Le métier de taupier fait partie de ces activités séculaires liées à la vie agraire qu ont malheureusement disparu environ après 1950, suite à la mécanisation qui va conduire l’agriculture à une mutation profonde.

Il n’y a plus guère de journaliers, ni de garde-champêtre ou de cantonniers car avec les fusions des communes, les petits villages sont associés à d’autres pour former des entités qui ne sont plus rurales mais citadines.

Il n’existe plus de bouchers à domicile qui pratiquaient l’abattage du bétail à la ferme même ni de charrons, ni bien d’autres représentants d’anciens métiers liés à la terre et au bétail.

Anciennement, on rencontrait un taupier dans chaque village. Il existait même un taupier communal recruté chaque année !

Un article publié en 1934 dans la revue AZ nous en apprend un peu plus sur cet ancien métier (1).

« Le bonhomme qui s’en revient de quelque expédition lointaine a rangé sa roulotte à l’entrée du village. Sans plus attendre, il vient demander aux autorités la permission de piéger à la taupe sur le territoire de la commune. Permission qu’en raison de pullulement préjudiciable à l’agriculture, des petits insectivores, on lui accorde généralement.
Dès le lendemain, le taupier se met en campagne, la bêche en bandoulière et portant dans son sac de cuir une double centaine de pièges. Le dépistage est relativement facile. Toutes ces petites buttes arrondies et craquelées qui s’essaiment comme un peuple gris par l’étendue des champs et des pâturages sont les indices extérieurs par lesquels se décèlent le travail et la vie des taupes. Entre deux buttes, quatre coups de bêche bien appuyés découpent un carré de gazon que l’on enlève, découvrant ainsi l’étroit tunnel cylindrique, pareil à un étui, qui se faufile en multiples méandres sous l’écorce du sol. Dans la niche ainsi pratiquée, deux pièges sont placés dos à dos, présentant leur mâchoire d’acier aux orifices du couloir. De cette façon, quelque soit le sens de sa venue, la taupe doit fatalement se faire pincer.
Le taupier éparpille ainsi, par l’étendue de la plaine, son stock d’engins. Les carrés de gazon sont replacés, réadaptés dans l’ouverture, et rien ne pourrait laisser deviner les embûches tendues là-dessous.
Il n’y a plus maintenant qu’à laisser faire, laisser circuler librement, selon leur rythme habituel les tribus souterraines.

Le lendemain, dès les premières heures du jour, le taupier se trouve de nouveau sur le terrain. Enlever le bloc de gazon, donner un coup d’œil à l’intérieur du petit puits, est besogne vite accomplie. Le taupier n’a plus qu’à ramasser les animaux piégés.
L’écorchage se fait sur place. Quatre coups de canif sectionnent les courtes pattes trapues et membraneuses. Et puis, d’une incision précise, le taupier fend la peau de l’animal, depuis la gorge jusqu’à la queue. En général, l’animal est laissé sur le gazon, comme nourriture pour d’autres. Seules les peaux étaient récupérées, clouées sur de minces planchettes et séchées au soleil. Leur réunion et ajustement permettaient de confectionner de beaux manteaux à la fourrure soyeuse et veloutée ».

Avant 1930, ce métier nourrissait largement son homme car un bon piégeur arrivait au cours de sa journée, à rassembler deux bonnes douzaines de peaux qui se revendaient chez un grossiste. Mais cette marchandise a connu une énorme dévaluation, obligeant souvent le taupier à exercer d’autres occupations, comme le commerce des chiffons et des vieux métaux.

A partir des années 1950, le métier a pratiquement disparu. On ne parle plus des taupiers que dans les légendes !
On attribue cela à la mécanisation des travaux agraires mais aussi à cause de la taupicine, un dérivé de la strychnine. Celle-ci a été interdite en 1998 et remplacée par du gaz toxique. C’est un produit difficile à utiliser et qui ne permet pas de récupérer les corps des taupes pour vérifier l’efficacité du traitement.
Alors il reste la bonne vieille méthode du piégeage !
Aujourd’hui le métier est devenu une profession qui a pour buts entre autres, de traiter des grandes surfaces comme des golfs, des hippodromes ou des parcs publics.

Car si la fonction séculaire de taupier a disparu sans se faire remarquer, les taupes sont toujours bien présentes.

Il reste des taupiers pour nous délivrer de ces petits rongeurs très dérangeants mais les tarifs d’intervention sont assez élevés et… le mal est récurrent !

Un article paru dans Libération du 18 novembre 2005 (2) laisse espérer que la fonction de taupier pourrait être un métier d’avenir ! Et pourquoi pas ?


A.M. Marré Muls

(1) Francis André, Le taupier dans A-Z, hebdomadaire illustré, n° 12, Bruxelles, 1934.
(2) Millot Ondine, Le retour du taupier sème la panique dans les terriers, dans Libération, 18 novembre 2005.
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