Le 1er juin 1938, un cortège funèbre passe devant la Maison communale de Genval avant de se diriger vers le cimetière. Cinq mille personnes se pressaient sur le cortège: le samedi 28 mai au soir, revenu de la maison communale, Auguste Lannoye est victime chez lui d’un accident vasculaire cérébral qui l’emporte dans la nuit.

Genval vient de perdre son bourgmestre. Mais pas seulement, Auguste Lannoye était aussi un capitaine d’industrie comme seul le XIX° siècle en a produit, inventeur et inventif, social et philanthrope.

Alors, aujourd’hui, à Genval, une rue porte son nom. Sur la place de Maubroux, on a placé son buste en bronze. A Mont-Saint-Guibert, une rue prolonge la rue de la Papeterie et porte son nom. Un autre buste, de Victor Rousseau, a été réinstallé, Jardins de l’Orne. Et un nouveau développement urbanistique a pris la place de ses Papeteries. Mais on sent toujours son souffle et le bruit des machines, porté par le courant de la Lasne, qui a permis l’installation de cette industrie dans ce lieu, dont l’existence est rappelée par des panneaux qui rappellent le riche passé industriel du lieu.

Papeteries de Genval-1904-1980 photo in situ
Papeteries de Genval-1904-1980 photo in situ

Rien pourtant ne le destinait à pareil parcours.

Son histoire commence à Corry-le-Grand, dans le Moulin du Bloquia, le 19 septembre 1874. C’est là que vit la famille Lannoye-Devroede. Charles Lannoye est originaire de Nil-Saint-Martin et ouvrier meunier. Il a l’esprit entreprenant et a racheté le moulin à farine de Corroy.

Mais Auguste a quatre ans quand son père décède, en 1877. Sa mère décède dix ans plus tard. Recueilli par une tante, à Wavre, il est interne au Collège de Malonne, avant des études d’ingénieur à l’Université de Louvain qu’il termine en 1897. Aidé par un prêt de son beau-père, notaire à la Hulpe, il inaugure en 1904 sa première usine, à Genval : « Les établissements Auguste Lannoye-Stevenart » du nom, de son épouse, Marie.

papeteries de Genval - impression du papier peint dessiné dans les ateliers.-Photo in situ
papeteries de Genval – impression du papier peint dessiné dans les ateliers.-Photo in situ

Papier kraft ou papier-peint font l’ordinaire de la production. Mais le tournant déterminant aura un nom : le « Balatum », un brevet qu’il rachète et améliore, et un nom qu’il invente. Balatum, ce n’est pas seulement une rue, à Genval. C’est un couvre-sol. Bientôt, cinq usines seront créées.

Papeteries de Genval -extrension de l'usine en 1922 mis en oeuvre de six machines pour le papier peint- photo in situ
Papeteries de Genval -extrension de l’usine en 1922 mis en oeuvre de six machines pour le papier peint- photo in situ

Auguste Lannoye devient bourgmestre de Genval en 1926, et confond sa fortune avec les finances communales. Mais dans un sens qui pourrait bien s’être perdu: il renfloue les caisses et… diminuant les impôts.

Papeteries de Genval-la-bobine noire est le support goudronné pour la fabrication de Balatum.-Photo in situ
Papeteries de Genval-la-bobine noire est le support goudronné pour la fabrication de Balatum.-Photo in situ

Sur la commune, on lui doit le tir à l’arc à la perche verticale, l’église Saint-Pierre, dans un style qui évoque la Suisse ou l’Autriche et un architecture industrielle qui utilise le béton armé, mais aussi une école primaire à La Hulpe, l’École Professionnelle, rue de Bruxelles à Wavre, qu’il ouvre avec M. De Raedt, industriel à Bierges, Il développe encore des établissements pour enfants et de nombreuses habitations sociales.

Papeteries de Genval-une des camionnettes de livraison des produits finis: papier, papier Kraft, papiers peints, balatum. Photo-in-situ
Papeteries de Genval-une des camionnettes de livraison des produits finis: papier, papier Kraft, papiers peints, balatum. Photo-in-situ

Deux de ses fils ont poursuivi l’aventure.

Le cadet, Jacques Lannoye, fondera dans les caves des papeteries « Recherche et industrie thérapeutiques », RIT, à l’origine lointaine de Glaxo-SmithKline à Genval.

En 1954, les entreprises sont au sommet de leur gloire. Genval comptait 1.250 personnes. Avec les autres usines du groupe c’était une affaire de 2.500 travailleurs. Et l’usine célébrait son demi-siècle en présence du roi Baudouin.

Mais en 1980, chacun a reçu son C4. Personne n’a touché son dernier mois. L’aventure était marquée du mot fin.

Bernard Chateau,

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