Origines de l’héraldique

Des représentations symboliques et décoratives semblables à celles de l’héraldique furent utilisées comme emblèmes nationaux ou tribaux depuis l’Antiquité, notamment par les Romains. Plusieurs théories avancées pour expliquer l’origine des armoiries médiévales européennes furent rejetées par les historiens. La filiation avec les emblèmes de l’Antiquité fut longtemps mise à l’honneur (2).

Les armoiries

Perdus dans l’immense cohue des années de la croisade, pour pouvoir se faire reconnaître de leurs gens et les rallier autour de leur bannière, les chevaliers décorèrent leur écu, leur cotte, la flamme de leur bannière d’emblèmes distinctifs, infiniment variés, peints ou brodés en couleurs éclatantes. Les boucliers primitifs étaient soit en métal, soit en bois ou recouverts de fourrure. Les métaux employés furent le fer ou le cuivre; l’héraldique disposa, en conséquence, de deux métaux correspondants: l’argent et l’or. Pour peindre les boucliers, on ne disposait que de pigments naturels.
La forme du bouclier et par ce fait du blason ne fut pas de tout temps le même; vers l’an mille, il se présentait en forme d’amande ou de triangle. Du XII au XIV° siècle, le blason adopte une forme que nous lui connaissons actuellement en triangle isocèle avec les côtés incurvés
L’origine orientale des armoiries semble indubitablement attestée par l’étymologie des principaux termes consacrés par le vocabulaire héraldique et leurs significations. Les noms des émaux: or signifiait richesse, tol, sagesse, constance; argent, pureté, innocence, virginité; sable (noir), science, force, modestie, affliction, franchise; gueules (rouge), courage, hardiesse; azur (bleu), majesté, beauté, déni de la vérité; sinople (vert), espérance, abondance; pourpre (violet), dignité, abondance. Les fourrures grandeur et autorité. La juxtaposition de ces couleurs donne naissance à de nouveaux symboles comme, l’or et le gueule, la prudence; l’or et la sable, la fermeté.
Par la suite, les armoiries furent conservées, comme symbole de gloire, par les descendants des héros de la Croisade, elles constituèrent une part du patrimoine héréditaire des familles nobles. Ainsi, le blason devint bientôt le signe, l’image de la noblesse bien que celui-ci ne fut en aucun cas une preuve de noblesse, même les manants et les bourgeois pouvaient posséder des armoiries.
Pour différencier les membres d’une même famille, on a du créer des sujets différents et les disposer sur les blasons. En principe, seul l’aîné, héritier du nom et des armes, avait droit au blason de son père après la mort de celui-ci. Tant que son père vivait, il portait les mêmes armes que lui mais il devait les différencier soit en changeant une ou plusieurs pièces ou meubles (sujets du blason), soit en modifiant les couleurs. Cela s’appelait une brisure.
Les fils puînés devaient en tout temps briser les armes paternelles; les filles non mariées portaient celles-ci, dans un écu ovale ou losange et, après leur mariage, elles les combinaient souvent avec celles de leur époux.
On sait que Robert de Carnières frère de Gossuin, en 1297 possédait un sceau avec une brisure car il était chargé en son centre d’un signe mal discernable.

Ornements extérieurs

Le casque, qui accompagne naturellement l’écu dans la représentation d’un guerrier, fut ajouté aux armes à la fin du XII° siècle. Les casques des chevaliers et des princes furent représentés de face, et ceux des pairs et des gentilshommes, de profil.


Le cimier est la plus ancienne décoration des armoiries extérieures. Il indiquait le rang du porteur, mais servait aussi d’emblème permettant de rallier les soldats durant la bataille. En héraldique, le cimier est représenté attaché au-dessus du heaume. Il repose sur une couronne formée d’une torsade du principal métal et du principal émail de l’écu. Le cimier évolua au cours des générations. En 1375, celui de Guillaume de Carnières était fait d’un heaume surmonté de deux cornes de bœuf avec une aigrette au milieu. En 1427, celui de Jehan de Carnières était fait d’un heaume surmonté d’une aigrette entre deux ramures de cerf.
La devise apparut à la fin du Moyen-Age sur les emblèmes. Il s’agissait parfois d’un simple mot, le cri de guerre du porteur, généralement le nom de la souche originaire. La devise proprement dite était une phrase ayant trait à la famille, aux armes ou au cimier Elle était inscrite sur un listel, une banderole, dans un rouleau au-dessus du cimier ou en dessous de l’écu. D’après Madame Ponette-de Carnière, la devise des seigneurs de Carnières aurait été « CROIX ».
D’abord volant de tissu protégeant le casque de la chaleur du soleil, le manteau devint par la suite un élément plus décoratif et fut représenté dans les couleurs principales de l’écu. Les supports sont généralement des figures humaines ou des animaux, placés de chaque côté de l’écu. Leur emploi se développa à l’époque moderne mais resta purement ornemental, même s’ils furent utilisés par les chefs de clans et d’armes
La couronne, le diadème et la mitre sont des accessoires des armes habilitées à les porter. Tout collier ou insigne d’un ordre auquel le porteur a droit est également représenté.

