On sait que Carnières faisait anciennement partie de l’abbaye de Lobbes, Cette dernière comptait, vers le IXe siècle, seize à dix-sept pagus ou circonscriptions rurales, divisés eux-mêmes en 184 villas ou domaines. Mais le nombre allait aller progressivement en diminuant. Dans le pagus Heinaensis : Carnièras. On aura traduit immédiatement. Dans le Hainaut ancien : Carnières…

Chaque villa constituait, comme dans les autres monastères bénédictins, un rouage essentiel dans l’organisation économique domaniale. Il fallait compter alors avec des corvées, mais aussi avec les dimes. La dime de Carnières allait, dans son entier, à Lobbes. C’était là, pour les moines, un droit très appréciable: les redevances qu’il engendrait étaient en proportion des revenus du sol et croissaient avec les progrès dans les méthodes de culture.

Mais il faut surtout citer ici une autre source de revenu tout à fait considérable et assez originale : les bancruces ou Bancroix. Le 25 avril de chaque année, jour de la fête de l’évangéliste saint Marc, les fidèles de 72 paroisses voisines de Lobbes, probablement un homme par ménage, se rendaient en procession vers l’église monastique de Saint-Pierre à Lobbes. Pèlerinage obligatoire, ils laissaient, au patron du sanctuaire visité, les réglementaires offrandes: un pain et une obole. Et deux oboles faisaient denier…

L’origine des Bancroix est somme toute secondaire, et d’ailleurs discutée. Leur source est-elle à trouver dans les pèlerinages faits au tombeau des Apôtres par les délégations des peuples victimes des invasions des Goths et des Huns au IVe siècle ? Gît-elle de façon immédiate dans l’épiscolaires ordonnances ou est-elle dans la perpétuation du souvenir de la conjuration miraculeuse d’un fléau naturel ? Peu importe.

Toujours est-il qu’au nombre de ces 72 paroisses, dans le doyenné de Binche, il y avait Carnières. Mais qu’on se rassure : nos nouveaux concitoyens de Mont-Sainte-Aldegonde et de Morlanwelz étaient, avec les ouailles de 40 autres paroisses, astreints à des redevances supplémentaires, dites consortiae et maillae.

Les Consortiae étaient une imposition en nature, proportionnée à l’étendue de culture. Une charruée (ou étendue de terre telle qu’il faille une charrue pour la cultiver) devait un sétier d’avoine (cette mesure ancienne de capacité pour les grains faisait entre 150 et 300 litres). Une demi-charruée un demi-sétier. Une bêchée (ou portion de terre qui ne requiert que la bêche, sans autre instrument aratoire pour la cultiver), devait un quart de sétier.

Les maillae ou mailles étaient une redevance en espèces, de la valeur d’une obole.

Le pain et l’obole traditionnels des bancroix se répartissaient entre les religieux et les chanoines de Saint-Ursmer. De la part qui revenait aux chanoines, deux tiers étaient affectés à leur mense, le reste allait au coustre de l’église capitulaire pour le luminaire. Moines et chanoines se partageaient aussi les sétiers d’avoine des consortiae. Deux tiers revenaient aux premiers qui en faisaient de la bière. Le troisième tiers restait aux seconds. Enfin, on attribuait l’obole des mailles exclusivement au coustre de l’église monastique. Il se défrayait ainsi de son obligation de fournir le pain et le vin nécessaires à la célébration de la messe.

Bernard CHATEAU.

D’après le livre « L’abbaye de Lobbes depuis les Origines jusqu’en 1200 », étude d’histoire générale et spéciale par Joseph Warichez, assisté de Désiré Van Bleyenberghe,
Accueil » LES BANCROIX