On distinguait autrefois d’après leur origine, la noblesse d’épée, la noblesse obtenue par lettres patentes, et la noblesse de robe.
Nul ne pouvait être noble sans faire partie de l’une ce ces catégories, qu’il serait peut-être plus naturel de réduire à deux : la noblesse d’ancienne race et les anoblis, que ceux-ci l’aient été par le simple exercice des charges parlementaires ou par lettre patentes des rois.

La noblesse des temps féodaux était non seulement liée aux métiers des armes, mais encore absolument incompatible avec toutes autres professions. C’était une caste militaire.
Le signe caractéristique de la noblesse féodale est l’absence du principe d’ anoblissement. Les gentilshommes de nom et d’armes étaient ceux qui avaient vécu de temps immémorial à l’état de noblesse. La foule des ignorants se figure naïvement que le critérium de la vraie noblesse c’est de posséder le certificat de son origine et la date de son commencement.

L’origine de la noblesse féodale se perd avec celle de leur race dans la nuit des temps féodaux. Ils se glorifient de n’avoir pas été anoblis parce qu’ils avaient toujours été nobles, et ce par ce « toujours » il faut entendre les plus lointaines époques, jusqu’où peut s’étendre l’étude ou remonter le souvenir.
Dans les temps pré-féodaux, noble et libre paraissent avoir toujours été synonymes.

Le terme latin « miles » qui sert à désigner les chevaliers dans tous les textes de l’époque féodale, procède du mot « militare », qui vers la fin de l’empire romain signifiait « servir ».
Vers l’an mil, la chevalerie est une institution franchement militaire. C’est aussi une institution noblière. Elle est non seulement la forme chrétienne de la condition militaire mais elle est aussi et surtout la forme noble de cette condition. Les seigneurs du temps, dans les chartes, partages, testaments, donations de dîmes etc… y font suivre leur nom de la qualification de « miles », chevalier.
Tous d’ailleurs, et sans exception, sont guerriers.
Deux traits distinguent le chevalier : il est noble et il combat à cheval.
Cette dignité ne s’obtient pas d’emblée. Les enfants nobles, à leur naissance, ne la rencontrent pas dans leur berceau, mais ils y trouvent la possibilité de la mériter et le droit d’y parvenir. Elle est le degré le plus élevé, l’échelon suprême d’une hiérarchie dont le jeune homme doit parcourir les autres grades avant que le titre de chevalier ne lui soit conféré dans la cérémonie solennelle de « l’armement ». Cette investiture, dont le rite principal était la « colée » (un coup vigoureux donné avec la paume de la main sur la nuque du nouveau chevalier) remplacée plus tard par la plus bénigne « accolade», avait lieu, en général, aux environs de la vingtième année.
Auparavant, l’accès à la chevalerie était précédé de deux périodes d’apprentissage consciencieux et sévère, dont il ne semble pas que les fils des plus puissants seigneurs aient été dispensés.

Durant la première période, l’enfant noble, sorti à sept ans des mains des femmes, rendait au seigneur châtelain auquel il était attaché, et qui s’était chargé de son avenir, tous les offices de la domesticité, sans que ces offices entraînassent pour lui aucune déchéance. Il était désigné sous les noms de « valet », « varlet », « damoiseau » ou « page ». Ce terme de « valet », qui ne s’applique plus depuis longtemps qu’à une classe servile était alors une qualification honorable qui n’appartenait qu’aux jeunes gentilshommes. Au bout de sept années de ce premier apprentissage, le jeune gentilhomme changeait sa qualité de page pour celle d’écuyer. Alors il recevait l’épée qu’un prêtre lui attachait après l’avoir bénite, mais il n’était pas pour cela dispensé de services domestiques. Sous les titres de « chambellan », de « bouteiller », d’ « écuyer tranchant », il continuait à rendre à son maître tous les services, et les enfants de roi, eux-mêmes, n’étaient pas exemptés de cette coutume.

