Photo de Andrea De Santis sur Unsplash
Photo de Andrea De Santis sur Unsplash

La mode aux Journées internationales, quand elles ne sont pas mondiales.
Ainsi, aujourd’hui, 13 février, ce sera la journée mondiale de la radio. La 13° Journée Mondiale de la Radio, depuis que l’ONU en a décidé ainsi.

Ah la Radio ! Cet instrument de partage, plus que centenaire.
Les temps changent, et les choses passent… Je me souviens de la radio où les journaux parlés ne faisaient pas les seuls rendez-vous horaires. C’était le temps de l’INR, et puis de la RTB – il n’y avait pas de F. alors.

Il y avait les Communiqués colombophiles.
Les jours de lâchers, Eddy Clairembourg en faisait son ordinaire: « sur la ligne du centre, Pont Saint-Maxence, vent d’ouest, couvert à nuageux, les convoyeurs attendent ». Quand on prévoyait que le temps serait pourri pour trop longtemps, la sanction était sans appel: “remis”. A propos, savez-vous que la Fédération de colombophilie belge voudrait faire reconnaître ce sport au patrimoine immatériel de l’Unesco. On leur souhaite plein succès. Encore, convenons que c’est un sport surtout pour les pigeons.

Les communiqués colombophiles

les communiqués colombophiles” firent le titre éponyme d’un album de Julos Beaucarne, en 1976.

Mais on peut prétendre sans risque de se tromper que c’est l’ensemble des “services” de la “radiodiffusion sonore” de service public qu’il avait revisité à cette occasion.

Il y avait les communiqués à la batellerie. Ils informaient les bateliers sur l’état des canaux et des écluses. Alors, il faut dire qu’on était séduit à la télévision par “l’Homme du Picardie”, qu’incarnait Christian Barbier. Le ressort de l’action tout au long de ces 40 épisodes allait au rythme de l’automoteur de 38 mètres…

Et la radio égrainait son chapelet que Julos détournerait: “Grand Malade, deux couvertures…”.

Il y avait les “cours du marché à terme communiqués par la Commission de la Bourse de Bruxelles: ACEC, ANDRE DUMONT, ASTURIENNE… Ils montaient les cours, ou ils descendaient.

Ils faisaient les beaux jours ou les mauvaises nuits des boursicoteurs, comme la météo faisait les beaux jours des jardiniers et des pêcheurs à la ligne. Mais ils faisaient mais aussi l’inspiration des poètes qui prennent les mots pour des jouets. Julos encore en avait profité pour prévenir: les ACEC SONT’ A SEC ; COFINIBUS, IN D’A PU ; BRAMACO, I D’A CO ; ITT VA VO TOUER, et j’en passe…

Deux semaines par an, on rappelait doctement les règles du bien parler françois. C’était “la Quinzaine du Beau langage” dont il fit « Ne disez pas, disez dites ».

de l’abattoir d’Anderlecht à la Pinatothèque

Il y avait même, jusqu’au déménagement de Flagey à Reyers du “1° programme”, les « cours de l’ Abattoir d’ Anderlecht »… Ah ! les prix des culs de poulain et autres découpes de viandes… Cela semblait alors incongru à chacun, et j’avais poussé Emile Henceval à prendre un risque considérable : prétexter le déménagement pour ne plus les diffuser, et le désordre qui s’en serait suivi inévitablement, comme explication et excuse à la première protestation… On s’avisa vite, faute de la moindre réclamation, qu’ils n’intéressaient plus personne… depuis quand ? Cela restera une question sans réponse.

Il y avait l’agenda des galeries… ”A la galerie Isa Brachot, Panamarenko…” On raconte que sur le troisième programme, celui de la culture déjà, la régisseuse-speakeuse ne put retenir un « Ah le salaud ! », lorsqu’elle eut à citer « la pinacothèque de Munich ». Le texte, que lui avait préparé Max Renard, le régisseur en chef, cherchait plus à titiller par esprit facétieux qu’à informer sur une exposition d’ouvrages de la bibliothèque des Ducs de Bourgogne.

Il y avait – et il y a toujours le radioguidage, sans qu’à la vérité il ne règle rien des problèmes de circulation. Mais il est source de parrainages pour l’éditeur, et accompagne avec bienveillance l’automobiliste énervé qui se sent moins abandonné. Le radioguidage: plus personne ne se hasarde à affirmer, comme Jacques Sapart : « Etat des routes : la situation est normale sur tout le Royaume et le restera ! ». On taira le nom de celui qui a annoncé avec la conviction du travail bien fait : « sur l’autoroute de Liège, à hauteur Tirlemont, on nous annonce du brouillard dans les deux sens ».

Sur les longues ondes, lorsqu’on s’y attardait – on n’en a plus guère l’occasion, en raison du coût de la consommation de ces émetteurs-là, il y avait la météo marine, sur Paris Inter et ensuite France Inter… Et il y avait quelque chose de fascinant dans les propositions de Marie-Pierre Planchon pour des horizons lointains, océans et tumultueux. Internet aura remplacé tout ça…

Alors, et en matière de services, la radio servait même de téléphone (Il n’y a pas si longtemps que l’appareil se niche dans une poche).

Il y avait les messages enregistrés pour les marins, partis longtemps sur des mers lointaines, et qui seraient diffusés en ondes courtes. Il y avait les disques demandés, pour souhaiter un anniversaire ou prendre le monde à témoins de ses sentiments.

Les disques demandés

C’était toujours des élans du coeur. Presque toujours amoureux, tout emplis de promesses, ou d’engagements de fidélité. Mais parfois plus pervers: je me souviens d’un disque demandé pour célébrer une auditrice, qualifiée d’authentique macrale… Quand on sait que “macrale” désigne une “sorcière” en wallon liégeois, on comprend la mauvaise humeur de la destinatrice. Mais pouvait-on en vouloir à un régisseur-speaker qui n’entendait pas le wallon de Liège?

Il y avait “la demi-heure du soldat”, pour les conscrits casernés en Allemagne, et ils furent nombreux, comme Marc Danval ou Philippe Vernet, à y faire leurs premières armes.

Mais pourquoi cette réflexion, maintenant, me direz-vous, dans ces brumes de souvenirs ?

La fin assumée de l’objectivité

Parce qu’on assiste ces temps-ci à une autre fin : la fin des « «tops » horaires… Avez-vous remarqué qu’ils disparaissent des antennes, l’une après l’autre. Les tops horaire, c’était pourtant, disaient les cyniques, la seule information objective… Est-ce parce que, selon qu’on vous écoutiez en FM, en DAB+, sur les plateformes, l’internet, les tops ne sonnent plus de conserve, au prix de l’objectivité de l’information, définitivement perdue ? Du coup, l’heure juste, c’est quand ?

80 ans après sa création, l’horloge parlante reçoit toujours des appels, notamment lors du changement d’heure. Combien ? Près de 150.000 appels, en 2022, indiquait Proximus. Et si la nostalgie vous appelle à appeler, un seul numéro : 078/05.13.00, au tarif d’un appel local.

Bernard Chateau,



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