Un acte inédit et unique

Il y a 82 ans, le 19 avril 1943, le 20e convoi quittait la Caserne Dossin à Malines pour déporter 1 631 Juifs vers une « destination inconnue ». C’était Auschwitz. Grâce à l’action de trois résistants, 236 de ces déportés parviendraient à sauter du train qui les destinait à l’extermination. L’action a eu lieu à hauteur de Boortmeerbeek.

Caserne Dossin Maline Source Google Maps

De toute la Seconde Guerre mondiale, c’est l’unique épisode de ce type recensé en Europe de l’Ouest.

Entre 1942 et 1944, 25.490 Juifs et 353 Roms ont été déportés depuis la caserne Dossin vers Auschwitz-Birkenau à bord de 28 trains de transport. 

Trois résistants, une lampe, une tenaille et un révolver

L’action est mise sur pied dans l’atelier de Marcel Hastir, peintre et résistant, au 51 de la rue du Commerce, à Bruxelles, par Youra Livchitz, Jean Franklemon et Robert Maistriau.

Youra Livchitz était un jeune médecin juif dont la famille était originaire de Bessarabie (Moldavie aujourd’hui). Interdit d’exercer sa profession depuis 1942 par une ordonnance de l’Occupant, il gagne alors sa vie comme représentant d’une société pharmaceutique.

Jean Franklemon est un jeune communiste militant qui a participé à la guerre d’Espagne et dont la famille cache un enfant juif. Il est musicien, directeur d’une troupe de théâtre « Les Comédiens routiers », qu’il faudra évoquer, et fréquente l’Atelier où il répète avec sa troupe.

Robert Maistriau est étudiant à l’Université Libre de Bruxelles. Son père, médecin militaire, est un admirateur de la culture allemande, mais à la suite de la Première Guerre mondiale, il l’élève dans la méfiance de l’Allemagne. Et Robert doit apprendre l’allemand parce que c’est la langue de l’ennemi.

En tout et pour tout, ils disposent d’un revolver, d’une lampe de tempête et d’une tenaille. Youra sera arrêté et fusillé au Tir National le 17 février 1944. Il avait 26 ans.

Hasard de l’histoire, le même jour, A Varsovie, les Juifs du ghetto s’opposaient aux Nazis qui avaient décidé de leur déportation. Quelque 3 000 Juifs participèrent à l’insurrection.

 Musée de l’Holocauste et les Droits humains Source Google Maps

En 1987, Maxime Steinberg, l’historien de la Shoah belge, publie le livre qui rassemble la documentation du 20e convoi.

Commémoration. Et vandalisme…

Une stèle commémorative est inaugurée en 1993 près de la gare de Boortmeerbeek en souvenir de cet acte de résistance et des personnes déportées. Le 27 janvier 2023, dans le cadre de la journée commémorative de la Shoah, la Ville de Bruxelles a installé 3 plaques commémoratives dans le Bois de la Cambre: 3 chemins du Bois de la Cambre portent ainsi, aujourd’hui, leurs noms. Pour ne pas oublier. Elles seront plusieurs fois profanées.

Témoignage

Simon, l’enfant du 2° convoi

« J’ai sauté du 20e convoi le 19 avril 1943. Ce train transportait de Malines (Mechelen) en Belgique, à Auschwitz plus de 1600 déportés juifs, dont 262 enfants.
J’avais exactement 11 ans 6 mois et 7 jours.
L’enfant que j’étais ignorait qu’il était condamné à mort et conduit sur les lieux de son exécution.
Ma mère et ma sœur ont été déportées. Je ne les ai jamais revues.
Mon père, brisé par le chagrin, n’a pas résisté à la maladie et mourra en 1945 à Bruxelles.
À 13 ans. je me suis retrouvé seul. »

Ainsi commence l’avant-propos du livre de Simon Gronowski, « l’enfant du 20ième convoi ». Le 17 mars 1943, à Woluwe-Saint-Lambert, Simon Gronowski, est arrêté par la Gestapo avec sa mère Chana et sa sœur Ita. Après avoir passé une nuit dans la cave de la Gestapo avenue Louise à Bruxelles, ils sont internés dans un camp de transit. A la caserne Dossin à Malines. Jusqu’au jour du 20° convoi…

La SNCB

189 542 travailleurs forcés, 25 490 Juifs, 16 081 prisonniers politiques et 353 Tsiganes ont été déportés vers l’Est dans la période 1941-1944 par les chemins de fer belges.

Entre résistance et collaboration, pour l’organisation de ces convois, la SNCB a reçu près de 51 millions de francs belges, soit l’équivalent (en tenant compte de l’inflation) d’un peu moins de 15 millions d’euros. Elle sortira de la guerre dans un état alarmant, avec des infrastructures et du matériel considérablement détruit ou endommagé, et avec un déficit abyssal.

Le Groupe des Sages remet ses conclusions au Gouvernement fédéral Françoise Tulkens, présidente du groupe.
source Sénat de Belgique Copyright Kevin Oeyen

Le rapport « Vérité, Transmission, Réparation » élaboré par le Groupe des Sages, créé en 2024, a été remis le vendredi 18 janvier 2025, au Sénat, à la vice-première Ministre Valérie De Bue et au ministre de la mobilité Georges Gilkinet.

Il avait pour objectif de « formuler des recommandations concrètes pour mettre en lumière le passé difficile de la Belgique tout en proposant des actions tournées vers l’avenir ».

Et le rapport appelle le gouvernement fédéral à des excuses officielles et à des mesures de réparation. « Il faut agir. Reconnaitre et comprendre le passé pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus jamais. Aujourd’hui, 80 ans après les faits, au vu de notre contexte actuel où des discours raciaux et de haine sont banalisés, il est plus qu’opportun de retenir les leçons de l’histoire », explique Françoise Tulkens, présidente du groupe.


Bernard Chateau,

La Kaserne Dossin est ouverte tous les jours, de 09h00 à 17h00, sauf les samedis et dimanches à 9h30.

En 2025, fermée les mercredis, et le Nouvel An Juif (23 et 24 septembre), Yom Kippour (2 octobre) les 24, 25 et 31 décembre.

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