Le sceau

Les premiers siècles, tout au moins de la période féodale, furent une époque d’ignorance profonde et à peu près générale. En dehors du clergé, peu de gens étaient capables d’écrire leur nom. Or, à cette époque, des actes de la plus haute importance (des chartes, des contrats, des règlements officiels) demandaient à recevoir les marques d’une authenticité irrécusable, l’empreinte d’un sceau prit la place d’une signature. «La reproduction en cire ou en métal d’un objet propre et spécial à celui qui s’en sert, fixée à un acte pour l’authentifier est ce qu’on appelle un sceau. La personnalité et la permanence, c’est-à-dire l’usage répété, voilà ses caractères essentiels». Le sceau était un objet précieux qu’il importait de garder avec soin et de ne pas laisser tomber entre des mains étrangères. Au XIII® siècle, s’établit l’usage du contre-sceau dont la marque était destinée surtout à corroborer l’autorité du sceau.

Les seigneurs de Carnières et leurs sceaux

Morand de Carnieres, chevalier croisé, selon l’historien et avocat Gonzales Decamps, né vers 1050, il aurait participé à la première croisade de 1095 à 1110. Il faisait partie des jeunes seigneurs qui participèrent à une joute organisée par les jumeaux de Trazegnies Jean et Gérard, fils de Gillion de Trazegnies (1). Son sceau aurait été d’or au sautoir de gueules, car les premiers croisés portaient une croix rouge, sur leurs habits blancs, ce qui permettait de les différencier, des autres pèlerins Ce sautoir pourrait être une croix de Saint-André de gueule.

Robert Il de Carnières, fils de Robert I, chevalier, seigneur de Carnières de 1161 à avant 1190.

Robert III de Carnières, fils de Robert II, chevalier, seigneur de Carnières vers 1193 à 1221.

Une matrice en cuivre se trouve au château d’Ecaussines-Lalaing, il était comme suit : de… aux sautoir de…, au canton sénestre de.., à une étoile à six rais de.., légende : + S. ROBERTI. DE CARNIERES. (fig. 1)

Cette matrice daterait du XIIe siècle ou du XIIIe siècle. C’est la plus ancienne représentation des armoiries des seigneurs de Carnières qui subsiste à ce jour. Nous ne pouvons pas préciser si c’est le sceau de Robert III ou de Robert IV.

Gossuin de Carnières, fils de Robert IV, chevalier, seigneur de Carnières et de Mont-Sainte-Aldegonde de 1286 avant 1313.

En mai 1294, il scelle un acte du bailli de Hainaut, son sceau était, de … à trois écussons chacun au sautoir, légende : … GOSSVIN… ERES. (Gossuins de Quarnieres) (2) (fig. 2).

En 1297, de même, légende: + S… GOS… INI DE…VER. (fig. 3).(3).

Le contre-sceau qui accompagne le sceau de Gossuin de Carnières dans cette charte est une intaille antique, sans légende, représentant un bœuf marchant à droite, derrière se dresse un arbre (4).

La brisure sur son sceau devait très certainement être un lambel d’argent. Décrit comme suit : d’or au sautoir de gueule, et en chef un lambel d’argent à trois pendants brochant.

Robert dit le jeune de Cranières, écuyer, fils de Robert III, cité de 1285 jusqu’à sa mort survenue à Courtrai le 11 juillet 1302, à la Bataille des Eperons d’Or. En 1294, très cassé, il ne reste que la partie dextre du haut de l’écu, on distingue un écusson au sautoir, fruste, légende : … … … RE (5).

En 1297, son sceau etait : de … à trois écussons, chacun au sautoir, chargé en cœur de … (assez fruste), légende : … OBIER DE C……. (6).

