une reconnaissance au Patrimoine mondial

Au bout d’un long processus de 14 ans, Spa se trouve donc reconnue au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, depuis juillet 2021.

Cette inscription s’inscrit dans un ensemble qui concerne d’autres villes d’eau d’Europe, en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, en Grande-Bretagne, en Irlande du Nord et en Tchéquie. Mais la place de Spa parmi ces villes est très particulière. Car elle est peut-être la première d’entre elles.

Il y a le charme de la ville, avec la place Royale. En face, la galerie de promenade Léopold-II le long du parc des Sept-Heures, à deux pas du Casino et du « kursaal », où l’on organisait les bals.

Il y a son histoire, qui remontre au XVI° siècle, avec le « vieux » et le «nouveau» Spa. D’un côté, des petites maisons où vivait la population locale et, de l’autre, le Spa des visiteurs fortunés, avec les hôtels construits autour du “pouhon” – “la source” en wallon.

des visiteurs prestigieux

Victor Hugo, Offenbach, mais aussi les têtes couronnées, firent la renommée de la ville: Joseph II, Christine de Suède, Guillaume II ou Pierre le Grand, dont le souvenir reste associé au “pouhon”, au coeur de la ville.

Dans cette clientèle sélecte, il faut évoquer plus spécialement la Reine des Belges, Marie-Henriette. C’est en son hommage qu’on donna son nom à une source, qui figure au-dessus de la porte d’accès à la galerie souterraine. C’est qu’elle vivait la plus part du temps dans sa villa spadoise, délaissée par le Roi Léopold II, tout à ses affaires congolaises et ses infidélités conjugales. Elle s’y éteignit le 19 septembre 1902. Les funérailles furent célébrés dans l’église Notre-Dame et Saint-Remacle de Spa et sa dépouille ramenée en train directement vers l’église Notre-Dame de Laeken où elle est inhumée auprès du petit garçon qu’elle avait perdu 33 ans plus tôt : « Je désire reposer auprès du fils dont la mort a brisé ma vie. »

Alors, on venait à Spa pour boire l’eau bienfaisante, contre l’anémie notamment.

A la fin du XIXe siècle, Spa est une ville de villégiature. L’aristocratie a fait place à la bourgeoisie, et on vient pour s’y amuser et être vu. Les cures par baignades remplacent la cure par boisson. Désormais, les thermes proposent des bains dans des baignoires en cuivre. Bains de tourbe, bains de boue; une piscine et même, en 1911, de la radiothérapie, avec des inhalations de radium – ce n’était peut-être pas la meilleure idée.

Mais de toutes les villes d’eau, Spa est celle dont la réputation est la plus assise : la renommée de Spa est telle que ses trois lettres sont devenues l’exemple-même d’une antonomase, un mot commun et cela dans différentes langues.

un nom commun et une étymologie qui s’égare

Le mot viendrait de « spargere », «jaillir» en latin. Ou serait-il un acronyme de la phrase latine Salus/Sanum per aquam ou Sanitas per aquam, c’est-à-dire, la santé grâce à l’eau?

Quoiqu’il en soit, il veut dire pourtant bien d’autres choses aujourd’hui. Tout d’abord en anglais, comme terme générique pour une station thermale ou une eau minérale. Ensuite ce que le Petit Robert définit comme un « Bain à remous” ou un “Centre de beauté et de remise en forme, dans un cadre luxueux. “

Ainsi, une source dans le Yorkshire fut appelée dès 1596, The English Spaw, où se lit le terme générique “spa”. D’autres stations thermales suivirent au Royaume-Uni, où on trouve le Boston Spa, le Woodhall Spa, le Dorton Spa, le Droitwich Spa, le Royal Leamington Spa, le Cheltenham Spa.

La France va même adopter le mot dans une publicité pour la ville de Vichy : « Meilleur Spa de France ». On parle ailleurs de “Spa français’”.

Il y a entre Spa et la Grande-Bretagne, une longue histoire. Ainsi, on donna à l’une des deux sources des eaux de Spa, situées sur le territoire de Jalhay le nom de Wellington. Captée en 1908-1909, elle reçut ce nom pour commémorer le séjour à Spa en 1818 du Duc de Fer, vainqueur de Waterloo, et aussi dans l’espoir d’attirer la clientèle anglaise.

Une vraie concurrence étouffée dans l’oeuf

Mais on sait moins que Spa a failli avoir une rude concurrence en Belgique.

L’archiduchesse autrichienne Marie-Élisabeth, gouvernante générale des Pays-Bas à partir de 1725 décide en effet en 1739 de mettre en valeur les trois sources environnantes de son château afin de rivaliser avec les stations thermales, et notamment Spa. Et ce château et son parc se situent à Mariemont, sur la commune de Morlanwelz, près de La Louvière.

Le domaine sert principalement aux loisirs des gouverneurs généraux des Pays-Bas. La chasse, la pêche et la détente y font les activités ordinaires. Ces eaux, prises dans les fontaines, répandaient une odeur passagère de souffre, la même odeur que des œufs pourris. Ensuite cette odeur se dissipait peu à peu à mesure que l’eau s’évaporait.

On gratifia cette fontaine archiducale du nom de Spa, probablement parce que leurs eaux se rapprochaient de celles de Spa par leurs qualités. Et que le nom s’était installé, déjà.


Mais le 17 août 1773 dans une lettre adressée à Charles de Lorraine, le surtintendant indique que la source « est rentrée la veille dans la terre en faisant un petit bruit et n’est plus reparue » . Pour lui le coupable est tout désigné : il s’agit du charbonnage du nommé Drion dont les fosses sont situées dans le bois de la Heest, près de la source thermale.

La fontaine est toujours bien présente à l’entrée basse du parc, au centre d’un monument en « fer à cheval », restauré par la famille Warocqué en 1892-1893.

Et voilà qui a garanti à Spa, le Monopole, dans nos frontières. Et est l’occasion d’une pensée pour Maurice Van Den Eynde, mon professeur d’Histoire à l’APC—APMW. Mes mercis.

Bernard Chateau,



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