Le quartier de Waressaix comprenait l’ancienne rue de Trazegnies, aujourd’hui rue de Waressaix, la Place Waressaix, la rue du Moulin et la rue Duvivier jusqu’à l’ancien Nopri. Le nom de Waressaix se rencontre fréquemment, dans le Hainaut. Les Waressaix qu’on entourait de fossés, constituaient des biens communaux, souvent de peu de valeur, soumis à la vaine pâture et donc, à l’usage de la communauté des habitants (1).



Ce quartier s’était qualifié de « Ville libre de Waressaix ».
Cette initiative avait été prise suite à la création d’une République Libre d’Outremeuse à Liège en 1927. Cette association liégeoise avait un « gouvernement » avec un Président, un Mayeur et des Ministres et leurs buts étaient de servir le folklore et de pratiquer la philanthropie. Les fêtes du 15 août qui s’étalaient sur deux jours, accueillent encore aujourd’hui près de 100.000 personnes.C’était suite à un voyage à Paris que des journalistes et des personnalités du quartier d’Outremeuse de Liège ont été frappés par les réalisations de la Commune Libre de Montmartre et ont décidé de mettre sur pied une association du même type.
La naissance de la Commune Libre de Montmartre est lointaine. Au 18e siècle déjà, Montmartre revendique son indépendance et une proclamation de Louis XVI datée du 22 juin 1790 autorise les habitants de la Butte Montmartre à former une municipalité hors les murs.
Montmartre devient une Commune Libre.
Fin 19e siècle, la Commune de Montmartre est le siège de violents incidents qui vont être le point de départ, le 18 mars 1871, de l’insurrection parisienne de la Seconde Commune de Paris. Rappelons que ce qu’on nomme la Commune de Paris est une période insurrectionnelle et de lutte contre le Gouvernement de Paris étalée sur plus de deux mois et terminée par la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871 qui est le massacre des Parisiens sur l’ordre d’Adolphe THIERS et de son gouvernement.
A l’emplacement de ce carnage, on a construit la basilique du Sacré Cœur sur la Butte de Montmartre.
Fin 19e siècle et début 20e siècle, on trouve dans le quartier du bas Montmartre, de plus en plus de cabarets et sur le haut, beaucoup de peintres et d’écrivains qui y vivent parmi les petits bourgeois, les retraités qui s’occupent de leur petit
jardin ou même les vauriens et les individus ruinés. Car à cette époque, il y a encore des jardins et de vieilles maisons à Montmartre.
Pendant la 1e guerre mondiale, Paris veut se moderniser et des promoteurs envahissent le quartier. C’est pourquoi en 1920, des artistes dessinateurs ou chansonniers décident de réagir en créant la Commune Libre de Montmartre afin de garder au quartier, un esprit de village, d’y organiser des fêtes et de maintenir le folklore d’avant-guerre.
Le premier Maire, Jules DEPAQUIT est issu d’une liste « antigrattecialiste » !
Rapidement, la Commune Libre devient la République de Montmartre dont les buts ne sont pas politiques, simplement sociaux, humanitaires et festifs.
Le village de Montmartre veut limiter l’envahissement de la ville de Paris et garder un aspect rural ; sachons qu’il y eut même des vignes !
Mais revenons à Waressaix et aux kermesses de quartier.
Déjà organisées sous l’Ancien Régime, les fêtes communales ou les ducasses de quartier étaient des moments où la population s’amusait, mangeait et buvait (sans modération !).
Selon une affiche de 1926, la kermesse de Waressaix, organisée sous la présidence de Sosthènes PARMENTIER, se déroulait en août. Le dimanche 1° août, à 10h., on annonce une lutte de jeu de balle pour juniors, chez M. Octave PHILIPPE; à 14h., demi-finale du concours de pelote, de 12h. à 14h.30, mise en loges de pigeons chez M. Léon MERLOT, à 18h., ouverture du nouveau dancing chez M. Désiré BONGE et à 20h., Bal populaire.
Le lundi 2 août à 9h., lutte de jeu de balle entre amateurs, à 14h., course à brouettes chez M.H.LECOUTURIER et à 20h., Bal populaire avec un orchestre dirigé par M. Maurice GOBERT. Le dimanche 8 août : championnat de balle pelote. A 13h.30, cortège des commerçants et réception des joueurs. Formation chez M. Victor FUMIERE, dit El gros Tor. Dislocation au local, chez M. LACHAMBRE. 5 balles en argent pour le premier prix, 5 chaînes de montre pour le deuxième prix et coupe offerte par M. Aimable WASTERLAIN. Décision en musique. A 20h., Bal populaire. Le dimanche 29 août, carrousel à l’anneau pour cyclistes. L’affiche signale aussi que pendant les trois jours de fête, il y avait bal public dans toutes les salles de danse.