La cérémonie d’ « adoubement» se déroulait ainsi : après avoir passé la nuit dans une chapelle et pris un bain purificateur, le futur chevalier est habillé de neuf; écu et bannière lui sont remis. Il recevra un léger coup d’épée sur l’épaule et ce sera le dernier qu’il supportera sans broncher. Lorsqu’il aura été ceint de sa propre épée, on lui mettra également les éperons d’or, insignes du chevalier

Deux conditions caractérisent l’état des familles féodales : la possession des fiefs et la profession des armes.
La franchise ou liberté est à la base de toutes deux.
La fin du XIII siècle fut le moment qui amena le changement le plus important dans l’organisation du régime féodal. Le libéralisme de Saint Louis en fut la cause déterminante.
A partir de ce moment le roi s’attribua le pouvoir de conférer la noblesse en permettant aux roturiers d’acquérir des terres nobles.
Désormais, la noblesse de race perd relativement de son importance, par le fait de l’immense quantité des nouveaux venus qu’un usage de plus en plus répandu fit entrer dans les rangs de l’aristocratie.

Jusqu’au XVI siècle, la mésalliance est extrêmement rare dans les familles chevaleresques, qui, riches ou pauvres, ne contractent guère d’unions qu’entre elles.

En dehors des termes « chevalier » et « écuyer », d’autres appellations étaient également propres à la noblesse, qui précédaient le nom patronymique au lieu de le suivre. C’étaient celles de « messire», « haut et puissant seigneur », « haut et noble » etc…
Ni l’obscurité dans laquelle les siens ont pu tomber, ni les alliances médiocres qu’ils ont pu contracter après les époques féodales, ne peuvent faire que tel noble ne soit chevaleresque.
On peut porter au nombre de ses avantages et des preuves de l’ancienneté « le fait que cette famille n’a d’autre nom de famille que son nom de terre ».
Ce ne fut que sous la Régence, que le terme de « chevalier » prit la signification d’un titre. Jusque là, suivant le nom au lieu de le précéder, il avait le sens d’une qualification noble.

C’est une grossière erreur que de prendre la particule pour un signe de noblesse. Aux yeux de la masse, la plupart des noms nobles en étant précédés, sa présence devant un nom roturier donne à celui-ci une sorte d’allure aristocratique.
De toute façon, la particule n’est logiquement employée que devant les noms de terres.
Placée devant un nom patronymique qui est un nom de terre, la particule comporte seulement une présomption d’origine féodale, à la condition bien entendu, qu’elle l’ait accompagnée de tous temps et en fasse pour ainsi dire partie intégrante.
Il est certain que beaucoup des plus anciennes familles féodales entrées dans l’Histoire en armure ont fini par la traverser en pantoufles, ou même en sabots. A partir du moment où le heaume, le gantelet et la cuirasse n’ont plus été que des accessoires inutiles, ceux qui les portaient se sont vus distancer par les nouveaux venus. Ceux-ci n’ayant jamais porté d’armure, pénétraient de plain pied dans la société en talon rouge.

La situation des seigneurs au Moyen Age, qui exerçaient le droit de haute justice comportait une éminence spéciale. La plupart des seigneurs ne possédaient que les droits de basse ou tout au plus de moyenne justice, qui leur permettaient seulement de connaître les affaires les moins importantes.
Certains nobles anciens peuvent à un moment donné, du fait de leur indigence, être retombés très près de la condition rustique; leur modeste situation fut jadis considérée comme moins incompatible avec la noblesse que la profession de marchand.
Si l’on considère la notion d’origine, il semble incontestable que la famille du plus modeste paysan demeure de race chevaleresque si elle descend d’ancêtres qui ont été chevaliers au XIII siècle. Elle pourra cesser d’appartenir à la noblesse, et même à la bourgeoisie, être retournée aux couches les plus profondes du peuple, sans que sa déchéance lui ait fait perdre l’avantage de descendre d’une souche féodale.

Les noms chevaleresques qui survivent sont le plus souvent portés par des branches cadettes qui ont relevé le vieux tronc défaillant.

Quant aux noms patronymiques, ceux-ci avaient été au début des noms additionnels, sobriquets, ou appellations d’origine ajoutés aux prénoms et destinés à préciser seulement l’identité des individus. Puis, les rapports sociaux devenant plus complexes, la nécessité de les réglementer se faisant sentir, on éprouva le besoin, pour préserver les intérêts particuliers des familles, de fixer leur identité en perpétuant les noms additionnels viagers. Aussi bien, le nom devient-il à cette époque l’héritage le plus précieux.

C’est pourquoi les nobles conservaient leurs noms avec un soin jaloux.

A.M.Marré-Muls

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