Né à Seneffe le 11 octobre 1783, charpentier de métier, il viendra s’installer à Carnières, chez sa fille mariée avec un Philippe, après la mort de son épouse et mourra à Carnières. Son destin est étonnant car en fait, il fait partie des «Médaillés de Sainte-Hélène» qui, au nombre de plus de 400.000, sont les anciens soldats enrôlés pour les guerres de Napoléon ler et encore vivants sous Napoléon III en 1857. Un très beau livre relate avec beaucoup d’humanité, la biographie de ce Léopold Nicaise au travers de campagnes napoléoniennes (1). Je vous invite à le lire et pour en donner un avant-goût, j’extrais de cet ouvrage, un chapitre très intéressant sur le tirage au sort.

A.M.Marré-Muls

(1) Boris NICAISE, Le médaillé de Sainte-Hélène, Bruxelles, 2010, 349 p. En vente au prix de 24 € chez l’auteur: 133, avenue Carton de Wiart, 1090 Bruxelles..

Annexe
Un cousin de Léopold Nicaise

« A la bataille de Vitoria (Espagne), un cousin germain de Léopold reçoit son baptême de feu. Il s’agit d’Emmanuel Nicaise, brigadier au 26ème Dragons, né à Seneffe le 27 février 1788, dernier de douze enfants, et de la troisième épouse de son père. Marié dans son village fin 1809, cet ouvrier tanneur a une fille et un garçon.
L’hiver 1812-1813, il rencontre un propriétaire cultivateur de la Somme, un homme fortuné de Rouy, à cent vingt kilomètres de Seneffe, dans le canton de Nesle : Frédéric Stanislas Loysel, 23 ans, ayant tiré en 1810 un mauvais numéro de conscription, est à présent mobilisé, et se cherche un remplaçant.
Emmanuel, de deux ans son aîné, se laisse tenter par les 5.510 francs (1) mis sur la table par le Français. Il a du mal à nouer les deux bouts, sa famille est pauvre; voilà l’occasion d’améliorer leur condition.
Notons que ce prix est dans la moyenne des prix pratiqués en France en ce moment, pour les contrats de remplacement.
Mais, fin de cette année, la « cote » va grimper vers les 9.000 francs, pour atteindre peu après parfois 12.000! On ne peut pas vraiment crier à l’amaque ; simplement, Loysel n’a probablement trouvé personne dans son département pour signer un tel contrat.
Gageons qu’étant instruit, Loysel est au fait des revers de l’armée impériale, de l’actuelle retraite de Russie et de la débâcle espagnole qui s’amorce.
Emmanuel, moins, et sûrement pas dans les détails. Le peu qu’il en sait lui fait espérer que tout cela sera bientôt fini. Enfin, la paix.
S’engager est risqué, mais le moment est peut-être bien choisi, surtout avec deux hectares à la clef ! C’est juste un pari sur l’avenir comme d’autres en ont fait. Qui n’essaie rien, n’a rien.
Comment aurait-il pu savoir ? Les seuls papiers qu’on lit (quand on le peut), au village, sont les affiches d’avis ou de vente placardés, vite arrachés. L’almanach est consulté par certains pour connaître les dates de foires et de marchés. Et c’est tout, hors le Bulletin de la Grande Armée, lu obligatoirement dès sa réception par un agent municipal, puis à nouveau le dimanche à la sortie de la messe : la belle source d’information que voilà !
Le système de remplacement, interdit par la Révolution par souci d’égalité, a été définitivement installé par Bonaparte le 8 mars 1800, pour apaiser les classes possédantes, soutien majeur du régime.
Peu de remplaçants sont mariés; c’est pourtant le cas ici.
En 1813, ces contrats concernent 5% des conscrits, contre le double cinq ans plus tôt: conséquence à la fois des levées massives des années précédentes, et de l’angoisse face au risque… de mort ! Les deux hommes se retrouvent devant le notaire Gilmont, à Seneffe, le 14 février 1813.

Le patron d’Emmanuel, le maître-tanneur seneffois Adrien Norbert Laurent, reçoit l’argent de Loysel. A charge pour lui de verser à son ouvrier 5% l’an sur la somme, de trois mois en trois mois, pendant deux ans, aux termes desquels, s’il n’a pas déserté ni bien sûr été refusé à l’engagement, Emmanuel recevra l’argent, et ce même s’il est réformé au cours de ces deux ans. Par défaut, l’argent retournera à Loysel.

Six semaines plus tard, au milieu des jeunes conscrits du département de la Somme, notre cousin intègre son régiment d’affectation, où il est promptement engagé…

Trois ans et demi plus tard, son épouse présente un courrier reçu d’Emmanuel, daté de trois mois après « le contrat du diable » : le 15 mai 1813, il fut envoyé de Saintes, où il était caserné à l’Abbaye-aux-Dames en Charente Inférieure.

Emmanuel, soldat au 26eme Dragons (il sera brigadier le 20 mai), dit vouloir que s’il meurt avant deux ans l’argent soit donné par Laurent à sa femme, pour qu’elle en garde le quart, et que ses enfants aient le reste. Sa femme en touchera les rentes tant qu’elle vivra avec ses enfants, mais pas si elle se remarie ( de sorte que des enfants d’un autre lit n’aient pas les fruits de son sacrifice). S’il survit, tout lui reviendra, à l’exception du quart, qui restera toujours à sa femme…

Enfin, le 4 novembre 1816, sous régime hollandais, est certifié devant notaire que Marie Joseph Valentin, épouse d’Emmanuel Nicaise « absent », reçoit d’Adrien

Norbert Laurent…580 francs, « un quart de la somme due selon le contrat de 1813, le restant devant être touché en conformité des dispositions dudit contrat, avec intérêts de 5% l’an ».

 Jamais, n’arriva un acte officiel de décès. »

Jamais non plus, le solde de l’argent du « contrat du diable » n’a été versé ni à l’épouse, ni aux enfants d’Emmanuel Nicaise. 580 francs, c’est donc le prix du sacrifice humain d’un époux et d’un père…

A.M.Marré-Muls

(1) La valeur de deux hectares de terres labourables!

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