Dans le Feuillet Carniérois n° 87, Lily Faes et Désiré Paul ont livré la biographie du R.P. Georges Dufonteny. On y lit que né à Carnières en 1882, dans une ancienne famille carniéroise, il est entré au noviciat de la Congrégation des Rédemptoristes à Saint-Trond et a été ordonné prêtre en 1906. En 1907, il part en mission au Congo. Il y fera beaucoup de conversions au catholicisme et exercera son apostolat jusque vers 1930. Il décèdera à Toulouse en 1956.
Si on le mentionne, c’est parce qu’il nous a laissé un très bon texte : « La sorcellerie dans les pays de mission » publié dans « Rapports de la XIVe semaine de missiologie de Louvain », Paris, 1934. Avec beaucoup de clairvoyance et d’érudition, il y dénonce les effets pervers de la sorcellerie au Congo et il fut d’ailleurs un des premiers à dénoncer le Kibanguisme (1).

Après la grande guerre de 14-18, de nombreux mouvements nationalistes se sont montrés au grand jour an Afrique.
Les Africains voulaient s’affranchir des gouvernements coloniaux et de l’influence européenne et leur but était de laisser l’Afrique aux Africains.

Ces mouvements nationalistes étaient tous politico-religieux ; leur doctrine et leur morale étaient l’amalgame des différentes religions comme le christianisme mais aussi l’islamisme et bien sûr, le paganisme. Le fanatisme se devait d’y figurer.

Le sorcier (2) était le plus apte à exercer le rôle de meneur dans ces mouvements et de créateur d’une religion nouvelle capable de rassembler tous les esprits. Il aura des assistants, initiés par lui pour traiter directement avec la foule des profanes, soit pour les guérisons, soit pour les immunisations.

Le nouveau culte est en fait un christianisme amoindri, basé sur l’Evangile, avec la consigne d’observer le dimanche et le mercredi et de respecter la loi sur le vol et l’adultère. Mais il y surtout, l’obligation de briser tout contact avec l’Européen : défense d’aller dans les dispensaires européens, de se servir de médicaments européens, de vendre ou d’acheter à des Européens. Au début, il y avait même interdiction de payer les taxes et les impôts mais l’Administration civile a réagi bien vite !

Il y avait des cérémonies secrètes, des écoles indépendantes, des scènes d’hystérie et des chants révolutionnaires. Les grandes séances secrètes, organisées au fond de la forêt, au milieu de la nuit, avec le sorcier bien sûr, se faisaient toujours avec des cérémonies sur des malades et même des morts. La guérison et la résurrection dépendaient de la foi de la famille et exigeaient bien entendu des dons et des sacrifices d’animaux; mais on y entendait aussi des chants révolutionnaires et des discours contre la domination des Blancs.

Il est clair que des cérémonies de ce genre faisaient une grande impression sur les Noirs qui ont tous un fonds superstitieux. Le sorcier était l’âme de ces mouvements de rébellion, chargeant ses neneurs d’une pseudo mission divine. Mais le sorcier restait le maître le la partie rituelle de la religion africaine; on avait encore recours à ui pour les cas importants, pour les sanctions à donner, pour le poison administrer, pour les sorts à jeter, pour la terreur à exercer.

Les nouvelles religions vont connaître une extension assez surprenante.

La première cause en est « l’anxiété religieuse » poussant le Noir non satisfait à rechercher ce qui lui paraît le meilleur dans une religion; il faut y joindre l’insubordination résultant dès avant la guerre 14-18 du libre examen et aiguisé par la poussée nationaliste qui a pénétré après la guerre dans tous les pays d’Afrique. De là naît la religion africaine.

La deuxième cause est l’absence de perspicacité, voire la sympathie, au début du moins, de l’Administration civile. En effet, au début, elle laissait faire, fermant les yeux sur ce que cette Administration appelait des « querelles religieuses ».

La troisième cause à l’extension des nouvelles religions est que les meneurs se montrent d’une habileté déconcertante. Au début, ils refusaient de payer l’impôt mais ensuite, ils semblent devenir plus « serviles » par rapport à l’Administration civile, alors qu’en fait, ils la trompent avec succès. Pour eux, le missionnaire catholique est l’ennemi naturel de la nouvelle religion car le catholicisme est une religion d’autorité et parce que cette autorité est européenne.

La quatrième et dernière cause à l’expansion de la nouvelle religion est la véritable immunité qui entoure les sorciers. Les meneurs de la rébellion sont très proches des sorciers et même s’ils sont arrêtés, on ne connaîtra jamais le nom du sorcier ; si une personne ose révéler l’identité d’un sorcier, on peut être sûr que sa famille sera exécutée. C’est pourquoi le sorcier va continuer son action nuisible et corrompre les esprits.

Le R.P.Dufonteny termine son article par un échange de vues avec d’autres spécialistes des religions africaines.



A.M.Marré-Muls


(1) Le Kibanguisme, fondé en 1921 par Simon Kimbangu, né en 1887 dans le Bas-Congo, est un mouvement religieux inspiré du protestantisme, né de la réaction à la situation coloniale. Il deviendra une grande Eglise institutionnalisée depuis 1959. Il a cependant dû pactiser avec Mobutu et renier son message politique. Au départ, Kimbangu était chef de rébellion mais pas sorcier.
(2) Le sorcier vivait à l’écart, dans une hutte remplie d’objets superstitieux, de plantes médicinales et d’ustensiles nécessaires à leur préparation. Il était redouté de la masse à cause des maléfices, des sorts, du poison qui sont les armes de sa domination. Il était considéré comme vivant en relation avec les esprits, jouissant d’un pouvoir surhumain soit sur la vie humaine, soit sur les éléments. Il était xénophobe. Le sorcier faisait peur. Par contre, les féticheurs (on en comptait 30 pour un sorcier) habitaient près du village, vivant même avec tout le monde. Les féticheurs étaient en fait plutôt bienfaiteurs et guérisseurs,



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