Nous avons aussi le programme de la ducasse d’août 1927 : le dimanche matin, Aimable WATERLAIN se rendait au cimetière de Carnières, accompagné d’une délégation de la jeunesse pour y fleurir les tombes des membres décédés. Début d’après-midi, une lutte de jeu de balle opposait des membres de la jeunesse jusqu’à 15h. car alors, le ballodrome était laissé aux équipes de professionnels ou d’amateurs venus disputer le Grand Prix de la kermesse. Pendant ce tournoi, un cortège d’enfants costumés placés suivant un ordre préétabli, partait fleurir le monument aux morts
Sur l’affiche de 1926, rien ne permet de dire que Waressaix est devenu une République Libre. Mais une affiche de 1927 invite aux élections de Waressaix pour remplacer le Conseil administratif de Waressaix. C’est sans doute en 1921 qu’on a dû créer une Commune Libre de Waressaix avec comme Mayeur, Aimable WASTERLAIN (dit l’Artia). Le document des élections du dimanche 9 octobre 1927 est assez original : on y lit par exemple que « les étrangers désireux de voter devront se présenter au président du Bureau principal, siégeant le dimanche des élections chez M. Noël RAYEZ de 3h. à 6h. (15 à 18h.) pour obtenir un permis de vote ». Le terme « étrangers » désignait bien évidemment les personnes qui n’habitaient pas le quartier de Waressaix.
On pouvait voter à partir de quinze ans ! Ces élections étaient organisées sous la présidence de M. Sosthènes PARMENTIER par l’Association des Commerçants de Waressaix car à cette époque, il y avait encore beaucoup de commerces à Waressaix. Ces élections avaient été orchestrées de manière très semblable aux élections officielles, avec convocations, bulletins de vote et affiches. Une amende de 2 francs était infligée aux électeurs et électrices de Waressaix et dépendances qui n’avaient pas fait acte de présence… Il y avait trois listes et un texte qui présentait le déroulement des festivités de ce jour d’élections.

La ducasse de 1931 nous a laissé comme souvenir, une belle photo montrant les joueurs de jeu de balle réservée à la jeunesse; on y voit aussi le comité.
Nous avons une belle photo-souvenir de la ducasse d’août 1933 : elle montre des enfants venus déposer des fleurs au Monument aux morts ainsi que le Comité des Commerçants.

En 1933, il y eut de nouvelles élections, le 9 octobre, avec édition de chansons en wallon ; il est amusant de les lire !
En 1947, la ducasse a lieu comme d’habitude en août, mais il y a aussi des élections organisées le 4 août. On peut lire sur une circulaire, qu’à Waressaix, il y avait : médecins, pharmaciens, Delhaize, CGA, Courthéoux, Unica, Le Cygne, magasin de tabacs, primeurs, liqueurs, poissonnerie, garagiste, transports en tous genres, cafetiers, cinéma, tailleurs, pâtissiers, plafonneurs, entrepreneurs, bouchers, électriciens, dépositaire de bières en bouteilles, salles de fêtes… On y regrette l’absence d’un service de pompiers et on le réclame ainsi qu’un téléphé-rique… On fête les deux doyennes d’âge de la Commune Libre. La circulaire électorale des « Redresseurs » annonce comme programme : « joie et santé par l’amusement ». C’est dire à quel point on aimait s’amuser; pas de T.V., ni de PC ou de tablettes à cette époque: la convivialité existait encore !

En 1948, la fantaisie et le besoin de s’amuser continuent à se manifester… .
L’après-midi, on s’amusait avec des jeux de société : comme les courses de brouettes, les courses au sac etc…
Les familles se réunissaient autour d’un repas plantureux et les ménagères servaient avec du café, les tartes soigneusement préparées. Chaque porte était grandement ouverte aux parents et amis. La journée se terminait évidemment par un bal de clôture.