En 1302, avec son frère Gossuin, ils scellent un acte, comme étant hommes de fief du comté de Hainaut, le sceau de son frère Gossuin est tombé. Comme suit, au sautoir, chargé de cinq …… (très cassé) (7).

Jehan dit le Jeune de Carnières, fils de Gilles ou Gillion, commandeur de Beaulieu-lez-Valenciennes de 1347 à 1374. Il est dénommé comme frère de cette communauté depuis 1347.

Le 9 février 1374, son sceau de cire verte était : dans le champ du sceau, rond sous un dais, Saint-Jean tenant de la gauche un agneau pascal, accompagné à senestre, d’un personnage (prêtre ?) agenouillé, et à dextre, d’un écu à la croix, légende : S FRERE JEHAN DE CA…….RES (8).

Gilles dit Hiernut ou Hernus de Carnières, fils de Guillaume, écuyer, bailli de Havré de 1403 à 1430 date de sa mort. Il scella bon nombre de quittances portant son sceau comme suit : en 1410, de… au sautoir de… en chef d’un signe mal discernable, très certainement une fleur de lys (Fig. 5).

Décrit comme suit : d’or au sautoir de gueule, accompagné en chef d’une fleur de lys d’argent.

Guillaume de Carnières, fils de Gilles ou Gillion, chevalier, seigneur de Carnières avant 1352 à 1385. En 1375, il utilisait comme scel, un sceau avec arcature gothique, armoire penchées surmontées d’une heaume, cimier deux cornes de bœuf avec une aigrette au milieu, légende : GUILLAUME DECARNIERES. Un exemplaire de ce sceau existe encore au château d’Ecaussinnes-Lalaing, il est fait d’une cire rose clair ou blanche.

Jehan de Carnières, fils de Guillaume, chevalier, seigneur de Carnières et de Mont-Sainte-Aldegonde de 1401 jusqu’au 8 août 1459 date de sa mort à Carnières. Il était aussi seigneur d’une partie de Ressaix le 20 mars 1452 (9). Il scella de ses armes, le 22 juin 1427, la reconnaissance par les Etats de Hainaut du duc Philippe de Bourgogne en qualité d’héritier du comté, avec un sceau identique à celui de Gullaume de Carnières. Cet écu portait : un sautoir, penché, timbré d’un heaume cimé dans un encadrement gothique, légende; S: JEHAN : SIRE : DE : CARNIERES (10) (fig. 6).

A la même date il utilise pour sceau : Ecu portant un écusson au sautoir chargé d’une brisure (un annelet) en cœur, penché, timbré d’un heaume cimé d’une aigrette entre deux ramures de cerf. Légende : S : JEHAN : DE : CARNIERES (11) (fig. 7).

Décrit comme suit : d’or au sautoir de gueule, en cœur un annelet d’argent.

Baudouin de Carnières, fils de Warnier, chevalier, seigneur de Carnières de 1503 à en 1551, date de sa mort présumée. Il était présent le 22 novembre 1528, à l’Assemblée des Etats du Hainaut. A cette occasion, on fît une représentation de tous les membres (12). Sur cette représentation on voit Baudouin de Carnières tenant une bannière et son blason d’or au sautoir de gueules (fig. 8). Il portait comme blason, au milieu du XVIe siecle, d’or au sautoir de gueules.

Sceau des Echevins

Les armoiries des villes sont nées du fait que l’on élargissait la famille du lieu avec la communauté entière, et de ce fait on pouvait prouver son appartenance à un groupe humain. L’emploi d’un sceau échevinal particulier à chaque localité se généralisa et, en 1534, une ordonnance de Charkes-Quint prescrivit que, pour être valables, les actes communaux devaient être munis d’un sceau scabinal. La plupart des échevinages qui n’en possédaient pas encore se firent, à cette époque, graver des sceaux portant les armes de la seigneurie dont ils relevaient.

Il arrivait que lorsque la seigneurie changeait de mains le sceau aussi venait à être transformé, comme on peut le voir avec la famille de Rochelée de Montjoie et de Maillard.

Les échevins de Carnières possédaient, dès avant 1563, un sceau au sautoir. Description: écu à un sautoir, accompagné en chef d’un annelet. Légende : S. essevinal de carnier. (Fig. 9).

Les archives de Mons possèdent plusieurs de ces sceaux datant du 22 novembre 1563, du 14 mars 1558, du 30 septembre 1625 et du 6 avril 1557 (13).

