La maison du Musée de la Haute Haine au début du XX siècle

Quand on s’amenait de Morlanwelz en empruntant la rue du Calvaire, on débouchait entre les fermes Raoul Haine et Alphonse Brunart, sur la place communale de Carnières.

Au carrefour des rues St-Eloi et Waressaix, de dressait une bâtisse sombre, impressionnante, enjolivée d’une curieuse tourelle, genre de campanile italien.

A diverses reprises, cette tourelle fut restaurée; on modifia son style en remplaçant des gracieuses courbures du bulbe par des surfaces angulaires.

Au dire des gens de cette époque, l’infortuné entrepreneur de construction de cette habitation s’était ruiné; il avait sous-estimé le prix de revient des pierres de taille en surcharge dans la façade.

Bâtie en 1878, cette maison servit de logement au « chef instituteur» et fut notamment occupée de 1907 à 1927 par M. Florent Hecq et sa famille, puis par M. Fernand Labruyère (qui possédait des dons de radiesthésistes fort utilisés pour la recherche de prisonniers de guerre dont on était sans nouvelle à la fin de la guerre mondiale) : plus tard, elle deviendra un bureau de police et en 1977 (fusion des communes) sera utilisée à différents usages.

Si l’aspect extérieur était imposant, l’intérieur, par contre, manquait totalement de confort; orientée au nord, cette demeure offrait une prise directe aux vents domi-nants, pièces mal réparties, mal chauffées (les cheminées obstruées refoulant suie et rumées à l’intérieur des pièces, toiture défectueuse, absence d’eau de ville et de puits à eau potable (pour s’approvisionner en eau potable, on était obligé d’emprunter une ruelle étroite, caillouteuse, malodorante, encombrée d’orties, d’herbes sauvages et de détritus, aboutissant à une petite fontaine située près de l’école communale actuelle des garçons), éclairage artificiel insuffisant : bougies, puis pétrole et bien plus tard, gaz de ville.

Un mini-jardin, réduit à une bande de terre entre la façade sud et la cour intérieur de récréation de l’école, juste assez pour y faire fleurir un cytise aux grappes d’or, un lilas mauve et une clématite anémique.

Quant à la cave, elle mérite une mention spéciale: solidement construite, creusée dans la fondation, structure digne d’un « château-fort», idéale pour la conservation de bons vins dans des caveaux adéquats, ainsi que des provisions pendant les années de pénurie (beurre, œufs dans lait de chaux, haricots et céleris avec sel dans de volumineux pots en terre cuite vernissée. Utile, elle l’a été au début de la guerre 14-18; ses habitants, occupés à mettre en bouteille un excellent vin de France, furent surpris par l’arrivée des Allemands, ils se hâtèrent d’emmurer ces bouteilles précieuses dans un coin de la fameuse cave. Elles y séjournèrent toute la durée des hostilités, mêlées aux poëlons, casseroles, tous les éléments d’une batterie de cuisine en cuivre, soustraite aux réquisitions et aux perquisitions domiciliaires des occupants ennemis (qui confisquaient sans discernement tous les objets en cuivre pour leur armement de guerre).

A plusieurs reprises, la maison a subi des adjonctions, des démolitions, des restaurations qui l’ont dénaturée en modifiant profondément son architecture initiale, mais la cave a supporté bravement ces vicissitudes, à tel point qu’elle a pu être aménagée en buvette lors de la création du Musée. Les visiteurs, en s’y rendant, y trouveront encore des traces de ce muret construit à l’angle formé par l’intersection des deux murs de fondation et de l’escalier de pierre en colimaçon.

Aujourd’hui, la vieille demeure a enfin reçu sa dernière affectation, en quelque sorte, son titre de noblesse.

Grâce à l’initiative, au désintéressement, au dévouement de quelques Carniérois, sous l’impulsion de feu le Docteur Albert Marré et, Mme Marré-Muls, archéologue et avec l’appui décisif de l’Administration communale de Morlanwelz, le Musée de la Haute Haine fut créé puis inauguré en 1988. Une salle est dédiée en hommage au Docteur Albert Marré.

Ce Musée, de conception moderne, sera vivant. Il conservera pieusement des reliques du passé (dont certaines ont une valeur artistique réelle) et présentera périodiquement des thèmes ruraux originaux, comme ce fut le cas en 1988-89 avec l’Exposition des Jouets qui a fait rêver bien des enfants et adultes, succès très encourageant pour les dévoués organisateurs.

L. ANNINO-HECQ.
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