. Et ceux qu’il sert.
Bernard Chateau,