Tous les Carniérois connaissent la rue Vieille Eglise, qui est toute en détours, et quelques-uns ont sans doute déjà dû penser qu’en ce lieu existait antérieurement une église.

En fait, au fil des siècles, Carnières connut plusieurs églises à des emplacements différents.

La plus ancienne église paroissiale connue, remonte au 15e siècle et elle était déjà dédiée à Saint Hilaire. D’après Gonzales Decamps, elle devait se situer au lieu-dit « le Cron Chesne», un petit plateau de Colarmont. Bâtie en moellons provenant de Carnières même, elle se dégrada au point qu’il n’en restait que des ruines encore visibles au début du 18e siècle. Vers le milieu du 19e siècle, la couleur particulière de l’herbe à certains endroits, révélait encore la présence des anciens fondements.

Au 15e siècle, l’agglomération de Carnières se portant plus vers le centre actuel, c’est donc vers le centre qu’on édifia une nouvelle église qui est alors celle qu’on dénomme la « Vieille Eglise » et que nous nous proposons d’étudier.

Elle était située à proximité de la rivière, près du Monceau des Hayettes et au bas des Trieux de Colarmont.

C’est donc au 15e siècle qu’il faut faire remonter la Vieille Eglise, dont le plan était très simple, puisqu’il s’agissait d’une croix latine dont la nef était unique. Construite en style gothique, elle devait connaître de nombreuses transformations.

Il est intéressant de suivre l’évolution de l’édifice pour arriver à ce que représente le cliché que nous pourrons voir plus loin dans le texte.

TRANSFORMATIONS

1°) A la fin du 15e siècle ou au début du 16e siècle, l’église ayant été dévastée ou bien étant déjà fort abîmée, on dut procéder à certaines transformations : l’église reçut d’abord de plus vastes proportions. D’autre part, on bâtit des piliers pour étayer la nef, ce qui suppose l’existence de colonnes et non de piliers, et enfin, on vit aussi l’adjonction de collatéraux en style gothique tertiaire.

Tous ces changements furent révélés par l’étude de la charpente, qui était encore conservée lors de la démolition de l’église en 1875.

En 1610, la tour reçut deux cloches et à ce propos, il y eut d’ailleurs un litige entre Carnières et l’abbaye d’Aulne.

Lors des troubles aux 16e et 17e siècles, l’église fut malheureusement pillée et saccagée.

2°) Au début du 17e siècle, la « Vieille Eglise» se trouvait donc dans un état lamentable.

La toiture qui avait été mal entretenue, avait laissé s’installer une humidité plus que néfaste.

Il paraît qu’on avait des difficultés à célébrer l’office, tellement l’église était sombre ; c’était du fait que le chœur était beaucoup plus bas que la nef et de plus, une maison venait s’appuyer sur le chœur.

Le mobilier était à peu près nul ou impropre à l’usage.

Quant aux ornements, beaucoup manquaient ou étaient abîmés. Comme preuves de cet état de misère, il suffit de s’en référer aux nombreux procès qui ont opposé les habitants de Carnières et les décimateurs d’Aulne.

Suite à des plaintes de Carnières, Aulne fut obligée de fournir des ornements et des objets du culte et de plus, d’améliorer le chœur.

3°) 1727 vit la construction de la sacristie. A cette époque, on reboucha également plusieurs fenêtres gothiques du chœur.

Un document judiciaire nous révèle l’état du chœur: “…petit, se terminant par un pignon percé de trois fenêtres (une grande et deux petites). Entre ces fenêtres, deux gros pilastres en pierre étaient chacun surmontés d’un ange adorateur… ».

la vieille église quelques années avant sa démolition croquis de Gonzalès Descamps

4°) En 1745, les habitants de Carnières dépensèrent de fortes sommes pour réparer les nefs de l’église. On replafonna en ornant les voûtes de moulures en plâtre d’un effet plus que disgrâcieux et ces moulures juraient avec les belles lignes gothiques de l’édifice. Cette malencontreuse réparation fut effectuée par le maître plafonneur André TISMANS dont le nom était rappelé en lettres moulées, sur la nef Nord.

5°) En 1750, l’abbaye d’Aulne et Carnières se mettent d’accord pour partager les frais d’une restauration : Carnières paie les matériaux et Aulne la main-d’œuvre.

