La ligne de chemin de fer Piéton-Leval 1868-2011

Durant la seconde moitié du 19ème siècle, la révolution industrielle a été à l’origine de la création d’une quantité impressionnante de lignes de chemin de fer destinées dans notre région essentiellement au transport de la houille. Notre village de Carnières n’y a pas échappé et durant plusieurs années, deux lignes ont été exploitées simultanément : la première – Baume-Mar-chiennes – ouverte en 1865 est la plus connue puisqu’elle existe encore et fait partie de la dorsale wallonne qui va de Lille à Liège.
La seconde, Piéton-Leval, ouverte en 1868, n’eut qu’une existence des plus brèves puisqu’en 1880, son tronçon central fut interrompu et démonté. Cependant, les raccordés au départ de Leval et de Piéton continuèrent à se développer et les rails du dernier tronçon dans le bois des Vallées viennent seulement d’être démontés en 2011.
Les traces qu’elle a laissées dans notre village sont nombreuses et justifient que nous rappelions l’histoire de cette ligne.

1°) Création de la ligne.

C’est le 4 septembre 1865 que la compagnie du chemin de fer du Centre, créée en 1853, obtint la concession d’une ligne de chemin de fer allant de Piéton à Leval.

Cette compagnie avait déjà construit et exploité les lignes Baume-Erquelinnes, Baume-Ecaussines et Baume-Marchiennes.
La nouvelle concession demandée visait donc à compléter la liste des charbonnages de la région du Centre raccordés au chemin de fer, principalement ceux d’Anderlues et de Péronnes-lez-Binche qui étaient tous les deux en pleine expansion.
Ce n’est finalement pas la compagnie du Centre qui construisit la ligne car le ler avril 1867, elle avait cédé à bail à la compagnie des chemins de fer des Bassins Houillers du Hainaut tout son réseau ainsi que ses droits sur la construction de la ligne Piéton-Leval qui fut finalement ouverte à l’exploitation le 17 février 1868 (1).

2°) Le tracé.

Partant de la gare de Piéton, la ligne empruntait d’abord la ligne de Baume-Marchiennes avant de bifurquer à gauche peu après le passage sous la route de Bascoup à Anderlues.
Elle s’enfonçait dans le bois des Vallées avant de décrire une large courbe à droite, laissant la ferme du Viernoy à l’intérieur de la boucle décrite. Elle longeait la rivière la Haine pour rejoindre l’extrémité de la Place de Carnières, au départ de la rue du Beauregard.
Passant au dessus de la rue de la Cure sur un petit viaduc, elle traverse plus loin la rue Roujuste et va rejoindre Mont-Sainte-Aldegonde dont la butte est contournée pour finalement atteindre Leval après avoir traversé la rue d’Haine.
A côté de ce tronçon principal et pour répondre à l’objet principal de la demande de concession, une voie partait de la limite entre Carnières et Anderlues pour rejoindre la fosse n°2 de la société charbonnière d’Anderlues.
Au fur et à mesure du développement des houillères de cette société, ce tronçon sera agrandi.
Grâce à lui, la houille d’Anderlues pouvait être dirigée directement sans rebroussement vers la France, un de nos marchés principaux.
Du côté de la gare de Leval, ce sont les charbonnages de Péronnes-lez-Binche qui vont lui être raccordés grâce à toute une série de voies vers les fosses Sainte-Marie d’abord, Sainte-Barbe, Saint-Albert, Sainte-Marguerite et Sainte-Elisabeth plus tard.

Piéton-Leval
Piéton-Leval

Remarquons que ces derniers raccordements n’étaient pas à proprement parler situés à l’intérieur de la ligne Piéton-Leval.
Remarquons enfin que les trois principaux bâtiments de la ligne ont été conservés jusqu’à ce jour et sont devenus des habitations : la station de Car-nières-Sud, la maisonnette à l’entrée du cimetière de Carnières et celle que se situe le long de la rue d’Haine.

3°) La fermeture du tronçon au centre de Carnières.

Ouverte en 1868, la ligne n’eut dans son intégralité qu’une existence éphémère.
L’Etat reprit d’abord l’exploitation des lignes de la région du Centre le 1er janvier 1871 pour finalement les racheter le 1er janvier 1877.
Désormais, l’Etat était devenu possesseur d’un réseau possédant à certains endroits des doublons qu’il était logique d’essayer de rationnaliser. Il en découla pour notre entité deux suppressions : le tronçon Mariemont-Bascoup de la ligne La Louvière-Bascoup et le tronçon central à Carnières de notre ligne (disparition fin 1879).
Dès lors, les trains ne passèrent plus par le centre de Carnières et le tronçon désaffecté connut différents usages sans que l’Etat d’abord, la SNCB ensuite, ne vendent les terrains inutilisés afin de les préserver pour une hypothétique réutilisation ferroviaire.
C’est ainsi qu’en 1889, le Conseil Communal demanda à pouvoir circuler sur l’assiette de la ligne entre le début de la rue Beauregard et la rue Roujuste afin de conduire depuis la nouvelle église au cimetière les convois funéraires.
Nous ignorons si cela se réalisa; quoiqu’il en soit, les cartes postales anciennes nous montrent que le pont au-dessus de la rue Dufonteny (anciennement rue de la Cure) était démonté au début du 20ème siècle.
Quant au talus jusqu’à la rue Roujuste, il fut occupé à partir de 1903 par l’Institut Notre Dame du Sacré-Cœur ; il l’est encore en partie de nos jours.
Mais l’affectation la plus spectaculaire fut l’utilisation en 1910 de l’assiette désaffectée entre la rue Beauregard et le chemin de Namur par la voie du tram venant de Braquegnies vers Anderlues via la place de Carnières et ce jusqu’à la fin de l’exploitation de ce tram en 1986.

