Terme désignant dans toute la région du Centre et sans doute ailleurs en Wallonie et dans le Nord de la France, les personnes trouvant le gîte et le couvert, chez des particuliers, propriétaires ou non de leur maison. On retrouve ce mot, signifiant « ouvrier en pension dans une famille », dans le Dictionnaire Liégeois de 1929 (1).
l’expression était particulièrement en vogue au 19e siècle, à l’époque de la grande industrialisation. En 1800, le village de Carnières, encore très rural comptait à peine 2000 âmes alors qu’en 1900, il était devenu une commune industrielle où habitaient environ 8.000 personnes. Cet essor démographique, pareil dans toute la région, était dû essentiellement à l’industrie charbonnière et aux établissements annexes qui en dépendaient.

Tout cela nécessitait une main d’œuvre abondante. Le nombre d’habitants de la localité ne suffisant pas, on faisait appel à des « étrangers », flamands surtout. Ils venaient généralement une semaine et recherchaient donc un logement prêt à les accueillir.

Bob Dechamps, né à Wangenies en 1914 fut un humoriste- auteur wallon à succès, qui chanta entre autres : « L’Flamin ». Il y fait parler son personnage, plutôt baragouiner, en mauvais français : « Ze viens tout droit de mon villaze… chercher une maison van pensionnaires… » Témoin oculaire et pertinent de cette habitude courante fin 19°, début 20e siècle.

Habituellement, cela se passait bien ; il y avait évidemment des « lodjeus » plus sympathiques que d’autres, certains même très sympathiques au point de séduire la femme de la maison ou leur(s) filles.

Bien souvent, le « lodjeu » était bien reçu comme d’ailleurs le dit la chanson (2) wallonne : « El’ tchanson des vérités »; « El mèyeu bouket c’est toudis pou l’lodjeu »; c’est-à-dire que bien souvent, le ou les « lodjeus » recevaient après le père de famille, la part la plus belle du repas et cela, bien fréquemment avant l’épouse !

Beaucoup de ces logeurs se sont installés à Carnières, avec leur famille ou bien en y fondant une famille.

Le cas de Victor Mathys est typique; né à Nederbrakel en 1899, boutefeu au charbonnage du Bois des Vallées, il vint loger chez Monsieur et Madame Castiau, rue du Houssu, lesquels avaient une fille, Émilia, née en 1898 qui lui plut et qu’il épousa.

Le fait d’avoir des locataires est évidemment très ancien mais dans le présent contexte, il s’agit surtout de « locataires » liés à une activité industrielle; Émile Zola dans Germinal (1885) écrit : « Maheu communiqua tout bas à sa femme une idée. Pourquoi ne prenaient-ils pas un logeur, Étienne, par exemple, qui cherchait une pension ? »

L’Administration ne manqua pas de créer de nouvelles taxes… A Carnières par exemple :
Conseil Communal du 05/02/1924 : taxe spéciale sur les maisons de logement (A.R. 26/03/1924)
Conseil Communal du 14/07/1925 et du 25/02/1926, même taxe, jusqu’au 31 décembre 1930.
Conseil Communal du 29/04/1925, jusqu’au 31 décembre, majoration de la taxe sur les maisons de logement.
Conseil Communal du 03/04/1931 : taxe communale et spéciale de 90 francs par logeur, payable par douzième et mensuellement.

De nos jours, il existe encore des travailleurs habitant trop loin de leur lieu de travail ou obligés de se déplacer beaucoup comme les voyageurs de commerce qui ont opté pour les hôtels bon marché, voire les pensions de famille.
Autre temps, autres mœurs…

C.Adam, C.Brogniet, D.Copienne, S. Decarnières, S.Magal, A.Marré-Muls, X. Marré, J.Schobijn

(1) HAUST Jean, Dictionnaire liégeois, Liège, 1929-1933.
(2) Aimablement transmise par Lily Faes
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