Vers 1935, Léon Dumont âgé à l’époque de plus de 65 ans, eut l’heureuse initiative de construire un bassin de natation.

Vu son âge, il était né le 5-12-1868 (décédé le 19-4-1948), son entourage essaya de l’en dissuader. Rien ne fit et armé de son courage et de sa force, il entreprit les travaux. Il creusa, creusa, sua, peina…

Se rendant compte de l’énormité de son entreprise, il demanda l’aide de Léon Gourmeur, entrepreneur à Carnières.

Au cours des travaux, il rencontra un énorme caillou car vous n’ignorez pas que le Prairois n’est que pierres (d’où son nom Pairois). Il fit appel à Octave Navez, autre entrepreneur, qui attela cheval et engins divers afin d’enlever cette lourde masse. Rien à faire, absolument rien, le caillou ne bougea pas. Léon Dumont eut alors l’inspiration géniale de creuser un immense trou à côté et de faire glisser la masse centimètre par centimètre dans l’excavation creusée. Ouf! on pouvait espérer la suite et poursuivre les travaux.

Effectivement, de jour en jour, le travail s’accomplit.

Le bassin avait d’un côté, une profondeur de 0,50 m et de l’autre, 1,80 m. On y installa deux tremplins; il fit construire des rangées de cabines par groupes de quatre ainsi qu’un vestiaire pour des gymnastes. On ajouta deux jeux de bouloir, une piste de danse, un étang… une grande buvette qui fut plus tard rachetée par Simon Stassin. Léon Dumont en voulait toujours davantage : il creusa un vélodrome et installa des jeux pour les enfants. Le tout était agréablement disposé.

A la rue du Beauregard, on longeait le mur de Marie Potiau; à droite, se trouvait la propriété de Léon Dumont. Une passerelle permettait de franchir la Haine et on se trouvait dans le complexe sportif. Tout de suite à droite, s’étalait le petit étang ovale où évoluait une barquette. Ensuite, on trouvait l’entrée officielle où nous prenions un ticket (50 centimes). Si nous voulions nager, on nous réclamait la modique somme de 2 francs. A gauche, se situait la piste de danse; dans le fond, le vélodrome et en face, la buvette. Le bassin ainsi que les jeux d’enfants se trouvaient à droite. Rien n’avait été oublié ; si vous désiriez vous mettre à l’eau, ces maillots de bain et bonnets se louaient pour un prix dérisoire. Si la faim vous prenait, il y avait de quoi combler le petit creux : pistolets fourrés, caramels (10 pour 1 franc), friskos, frites etc… le tout servi bien à volonté.

Le bassin de natation devint le centre de nombreuses activités.

Un club de gymnastique dénommé C.G.S.C. (Centre Gymnastique Santé, Carnières) se forma à l’initiative de Raymond Walrand, bientôt aidé par Arthur Borzée, Marcel Canivet et Marcel Demanet. On constitua un comité : Jules Pourbaix, Albert Delaunoy, Gustave Deprez, Arthur Dassonville, Augustin Potiau…

Des fêtes de natation, de gymnastique et de callisthénie (mouvements rythmés : marches et danses exécutées au son du piano) furent organisées qui remportèrent un véritable succès. Le club de gymnastique se déplaça souvent et remporta de nombreux prix. Les compétitions se déroulaient souvent dans une ambiance très détendue comme en témoigne l’anecdote suivante : Raymond Walrand avait convenu avec Demanet, Cordier et d’autres que Marcel Demanet pousserait Walrand dans l’eau; celui-ci ayant au préalable revêtu un élégant smoking… Croyant à un accident, des gens se sont précipités dans l’eau pour lui venir en aide.

On se souvient aussi que lors d’une des nombreuses courses cyclistes, Augustin Potiau cui avait pris le départ par fanfaronnade, fit une terrible chute qui l’immobilisa un certain temps.

On raconte aussi que des femmes vinrent courir et que l’une d’elles était un homme…

Autour de l’étang, les amateurs de pêche taquinaient le poisson qu’on avait déversé.

Les jeux d’enfants étaient gratuits et attiraient beaucoup de jeunesse; partois des gamins plus hardis ramassaient des pommes au grand désespoir du Payon, car c’est ainsi que tout le monde appelait Léon Dumont. Lui de son côté, avait réservé des fruits pour les enfants et avait plaisir de les leur offrir à la sortie du bain (alors que plus tôt il ne tolérait pas qu’on les lui prenne). Ils avaient tous la manie de tourmenter Payon.