Le greffe échevinal contenait aussi plusieurs exemplaires entre autre ceux datant du 28 juin 1605, du 10 avril 1632, 12 mars 1647 et du 20 avril 1666 (14) (Fig. 9).

La seigneurie Haut-Justicière de Carnières appartient successivement à la famille de Carnières, et après le décès du dernier seigneur du nom, par descendance féminine, aux familles de Senzeilles, de Rochelée de Montjoie, de Druyn de Rosey, de Lynden, de Mirbicht (Mirbach), de Maillard de Landres, et ensuite, par vente de la terre, aux familles Boele, de Sart et du Chasteler.

Armoiries des de Rochelée (ou Roxhelée) dit de Montjoye.

Les Rochelée sont ainsi écartelées, au 1er et 4e de sable semé de lis d’argent, au 2e de gueules au sautoir d’argent, au 3e coupé de gueules sur sable à trois lions d’argent couronnés d’or, deux et un. Supports : deux licornes d’argent (15) (Fig. 10) (16).

Sceau des de Maillard ou Maillart.

Scel échevinal. Ecu écartelé : aux ler et 4e, une bordure et un écusson à une bordure, surmonté d’un lion issant (de Maillard); aux 2e et 3e, un sautoir (de Carnières); timbré d’une couronne à onze perles. Supports : deux licornes. Légende : S. de carnier (17).

Acte du 20 novembre et 22 octobre 1687 du greffe scabinal de Carnières (Fig. 11).

Armoiries actuelles de Carnières

L’arrêté royal du 23 septembre 1931 a reconnu à Carnières un écu d’or au sautoir de gueules, celui-ci étant chargé en cœur et non plus en chef (comme dans le sceau dont nous venons de parler) d’un annelet d’argent (18) (fig. 12).

Stéphane Decarnières

(1) DE SAINT-GENOIS, Monuments anciens, t. 1, p. 92, Paris, Saillant, 1782. 2° v., Bruxelles, Weisscnbruch, 1806.

(2) J. Th. DE RAADT, Sceaux armoriés des Pays-Bas et des pays avoisinants, Bruxelles, Société Belge de Librairie, 1898, (4 vol.), t. II, p. 184. (3) Idem. (A.E. de Mons, Cour féodale registre I).

(3) ibidem

(4) SCHUERMANS H., Bulletin des commissions Royales d’Art et d’Archéologie, Bruxelles, Muquardt, 1872, p. 359, A.E. de Mons, Archives de Bonne-Espérance, Collection sigillographique, n° 288.

(5) DE RAADT J-Th., Idem. (A.E. de Mons, Cour féodale, registre I).

(6) Idem (A.E. de Mons, Abbaye de Bonne-Espérance). (7) Idem (Abbaye de Bonne-Espérance). (8) Idem (Chartes des ducs de Brabant, n° 2519).

(7) idem (abbadye de Bonne-espérance)

(8) Chgartes des ducs de Brabant, n°2519

(9) PONCELET E., Sceaux et Armoiries des villes, communes et juridictions du Hainaut ancien et moderne, Cercle archéologique de Mons, 1903-1908 (5 vol.), t. XXXV (1906), p. 270. A.E. de Mons, Charte des Jésuites de Mons.

(10) Archives du Nord à Lille, Chambre des Comptes

(11) ibidem

(12) CHATEAU B., Les de Carnières, dans Feuillets Carniérois, n° 34, 1981.

(13) A.E. de Mons, Archives locales, Carnières Chirographes du XVIe et XVIle siècle, cote С 2360.

(14) PONCELET E., Sceaux et Armoiries des villes, communes et juridictions du Hainaut ancien et moderne, Cercle archéologique de Mons, 1903-1908 (5 vol.), t. XXXIV (1906), P.

(15) Annuaire de la noblesse Belge, publié par le Baron de Stein d’Altenstein, 1887, 48e année, pp. 226-238.

(16) RIETSTAP J.-B., Armorial général illustré, Lyon, Sauvegarde historique, t. III, planche CLXXCV.

(17) PONCELET E., Sceaux et Armoiries des villes, communes et juridictions du Hainaut ancien et moderne, Cercle archéologique de Mons, 1903-1908 (5 vol.), t. XXXVII (1907- 1908), pp. 44-45).

(18) SERVAIS M., Armorial des Provinces et des Communes de Belgique, Crédit





Accueil » LES EMBLEMES FEODAUX DE CARNIERES