En 1537, François Ier ravage tout le sud du Hainaut qu’il prétend confisquer à son rival Charles-Quint. Celui-ci, de sa résidence d’Espagne, demande à sa sour Marie de Hongrie, notre Gouvernante depuis 1530, de lui trouver l’argent nécessaire pour lever une armée devant faire face à l’invasion.

Le 23 mars, Marie réunit les Etats Généraux à Bruxelles et estime avoir besoin de 200.000 Florins Carolus par mois, pendant 6 mois.

Elle suggère un mode de prélèvement: 1 Florin Carolus pour « chascune cheminée venant hors le tois ou trou portant fumée ».

Les Etats du Hainaut, réunis à Mons le 5 avril, réagissent avec mauvaise fortune à cette demande. Le Clergé, la Noblesse et les Villes se dérobent, trouvent l’impôt trop injuste et surtout mal réparti. On suggère pour les villages une imposition en rapport avec l’état de fortune de chacun, décroissant du « Laboureur au Pauvre ».

Cette même année, un nommé Thierry du Mont est commis à cette enquête et à la recette de l’impôt. Après un examen très sommaire, il estime que Carnières est redevable de 50 livres 8 sous résultant de son calcul :
3 cheminées à 40 sous
24 cheminées à 30 sous
14 cheminées à 12 sous.

Cette levée d’impôts est précipitée et dans certains villages du Comté donne lieu a fraudes et abus; à preuve, certains commis se retrouvent bel et bien en prison à Mons en 1540.

C’est en cette année que le Grand Bailli du Hainaut: Philippe de Croy, Duc d’Aerschot, désigne deux commissaires pour parcourir ses domaines, recommencer un dénombrement plus exact et s’enquérir de la conduite des sergents collecteurs des aides.

Jehan Mauret, Clerc à Mons, un des deux commissaires choisis, vient visiter Carnières et se met à la tâche. Il divise la population en 3 classes : les Laboureurs, les Louagers aisés et les Pauvres.

Les Archives de l’Etat à Mons conservent un document, sauvé du sinistre de 1940 grâce à la collaboration miraculeuse du Professeur Maurice Arnould : il concerne le relevé nominal des villages de la Prévôté de Binche.

fac-similé de la première page du recensement de J. Mauret (c) AEM Mons


Carnières y est ainsi décrit :

Laboureurs
Valentin le Parfaict 1 cheminée
Philippe Libert – Mayeur 1 cheminée

Louagiers et Héritiers aisés
Jaspart de Somberghe
La veuve Jehan Anceau
Jehan du Sart
La veuve Jehan de Nalenne
Pierrart de Tournay
Pierart des Hayes – dit Benzo
Jehan Morteau le Joue
Colart le Keux
Jehan des Hayes
Alixandre le Berkier
Margherite du Fayt
La veuve Abraham Corps Vaillant
Jaspart Alart
Pierart le Keux
Jehan Detournay
Hubert le Sauvaige
Jehan Debaudour
Jehan Hecque
Denis Fricot
Colart Debaudour
Janin Serenne
Jehan Waussart
Pierart Somberghe
Hubert le Clerc
Jérôme Martinasse
Pierart Descamps
Germain Estievene
Josse le Riche
Bauter Tenne
1 cheminée et
Martin Scarmur
2 cheminées

Pauvres
La veuve Colart Stasse
Martin Boislevin
La veuve Pasquier de le Derée
Hubert le Berlier ET La veuve Gilliart Sacquin
La veuve Estièvene le Clerc
Pasquet le Sauvenier
La veuve Alixandre le Clerc
Colart le Rollier
Gertrud du Bos
Jehan Hotteau
Jacques du Sart
Jehan Compaing
Pasquier Claes
Heunotte Bouccorre
Joss de Quertaymont
Polet Nauet
Pierecquin Navez
Jehan Sery
1 cheminée

Quant aux maisons de Pierart Blondeau, la veuve Colart Claboteau, Jossequin Descamps, Habelo de Seneffe et Pierart Hecque — à cause que faites depuis l’assiette des cheminées : néant.

Somme de ce recueil : 61 livres 6 sous
et ils ont payé : 50 livres 8 sous (à Thierry du Mont)
resterait pour eux deux : 10 livres 18 sous.


Comme on peut s’en apercevoir, l’orthographe des noms est mal définie, même vague et fait penser à des sobriquets plus qu’à des noms de famille. Cependant il n’y a aucun doute que partant de ces appellations, les patronymes se fixèrent par après dans les Registres Paroissiaux, soucieux d’une filiation précise.

Si l’on tient compte du fait que ce recensement ne comprend pas le Seigneur du Village : Baldwin de Carnières – le Pasteur : Thomas le Corbisier — l’hôpital et ses aides, et que l’on ne trouve pas non plus le Seigneur d’Ayremont : François de la Haye, ainsi qu’une douzaine de feux qu’il est raisonnable d’attribuer à cette partie du village faisant partie du Duché de Brabant, estimant à 6 habitants en moyenne ce que représente « un feu », parents et enfants compris, il nous est permis d’affirmer que notre population devait être comprise entre 400 et 450 habitants.

J’estime cependant que le relevé de J. Mauret ne reflète pas entièrement le vrai Carnières; on ne trouve aucune trace dans le dénombrement, de la fameuse famille Hacquardeaux qui a vécu sur notre sol depuis au moins le 15e siècle: N’était-ce pas l’ancêtre qui, en 1404 avait échappé, avec un nommé Joncret, à la célèbre peste qui laissa le village avec deux survivants mâles ?

D’ailleurs, des Greffes Scabinaux datés de 1540, ont comme signataire : Jehan Hacquardeaux – Echevin.

La fraude fiscale n’est pas née d’hier !

R.B. Feuillets n° 4, octobre 1973

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