En 1952, on organise même les noces d’or des époux Oscar DUBRUX-WILLAME, avec plein de fleurs et de monde !
Depuis, Waressaix ne s’amuse plus tant : il n’y a plus de café aujourd’hui, ni de cinéma, ni de commerces ! Juste une pharmacie.
Triste évolution de la modernité dirons-nous !
Heureusement qu’il reste de ces joyeux moments, quelques photos jaunies, quelques documents et plein de beaux souvenirs.
T’CHANSON D’SU LES « ÉLECTIONS » DU 9 OCTOBRE 1933 DÈ WARICHAI EYET DES INVIRONS
D’su l’air du tra-déri-tra-la-la
1er couplet
Despu l’premi d’Septembre
Dè n’ai ni co dormi
Dè n’sait ni si les autres sont arrivé
comme mi
On n’parle pu qué dè Mayeur
Eyet des candidats
Mais votons pou Aimable
Eyet n’parlons pu d’ça
Su l’air du tra…..
2eme couplet
Despu n’huitaine dè d’jou
On n’fait qu’des conférences
On dit même qu’c’est Noêl
Qu’à toutes les préférences
N’raisonnons ni les d’jins
Eyet sout’nons ni les d’jins
Eyet sout nons nos doits
Eyet votons pou Aimable
C’est tout c’qui a d’pu nia
Su l’air du tra…..
3eme couplet
In mayeur comme Aimabe
I no faut l’respecter
Quand vo r’tourn’ri l’village
Vo n’sari pu l’trouver
Si ya n’fiesse dessu l’place
Asprouvez dè desquinte dusqu’à là
Si vos avez des liards
Aimabe vos chevira
Su l’air du tra…..
4eme couplet
On r’clame à Warichai
Del lumière eyet dé l’liau
In votant pou Aimabe
Vos arez tout c’qui faut
Sivos l’a promis
Bi seur qui vos l’donnera
Eyet pou fait vos trottoirs
Vos arez chacun in bouyat
Su l’air du tra…..
5eme couplet
Dè n’sait ni camarade
Si vos asté arrivé comme mi
Mais mi d’trouve el gros Noêl
Tout raméri
Eyet dire qué c’est l’écharpe
Dè mayeur qui fait çà
Duand çà d’vrou li couster n’vache
I prétint qu’il l’aura
Su l’air du tra…..
6eme couplet
Quand on n’est ni capabe
On n’sé commin fait
On fait v’ni in étranger
Pou v’ni les r’comander
Mais nos mayeur capabe
Est là evet respondra
C’est tout pur tafiar
Qu’on n’raisonis ni çà
Sur du tra…..
7eme couplet
On fait del propagande
In pau dis tous les coins
Avu nos bouquet viande
On nos donne du boudin
N’raisonnons ni Donné
Votons testous pou Aimabe
Y nos donra mieux qu’çà
Su l’air du tra…..
8eme couplet
Avant d’fini m’t’ chanson
Dè vu quo dire en sagué
On parle d’amener Léon
Devin l’voiture d’Jacquet
Mais qui faise tout c qui vu
Nos nos foutons bi d’cà
El lundi d’vin I’rue
N’bel buse on l’promera
Su l’air du tra…
T’CHANSON RÉPONSE DE NOËL AL’CHANSON DE AIMABE SU LES « ÉLECTIONS » DU 9 OCTOBRE 1933 DE WARICHAI EYET DES INVIRONS
D’su l’air du tra-déri-tra-la-la
1er couplet
De su oblidji d’responde
A vos biesse dè t’chanson
Après tout i n’a ri à dire
I n’est ni d’nos coron
Qui s’mèle des ses affaires
Eyet qui n’s’occupe ni d’çà
M…dè vote pou Noêl
2eme couplet
On di qui d’ai l’préférence
In pau pa tout costé
Si d’ai in miette dè chance
D’ai toudis fait m’possible
Pou fait mieuw quel si qui là
Si on n’vu ni r’vinte ol commune
Faut culbuter tout çà
Su l’air du tra…..
3eme couplet
Comme ancoen mayeur
On n’est pu malin qu’ çà
On n’dit ni à s camarade
Dès muchi d’vin in sac
C’est li qui d’vrou s’muchi
I n’fait què d’falsifié
In mindgant en live de ses fèves
On serout quo pêter
Su l’air du tra…..
4eme couplet
On ri del propangande
Dưon fait d’vin tout les coins
D’ jé trouve que c’st gentil
Si on vos donne du boudin
Cà n’est ni falsifié
C’est ni comme ses moules
Pou d’morer sonstipé
Su l’air du tra…..
5er couplet
I r’proche à Merlos
D’avou r’tourné s’ casaque
Mais il a bi raison
Pusqu’ils ont vudi l’sac
Trop tard dè cè r’tirer
Quand les d’ jins véront d’ mauder
Quesqu’avait fait d’mes liards
Su l’air du tra…..
6eme couplet
Les numéros 1
Sont tout d’mème astrapes
D’ailleurs est d’mandé çà
A Alphonse Biaumet
Dintindou l’semaine passée
Qui d’sous à n feume tout bas
Si nos lisse est passée
D’vos frai in bias martia
Su l’air du tra…..
7eme couplet
Despu qu Vital est lanci
On sarou pu l’arrêter
I d’sous mème à Dupuis
Qui falou çè r’muer
In despinçant des liards
S’tinsi qu’on arrivra
Samedi j’donne gratuitemint
L’intrée dè m’cinéma
Su l’air du tra…..
8eme couplet
C’est samedi au nûte
Qui d’ara d’sastrapé
Quant in viron arriver
Nos n’orateur Etranger
Eyet lundi au matin
Desquindè testout dusqu’à là
Vos virez des buses d’in mête
Pou lieu chervi d’chapia
Su l’air du tra…..
La Revanche
A.M. Marré-Muls
(1) AM.Marré-Muls, Découvrons Carnières, Carnières, 1982, p. 272 et 273.
(2) Le mot ducasse rappelle la dédicace de l’église patronale.
(3) Entre deux guerres, il y avait toujours des cavaliers dans les processions, cortèges carnava-lesques, folkloriques, historiques et autres et le sport favori de ces cavaliers était le carrousel aux anneaux ; on traçait une piste, délimitée par six poteaux où étaient attachés des anneaux qu’il fallait s’approprier. Cet amusement fut aussi pratiqué par des cyclistes.