A propos de l’interdit mis sur l’église de Carnières en janvier 1200

Interdit : Sentence interdisant l’exercice du culte dans un lieu déterminé.

Quand le roi de France Philippe Auguste (Paris 1165 – Mantes 1223) refusa de reprendre Ingeburge de Danemark, l’épouse qu’il avait répudiée le lendemain de ses noces () et d’exiler Agnès de Méranie épousée un peu plus tard, le Pape Innocent III jeta l’interdit sur le Royaume de France : « Que toutes les églises soient fermées, que personne n’y soit admis; qu’on ne les ouvre jamais, sinon pour entretenir les lampes, ou lorsque le prêtre prendra l’Eucharistie et l’eau bénite à l’usage des mourants.

Nous permettrons que la messe soit célébrée une seule fois dans la semaine, le vendredi de grand matin. On n’y admettra que le clerc chargé d’assister le célébrant.

Qu’ils récitent les heures canoniques hors des églises sans que les voix des prê tres puissent parvenir aux oreilles des laïcs. qu’on les y dépose; c’est un grave péché d’enterrer les morts dans une terre non consacrée. Qu’aucun fidèle ne communie même au temps de Pâques s’il n’est malade ou en danger de mort.

Tous les sacrements sont prohibés, à l’exception du baptême des nouveau-nés et du viatique pour les mourants ».

Aussitôt on couvrit d’étoffe noire les statues des porches et des façades, on dé- crocha le battant des cloches. Sur les autels, les prêtres voilerent les crucifix.

Dans les monastères, les chants étaient proscrits : les crécelles de bois qui rem- plaçaient les cloches n’appelaient moines et nonnes que pour des prières muettes. L’interdit jetait sa cendre sur tous les gestes de la vie, mais le moins supportable était l’obligation d’abandonner aux coins des rues les cadavres de ses morts-mères, fils, frères livrés sans sépulture au carnage des rats et ces porcs errants.

Sans office, sans fêtes, sans statues à toucher, sans reliques à vénérer, sans sacrements, le peuple des chrétiens tomba dans une prostration terrifiée.

Ce peuple, qui ne couchait pas avec Agnès commença à grogner contre ce roi qui le privait de messe.

(1) Philippe Auguste qui n’avait pu consommer le mariage avec Ingeburge, attribua cette déficience à un maléfice au Moyen-Age, «le nouement de l’aiguillette ». Ce maléfice fut pris très longtemps au sérieux; en dehors des remèdes tels que jeûnes, exorcismes, ou pèlerinages, on préconisait de « pisser dans le trou de la serrure de l’église où l’on a épousé ».
Il ne semble pas que Philippe Auguste ait envisagé de se soigner. Il tint seulement à s’assurer qu’il n’était pas devenu impuissant. Et la preuve faite, le renforça dans l’idée de chasser Ingeburge.

relaté par Gonzales DECAMPS.
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