C’est alors qu’on agrandit le chœur et qu’on perce une fenêtre de chaque côté. Les travaux sont effectués sous la direction de l’architecte de l’abbaye, le père Gaspar FONSON, carme dechausse.

6°) Après cette dernière transformation, l’église resta pareille au point de vue plan, jusqu’en 1875, année de la démolition.

7°) L’église devint trop petite car la population avait augmenté. Le village s’etait développé loin de l’église. De plus, l’édifice, mal entretenu, menaçait ruine.

C’est pourquoi en 1872, le Conseil communal résolut de faire bâtir une autre église, située sur la Grand-Place du village. En 1874, elle est consacrée et ouverte au Culte.

DESCRIPTION DE LA VIEILLE EGLISE EN 1874

1°) Dimensions
On pouvait compter une longueur de trente mètres.

2°) Disposition
Une arcade gothique séparait le chœur du reste de l’église.

Les transepts, assez peu développés, étaient occupés par deux chapelles.

Les nefs latérales étaient séparées de la principale par huit colonnes cylindriques dont deux engagées, ornées de chapiteaux délicatement sculptés.

3°) Plafonds
Au-dessus de la grande nef, une voute en bois assez remarquable, disparaissait malheureusement sous le barbouillage et le platonnage; ce gachis etait bien regrettable, étant donné que cette voûte remontait au 15e siècle et que de plus, elle possédait des corbeaux sculptés (les corbeaux étant les espèces de consoles en bois sur lesquelles aboutissent les nervures d’une voûte). Les sculptures représentaient des effigies d’anges et de saints, traitées assez énergiquement.

Les transepts bâtis postérieurement, étaient voltés en pierres et en briques.

Le chœur et les petites nefs étaient pourvus de voûtes informes, ni en cintre, ni en ogive.

4°) Portes
A l’Ouest, une très belle porte gothique était surmontée d’un linteau en pierre offrant les armoiries de Carnières. Cette porte donnait accès à un petit porche placé sous le clocher.

Une autre porte gothique, en arc surbaissé, était placée sous la nef Nord; elle était également d’une assez belle facture.

5°) Fenêtres
L’église comptait onze fenêtres en 1874: cinq au chœur, de style Renaissance, doux aux transepts, de style ogival et quatre fenêtres gothiques, dans les nefs.

STYLE ET VALEUR DE L’EGLISE

Dans la première moitié du 15e siècle, le Hainaut fut souvent ravagé par des guerres. Dans de nombreux villages, les églises furent détruites. D’autre part, l’extraction de la houille et les débuts de l’industrie métallurgique créèrent un climat de prospérité qui favorisa la reconstruction ou la restauration de beaucoup d’églises.

C’est au cours de cette campagne que s’est formé le groupe gothique hennuyer, auquel on doit sans doute rattacher la « Vieille Eglise » de Carnières.

A l’exception du chœur et des transepts de l’abbatiale d’Aulne, de l’ancienne abbatiale de Lobbes et des collégiales de Chimay et Avesnes, ce groupe ne comprend que de modestes églises de village, pour lesquelles il n’y a pas de plan défini.

Comme à Solre-sur-Sambre et Baudour par exemple, on a eu recours à Carnières aux voûtes en bardeaux, terminées par des corbeaux sculptés.

Typique aussi, est la colonne hennuyère, taillée dans le calcaire dévonien de la Sambre ou le petit granit d’Ecaussines et que l’on devait trouver à Carnières. En tout cas, faute de restes, l’on sait qu’il existait des colonnes dans l’église.

Loin d’affirmer que l’église de Carnières est un exemple type du groupe hennuyer, les comparaisons avec d’autres édifices du groupe, nous poussent à devoir rattacher notre « Vieille Eglise » à ce groupe.
Quoi de plus naturel d’ailleurs pour les constructeurs de l’époque, d’aller voir dans les villages environnants ce qu’il était coutume de faire.

D’autre part, Carnières dépendant de l’abbaye d’Aulne et de l’abbatiale de celle-ci, qui appartenait indubitablement au groupe hennuyer a très bien pu inspirer notre édifice.

Dire que la « Vieille Eglise» de Carnières est un chaînon de l’architecture gothique serait risible, mais il faut reconnaître qu’il est bien agréable de se dire qu’au 15e siècle, notre village trop méconnu, s’enorgueillissait déjà d’une belle église gothique.

Anne-Marie Marré-Muls, Feuillets n° 2, avril 1973

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