Dans ce cadre arboré, nous passions des heures merveilleuses; une musique créait l’ambiance… Les anciens se souviendront de ces moments distrayants. Malheureusement beaucoup sont déjà disparus. Il me fut bon néanmoins de revivre avec vous, ces jours inoubliables de mon enfance.

Lucette JOSSE-MOREAU,
petite-fille de Léon Dumont.

L’article consacré au bassin de natation du Pairois, m’a rappelé des souvenirs de jeunesse. Nous étions, des camarades et moi-même, de fervents adeptes du vélodrome. Je pense à mon frère René, à des amis comme Henri Dassonville, Robert Merlot et d’autres dont je n’ai plus les noms en tête. Nous nous livrions à des sprints acharnés en nous prenant par Jef Scherens, dit le Poeske, huit fois champion du monde de vitesse pure sur piste.

Malheureusement, nous n’avions ni ses réflexes ni son habileté et il nous est arrivé d’effectuer des chutes spectaculaires. Il faut dire que nos vélos n’étaient pas de vrais vélos de piste (et peut-être aussi que le vélodrome n’était pas tout à fait adapté à nos exploits, sait-on jamais !) Je me souviens avoir « passé» au-dessus du guidon dans un virage et m’être retrouvé en bas de piste plus vite que je ne l’eusse souhaite. Henri Dassonville m’a rappelé récemment que mon frère René avait, lui aussi, raté un virage et s’était retrouvé dans la prairie voisine très près d’un tronc d’arbre abattu. Quelques centimètres de plus et c’eut été plus grave. Henri, lui, a fait aussi une lourde chute et il eut la clavicule fêlée. Mais cela ne nous empêchait pas de recommencer quelques jours plus tard. C’était – comme on dit toujours – le bon temps, le temps de la jeunesse et de l’insouciance.

Albert FONDU.

Anecdotes. Notre feuillet est lu avec plaisir puisqu’il a valu à Mme Josse-Moreau le rappel de plusieurs anecdotes de la part de concitoyens ou d’ex-concitoyens; elle nous les narre aujourd’hui tout en remerciant les lecteurs pour l’intérêt qu’ils ont marqué pour son article de mai 1990.

Carnières-Plage, tel est le nom choisi par mon grand-père pour le bassin de natation et que j’avais omis de citer lors du précédent article.

L’alimentation en eau du bassin, problème essentiel aussi. Vous n’ignorez pas que Carnières est riche en sources. On profite de l’aubaine pour remplir le bassin. Jour et nuit, cette source coulait dans le bassin, une grosse cuve en béton munie d’un filtre en assurait la propreté. Les eaux usées partaient par une autre tuyauterie. En plus de cela, mon grand-père débarrassait la surface, des feuilles et autres déchets. On pouvait s’ébattre en toute quiétude, malgré la présence parfois inopportune de grenouilles et ce à la plus grande joie des enfants que nous étions.

Quant à notre chat Poussy, il faisait régulièrement se ronde afin de lécher les papiers des friskos que les consommateurs jetaient sur le sol.

Mme Coquette-Selvais m’a rappelé les deux anecdotes que voici :

Mon grand-père L. Dumont avait engagé un « soi-disant» maître-nageur. Les amis du bassin s’étant aperçus de son incapacité décidèrent de le mettre à l’épreuve. Un nageur patenté fut attaché par une corde au bout de la perche tenue par le maitre-nageur; un 2e larron nagea sous l’eau et coupa la corde ; le nageur fit semblant de couler à pic. Sans un geste mais pétrifié, le maître-nageur regardait et criait « Il va se noyer! Il va se noyer !» Je vous laisse à supposer que sa carrière fut courte et que mon grand-père le congédia vertement.

Une autre fois, des amies et moi-même étions montées dans la barquette qui faisait le tour de l’étang. Un gai luron d’un geste habile retourna la frêle embarcation et plouf… nous nous sommes retrouvées toutes mouillées avec la vase agglutinée qui nous collait au corps: spectacle bien rigolo sauf pour les mamans ! Que de beaux souvenirs !

Lucette JOSSE-MOREAU.


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