Pour Hubert Reeves, il est l’auteur d’…
une théorie extravagante qui ressemble plus à un conte mythologique. C’est pour ça qu’elle a eu des difficultés à s’inscrire dans le cadre scientifique.
Les gens disaient : “C’est un conte de fée ce truc-là. Ca ressemble à ce qu’on lit dans les livres; les histoires simples des peuples primitifs”…
Georges Lemaire, une enfance carolo
De qui parle Hubert Reeves? De Georges Lemaître. Il naît le 17 juillet 1894 à Charleroi.
Il est l’aîné d’une famille de quatre enfants. Son père, Joseph, est industriel et a épousé Marguerite Lannoy. En 1904, Georges entre au collège du Sacré-Cœur.
Mais la guerre interrompt ses études universitaires à Leuven: il s’engage dans le 5e corps des volontaires et participe à la bataille de l’Yser. Décoré de la croix de guerre, il quitte l’armée comme adjudant et reprend des études de mathématiques et de physique, abandonnant la formation d’ingénieur.
C’est aussi après la fin de la guerre qu’il va entrer au séminaire et il sera ordonné prêtre en 1923.
Un prêtre imagine le commencement
Dans « Ces savants qui ont eu raison trop tôt », Laurent Lemire affirme
“s’il n’avait pas été prêtre, on aurait donné raison plus vite à Georges Lemaître. Mais sans doute aussi fallait-il qu’il fût prêtre pour songer à un commencement du monde. “
Mais donné raison sur quoi? Rien moins que sur cette idée que l’univers est en expansion et a eu un commencement. De quoi bouleverser la cosmologie. Et la religion.
Une idée qui heurte le monde scientifique, qui s’obstinait dans l’idée d’un univers immuable et statique, Einstein en tête. C’est pourtant en se basant sur la théorie de la relativité, qu’il enseignera à Louvain, que Lemaître formule ses intuitions. Einstein – et Pie XII.
Et dieu, dans tout ça?
Il aura eu aussi, à concilier, on le devine, l’idée de la création théologique et celle du commencement naturel de l’univers. Il n’hésitera donc pas à contredire le Pape Pie XII. On pense à Galilée.
« (…) vous qui scrutez et dévoilez les secrets de la nature et enseignez en même temps, avec le langage des chiffres, des formules, des découvertes, les ineffaçables harmonies du Dieu d’infinie sagesse. La vraie science, plus elle progresse, plus elle découvre Dieu ».
Pie XII — Un’Ora — 22 novembre 1951.
Un recadrage? Un désaveu du membre de l’Académie pontificale des sciences? Une tentative de rattrapage?
Toujours est-il qu’Hubble confirmera le travail de Georges Lemaître. Mais cela suffira pour en faire… «la loi de Hubble» – et rejeter dans l’invisibilité celui qui l’avait formulée bien avant. Vanité des sciences, et des scientifiques… dans quel monde on vit…
Il faudra attendre 2018 pour que l’Union Astronomique Internationale, suite au vote électronique de ses 13 500 membres, procède à un changement de nom: désormais, il s’agira de la «loi de Hubble-Lemaître», rendant justice ainsi à Georges Lemaître.
Le “big bang”.
Sa théorie de «l’atome primitif» sera vulgarisée comme celle du «big bang», le 28 mars 1949, sur la BBC par Fred Hoyle. Sa réputation est alors internationale et il est invité dans les plus grandes universités. De hautes distinctions scientifiques belges et internationales lui sont décernées.
Georges Lemaître décède à Leuven le 20 juin 1966.
L’Ilôt des Sciences, Boulevard Audent
Attaché à sa région natale, il repose dans le caveau familial au cimetière de Marcinelle. Aujourd’hui, Charleroi lui rend un hommage en même temps qu’à d’autres scientifiques de la région, Julien Dulait, Ernest Solvay et Emile Gobbe et Emile Fourcault, à travers un mobile dû au talent de Sandrine Devos, installé sur le rond-point « Îlot des Sciences », au carrefour du Boulevard Audent, de la rue du Pont Neuf et de l’avenue des Alliés.
La journée mondiale du Big Bang
Un tel parcours méritait bien qu’on en cultive la souvenance: des carolos ont voulu créer la «Journée mondiale du Big Bang», en vue d’en assurer la mémoire, tous les 28 mars – et la première fois en 2023.
Photo : Georges Lemaître au Musée L, Louvain-la-Neuve
Bernard Chateau,