
Le Prix Nobel de Médecine 2024
Le Prix Nobel de Médecine 2024 a été attribué à deux chercheurs américains, Victor Ambros et Gary Ruvkun, pour la découverte du microARN, une nouvelle classe de minuscules molécules d’ARN, dont le rôle est crucial dans la régulation des gènes.
Cette désignation est l’occasion de se souvenir du premier Prix Nobel de médecine et de physiologie attribué à un scientifique wallon, Jules Bordet, en 1919.
Jules Bordet, sonégien prodige
Jules, Jean, Baptiste Vincent Bordet naît le 13 juin 1870, à Soignies dans le Hainaut, rue de Mons, dans une maison qui sera détruite pendant la deuxième guerre mondiale.
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Ses parents sont Charles Henri Bordet, et sa mère Marie-Thérèse Vandenabeele. Il a un frère, de deux ans son aîné, prénommé comme leur père Charles Henri. Il a 29 ans quand il épouse Marthe Avoz. Le couple aura trois enfants dont l’aînée, Simone, naît à Paris, alors que Jules Bordet travaille à l’Institut Pasteur, et une seconde fille, Marguerite, ainsi qu’un fils, Paul nés après leur retour à Bruxelles, respectivement en 1902 et 1906.
Tout jeune il est passionné de sciences, comme on le voit de ses cahiers d’écolier et quand on sait qu’il avait installé un petit laboratoire de chimie dans la maison familiale. il fait ses études primaires à l’école moyenne de Schaerbeek, où enseignait son père. Ses études secondaires, il les fait l’Athénée Royal de Bruxelles, dénommé depuis 1970 « Athénée Jules Bordet », et les termine à 16 ans.
Il s’inscrit alors en médecine à l’Université Libre de Bruxelles où il termine ses études à l’âge de 22 ans, sanctionnées d’une plus grande distinction. Il signe sa première publication « Jules Bordet, étudiant en médecine », en 1892, dans les Annales de l’Institut Pasteur.
Séjour parisien et Institut Pasteur
Son mémoire intitulé « Les aptitudes inégales de diverses espèces microbiennes à se développer dans les milieux synthétiques » lui donne accès à une bourse du gouvernement belge et qui lui permet de rejoindre le laboratoire d’Elie Metchnikoff, qui recevra lui-même le prix Nobel de Médecine 1908, à l’Institut Pasteur de Paris. C’est à cette occasion qu’il croisera Pasteur et aura le triste privilège d’être des collaborateurs qui le veillèrent à sa mort, en septembre 1895.
Directeur de l’Institut Pasteur du Brabant
De retour en Belgique, et avec le XX° siècle naissant, Jules Bordet se voit confier en 1902 la direction de l’Institut antirabique et bactériologique créé par la Province de Brabant et choisit de le nommer, avec l’autorisation de Madame Pasteur, « Institut Pasteur du Brabant » lors de son inauguration.
L’Université Libre de Bruxelles
En 1907, Jules Bordet est nommé professeur à l’ULB. Il y enseigne l’hygiène, la prophylaxie des maladies transmissibles, la bactériologie, la parasitologie, l’épidémiologie, la pathologie des états infectieux et l’immunologie.
Le Prix Nobel
L’ULB étant fermée pendant la première guerre, il se consacre à des recherches sur l’immunité qu’il consigne dans un ouvrage, le « Traité de l’immunité dans les maladies infectieuses », qui lui vaudront le Prix Nobel au sortir de la guerre, en octobre 1920, premier prix attribué depuis la fin du conflit.

Mais il n’apprendra la nouvelle que le 1er novembre: en visite à l’hôpital du « Mont Sinaï » de New York, où il est en visite, un confrère américain s’empresse de le féliciter. Le New York Times du 30 octobre avait publié l’information, qui n’était pas arrivé au premier intéressé…
Son activité académique sera largement consacrée à l’ULB, à l’Institut Pasteur du Brabant et de Paris.
Les célébrations
En 1950, à l’occasion de ses 80 ans, l’ULB, l’Institut Pasteur de Paris et du Brabant, organisent une prestigieuse cérémonie d’hommage, en présence de la Reine Elisabeth et de nombreux savants.

Pour le 100° anniversaire de l’attribution de son Prix Nobel, l’ULB lui avait consacré une exposition intitulée : « les 100 ans d’un Nobel. Jules Bordet un pastorien à l’ULB. Voyage au cœur de l’immunité ». Le Musée de la Médecine, de son côté, lui proposait une exposition temporaire, en collaboration avec l’Académie royale de Médecine et la classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique.
On renverra utilement à la notice que lui a consacrée son fils, Paul Bordet, dans la Biographie Nationale de l’Académie, dont il était membre, pour ce qui est du détail de ses recherches. Qu’il suffise de ici d’évoquer qu’ils tournaient autour de l’importance de l’immunité humorale dans la défense contre les maladies infectieuses. Et le fait qu’une bactérie porte son nom : bactérie, immunité et vaccination ne font, on le sait, qu’un. L’occasion de souligner que, déjà à son époque, les mouvements antivaccins recrutaient, et dès l’introduction de la vaccination antivariolique au 19e siècle…
Un engagement sociétal, francophone et wallon
Mais on retiendra aussi son engagement sociétal, son engagement wallon et francophone : membre de l’Assemblée wallonne dans l’Entre-deux-Guerres, président du Conseil culturel d’Expression française, il était favorable à l’instauration du fédéralisme en Belgique.
Il était des cinquante-trois académiciens de la pétition « La Wallonie en alerte » du 19 avril 1949, adressée aux présidents des deux Chambres et par laquelle ils réclamaient une meilleure prise en considération de la Wallonie, de plus en plus minorisée au sein de la Belgique unitaire.
On lui doit aussi; signe de son engagement sociétal, des « Brèves considérations sur le mode de gouvernement, la liberté et l’éducation morale (1946) » et aussi un ouvrage Éléments d’astronomie (1947), qui le passionna dans les dernières années de sa vie.
Il décède le 6 avril 1961, quelques mois avant son épouse. Ils reposent au Cimetière d’Ixelles.
Soignies se souvient
A Soignies, un square porte son nom depuis 1920, où a été installé son buste, tandis que l’Athénée et le Centre culturel portent son nom.
Bernard Chateau,