4°) Les raccordés au départ de Piéton.

Si l’existence de la ligne est justifiée en particulier par les charbonnages d’Anderlues qui prendront de l’extension après 1868, un raccordé important sur Carnières s’établit en 1927 : les ateliers Duvivier qui fabriquèrent toute une gamme de produits classiques à l’époque destinés aux charbonnages et aux chemins de fer.

Petite entreprise familiale créée au centre du village, elle n’était pas raccordée au départ au chemin de fer, ce qui constituait évidemment un handicap certain à l’époque, ce qui explique son déménagement le long d’une voie ferrée.

Ces ateliers connurent leur heure de gloire dans les années 60 avec près de 200 ouvriers et employés.

Après la fermeture en 1979, l’entreprise fut reprise par diverses firmes travaillant dans le domaine ferroviaire. Cependant, le raccordement ayant de moins en moins d’utilisation, il fut finalement démonté en 2011, clôturant ainsi l’histoire de la ligne Piéton-Leval.

9 ans plus tôt, c’est le tronçon vers Anderlues qui avait cessé d’être utilisé avec la fin des cokeries d’Anderlues, héritières des charbonnages de cette localité.

Pendant plus de 30 ans, le trafic sur ce tronçon du Piéton-Leval avait été important avec des trains complets amenant des charbons depuis le port d’Anvers destiné à la fabrication d’un coke d’une qualité recherchée.

5°) Les raccordés au départ de Leval vers Péronnes et en gare de Leval.

Comme nous l’avons déjà indiqué, les charbonnages de Péronnes constituaient un des motifs de création de la ligne Piéton-Leval ; avant la création de cette ligne, la fosse Sainte-Marie était déjà raccordée à la ligne Baume-Erquelinnes depuis 1857 et au fur et à mesure de la création des autres fosses, elles furent toutes reliées à la gare de Leval de même que diverses entreprises qui s’étaient créées dans la seconde moitié du 19ème siècle autour de la gare : fonderies, constructions métalliques, sablière, marchand de bois, marchand de charbon, charbonnage de Mont-Sainte-Aldegonde, etc….

Le passage au transport par camion les fit disparaître les unes après les autres, le coup fatal étant l’électrification de la ligne 108 Haine-Saint-Pierre-Binche en 1983.

6°) Raccordés à Carnières depuis Leval.

Du côté de Carnières, s’il semble que le tronçon entre Leval et la rue Bois des Faux fut d’abord démonté, il fut reconstruit sur Carnières en 1909 pour desservir la sablière Dufonteny d’abord, la forge de Carnières ensuite et le laminage à froid à côte du cimetière après la première guerre mondiale ; cette usine constituait ainsi l’extrémité du tronçon reconstruit depuis la gare de Leval (2).

Ce tronçon avait donc connu une véritable renaissance, complétée par une usine de construction métallique le long de la rue de Vierset appartenant à la firme Mabille, Vermot et Pelgrims.

Ici aussi, comme à Leval, le transport par camion, la crise économique et diverses restructurations eurent raison de ces raccordés qui disparurent à la fin des années 50, les entreprises elles-mêmes disparaissant ensuite.

Piéton-Leval
Piéton-Leval

7°) Conclusion.

L’histoire de cette ligne est typique de l’évolution de notre région puisqu’elle dut son existence aux nombreux établissements industriels qui s’y développèrent, pratiquement tous gravitant autour de l’extraction du charbon.

Il ne reste à ce jour qu’un mystère à éclaircir : des trains de voyageurs ont-ils circulé un jour ?

La construction d’un bâtiment des recettes près de la place de Carnières tendrait à le montrer car rien d’autre ne peut justifier son existence. La carte que nous reproduisons ici indique clairement « station » !

D’autre part, les cartes ferroviaires des années 1870 indiquent « gare de Carnières-Sud », tandis que notre autre gare s’est longtemps appelée « Carnières-Nord » sur les cartes et indicateurs des chemins de fer de l’Etat. Cependant, les rares documents que nous avons pu consulter ne donnent nien….

Par conséquent, l’hypothèse la plus probable est que cette gare ne vit jamais passer de trains de voyageurs durant les quelques années où cela aurait pu être le cas.

André Biaumet

(1) Le mémorial administratif de la province du Hainaut de 1869 signale que la compagnie a demandé l’année précédente l’autorisation d’ouvrir la ligne pour le trafic des trains de marchandises
(2) Des détails sur ces entreprises peuvent être obtenus dans « Industries, entreprises et artisanat » des Cahiers de la Haute Haine, réalisé sous la direction de A.-M. Marré-Muls ;










Accueil » LA LIGNE DE CHEMIN DE FER PIETON-LEVAL 1868-2011