Comme l’écrivait Madame Claire Bouton dans les « Feuillets Carniérois » no 62 de mai 1988, la kermesse du Coton Saint-Lambert (rue Solvay), créée en 1946 ou 1947, vit un an ou deux plus tard, l’apparition d’un géant qui représentait Saint-Lambert. Madame J. Leloir-Demeuter situe, quant à elle, la première sortie du géant, le 7 septembre 1953 et en fournit pour preuve, un document émanant de la « République Saint-Lambert, Département de l’Intérieur» dont voici le texte :

« En vertu du code civil, article 56. Le Conseil d’Etat de la République Saint-Lambert et sur avis du Département de l’Intérieur approuve les délibérations relatives à Lambert Prince-Evêque de Maastricht citoyen d’honneur du quartier Saint-Lambert, il portera désormais le titre honorifique de : Saint-Lambert de la Paix. En outre approuve le choix d’après le vœu émis par les assemblées délibérantes de nommer Victor Willame parrain et Miss Saint-Lambert marraine responsables de l’entretien et de la bonne conservation du monument. Fait et approuvé à Saint-Lambert le 7 septembre 1953. »

Nous pensons pourtant que le géant était antérieur à ce document.

Issu de l’imagination fertile des joyeux lurons du quartier, le géant fut créé de toutes pièces par ceux-là mêmes qui l’avaient inventé.

Les arceaux de l’armature furent réalisés en fers plats de 2,5 x 5 mm par Victor Lison (père de Jean-Marie Lison). L’habit fut confectionné par Léona Château, Julia Ru-cloux et Zoé Gaillet: elles avaient choisi un tissu de ton rouille ou rouge brique pour
la longue robe et pour la cape bordée de galons dorés; la toilette était complétée par une capuche réalisée dans le même tissu et semblable à celle du Père Noël.

La tête aurait été préparée par Maurice Hirsoux, instituteur, et véritable artiste, selon certains; mais pour d’autres, la tête était faite avec une armature de fers sur laquelle on appliquait un masque de carnaval. Une perruque d’assez longs cheveux blonds et bouclés, complétait la tête.

Les bras étaient des boudins de paille, fixés dans les manches et terminés par des gants; le géant avait les bras croisés sur la poitrine. L’armature permettait à un homme de se faufiler à l’intérieur et de porter Saint Lambert.

Saint Lambert était grand : 2,5 à 3 m et lourd, environ 45 kilos, mais on y tenait dans le coron. Il avait pourtant suscité une réclamation de la part du clergé local (Curé Dermot) parce que la « marionnette» représentait un saint !

La kermesse du Coron Saint-Lambert débutait le samedi du premier week-end de septembre à 15 h. Léona Château (familièrement appelée « ma tante »), aidée de Julia Rucloux et de Zoé Gaillet, habillaient Saint Lambert qu’on allait placer près du kiosque pour qu’il «veille» sur son petit monde. Saint Lambert voyait se succéder les bals, concerts, feux d’artifice, jeux el autres animations. Et enfin, le lundi à 15 h., le Comité emmenait le géant se promener dans les rues avoisinantes du quartier, accompagnés d’une musique, tambour et caisse, des couples étaient habillés comme en 1900 et ils dansaient, entraînant le géant dans leurs rigaudons.

Le cortège avec Miss Saint-Lambert (Léona Château) en tête, empruntait les rues Solvay, Royale, Brachet, la gare, le Batreau, la rue Vandervelde et la Place Verte pour rentrer au Coron. Parfois on inversait l’ordre de la marche et on faisait aussi des incursions dans d’autres rues telles les rues des Ecoles et de la Passerelle.

La kermesse se terminait le mardi à 22 h.; le costume était repris par Léona Château pour être nettoyé et rangé tandis que la carcasse était remisée dans un passage couvert où était aménagé une espèce de grenier, entre la maison de Camille Overloop et celle de Lorette Clincke, dans une rampe de la rue Solvay ,entre les nos 139 et 141).

Comme nous l’avons écrit plus haut, la carcasse était lourde et tellement lourde que le géant n’a défilé que quelques années, faute de… porteurs. Comme le montrent les comptes d’Alberte Delvaux, épouse Albert Busez, le porteur, toujours un volontaire, était payé 200 F entre 1959 et 1965. On ne trouve plus de trace de paiement dans le compte ce 1965-1966 et on en décuira que Saint Lambert n’est plus sorti depuis.

D’ailleurs, la kermesse elle-même s’essoufflait; les gens voulaient s’amuser mais l’argent ne suivait pas! Il faut savoir que le coron ne recevait aucun subside de l’extérieur; les riverains de ce quartier qui ne comprenait pas beaucoup de maisons donnaien tous les mois 20 F mais parfois aussi 10 ou 5 F. En 1947, c’était suffisant mais en 1966, les rentrées étaient les mêmes et les prix avaient grimpé. A la réunion du 1er août 1969, le Comité a dû se désister faute de fonds et ce sont les Gilles de la Place Verte qui ont organisé la kermesse à leur profit bien entendu. Seul le goûter des pensionnés avait été maintenu. Le 17 juillet 1970, le Comité de la kermesse du Coron Saint-Lambert fut dissous; l’argent des cagnottes fut remboursé et le reste fut réservé à l’achat de fleurs lors de décès. Plus personne ne sait ce que sont devenus la carcasse de Saint-Lambert et son costume.. A moins que…

Dans le « Mouchon d’Aunia» no 10 d’octobre 1987, Robert Dascotte écrit que le géant d’Anderlues aurait été créé en 1971, lorsque cette localité reçut d’une commune voisine, une carcasse de géant en tubes d’acier d’une bonne quarantaine de kilos et de plus de 3 m de haut. L’année suivante, en 1972, les porteurs (au nombre de 5 ou 6) recrutés parmi les ouvriers communaux, refusèrent de porter un géant aussi lourd. C’est pourquoi Anderlues en construisit un plus léger.

Voilà encore un géant trop lourd ! Et si… Mais oui !…

En 1971, Roland Leloir a prêté la carcasse de Saint-Lambert à Camille Vanderbecque (service des Travaux d’Anderlues) qui, lui-même, construisit une carcasse en duralumin, un an plus tard.

Les restes de notre géant furent remisés dans un coin du grenier communal d’An- derlues; des témoins se souviennent de les avoir vus. Mais, ce côté du grenier fut ensuite démoli. Et on cherche encore… Peut-être Saint-Lambert n’est-il pas tout à fait mort ?

A.M. MARRÉ-MULS.

D’après les informations recueillies auprès de :
Madame L. Clincke-Adam,
Madame L. Annino-Cavalierato-Hecq,
Monsieur Albert Busez,
Madame S. Dartevelle-Willame,
Madame J. Leloir-Demeuter, Madame C. Petitjean-Bouton.

Nous joignons un texte dû à la plume de Camille Overloop et qui rend bien l’atmosphère de la kermesse… Rappelons que Camille Overloop, né à Carnières en 1883, était un ouvrier autodidacte, bibliophile qui était devenu bibliothécaire de l’Instruction Populaire.
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