Il est amusant de rechercher l’histoire mouvementée des cloches de l’église Saint-Hilaire, car on pout voir qu’à travers les siècles, elles furent à l’origine de nombreuses aventures.

La deuxième église de Carnières, la « Vieille Eglise » du XV° siècle, située au bas des Trieux de Colarmont, possédait déjà des cloches.

Il faut attendre le XVII° siècle pour en entendre parler. En effet, le 29 mai 1610, un octroi du grand baillage avait autorisé les habitants de Carnières à vendre quelques parties de leur communauté afin que les deux cloches que comprenait la tour puissent être refondues en une seule de plus grandes dimensions. Cela forçait en même temps l’Abbaye d’Aulne, dont Carnières dépendait, à faire les frais d’une autre cloche que l’on dénomma, par la suite, cloche décimale ou cloche des dimeurs, parce qu’elle était fournie par les décimateurs.

Enlevée en 1643 par les Français, cette cloche fut à nouveau remplacée en 1644 par les soins de l’Abbaye d’Aulne. Cependant celle-ci avait alors usé d’une restriction en disant que c’était la dernière cloche qu’elle fournissait.

Hélas ! la fameuse cloche vint encore à se briser. Les moines d’Aulne refusèrent bien sûr de la remplacer et les Carniérois s’adressèrent alors, le 24 novembre 1713, au Conseil Souverain, de concert avec les paroissiens de Buvrinnes qui se trouvaient dans le même cas. Un arrêt de la Cour du 1° décembre 1718 condamna l’Abbaye à livrer cette cloche, sans préjudice du métal qui pouvait rester des anciennes cloches décimales.

Les moines, furieux, prirent alors leur revanche.

Il faut savoir que depuis le XV° siecle, a cause de insuffisance des revenus de la paroisse de Carnières, Aulne livrait elle-même les principaux ornements du culte et entretenait l’état du bâtiment. Or, les troubles et dévastations des XVI° et XVII° siècles avaient fort endommagé l’église de Saint-Hilaire et réduit à rien les ornements.

Lorsqu’en 1718, l’Abbaye d’Aulne s’entendit condamner à la livraison d’une nouvelle cloche décimale, par dépit, elle refusa de fournir les ornements et ne consentit même plus à restaurer l’église. Il y eut alors une nouvelle requête des habitants de Carnières au Conseil Souverain, le 27 novembre 1719, contre Aulne et contre l’Archevêché de Cambrai dont la paroisse dépendait.

L’Archevêché de Cambrai finit par s’exécuter mais les moines d’Aulne firent traîner la procédure. Ce ne fut que le 11 novembre 1726 qu’un arrêt mit fin à ce refus, en déclarant que le monastère était tenu de livrer et entretenir les ornements et objets du culte et à restaurer l’église. Il fallut cependant attendre 1750 avant de voir l’église restaurée ; les moines avaient ainsi pu prendre une revanche.

Entre-temps, les cloches firent une dispute de plus. Il était de coutume quand un seigneur venait à trépasser de sonner les cloches de la paroisse pendant six semaines. En 1743, la Dame de Carnières étant morte, le marquis de Chastelet donna ordre aux manants de sonner la cloche décimale pendant la période d’usage. L’Abbaye d’Aulne protesta et prétendit que les cloches décimales n’étaient pas soumises à cette servitude, mais le dit marquis persista à la faire sonner. Après quelques discussions, l’Abbaye voyant sa cause douteuse la délaissa.

Mais… quelques années après, cette cloche vint aussi à se briser. C’était devenu une habitude à Carnières et l’on ne sait pas du tout ce qui se passa à la suite de ce nouveau malheur. Aucun document ne nous a permis de retrouver quoi que ce soit et l’on peut donc supposer que, d’office, Aulne livra une nouvelle cloche.

On entendit à nouveau parler des cloches à la Révolution Française. Cette fois encore, aucun document n’atteste la véracité des faits, mais la tradition orale veut qu’en 1789, les habitants de Carnières, soucieux de sauvegarder l’existence déjà si souvent menacée de leurs cloches, parvinrent à les soustraire à la cupidité des révolutionnaires en les enter-rant. Elles auraient été enfouies dans les champs des Presles, à l’ancienne église de la rue du Rieu du Moulin, c’est-à-dire face à la rue Petit-Saint-Hilaire ; les fameuses cloches y seraient toujours enterrées. Avis aux amateurs… Peut-être que l’Abbaye d’Aulne, en apprenant cela, trouvera une légion de fouilleurs bénévoles…

Bref, après 1789, l’église Saint-Hilaire se trouve à nouveau dépourvue de cloches. La cloche actuelle vient de l’ancienne église et on peut y lire : « Je m’appelle Hilarine. J’ai comme marraine Catherine Laurent et comme parrain Jean-Joseph Bughin (le bourgmestre mort en 1849). »

Cette cloche n’est pas encore brisée…

A.M.M.M.

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