Lorsqu’on parle de relevailles à des jeunes, ils n’ont jamais entendu ce mot. Les « Anciens » se souviennent d’une coutume religieuse, aujourd’hui tombée en désuétude. Qu’en est-il ?

Le mot « relevailles » était le nom populaire octroyé à la bénédiction du rituel romain donnée aux femmes après avoir enfanté.

HISTOIRE

Le Rituel (1) disait « C’est une pieuse et louable coutume » qu’une femme, qui a eu le bonheur de devenir mère, vienne à l’église pour remercier Dieu et demander la bénédiction du Prêtre. La cérémonie des relevailles constitue donc une action de grâces et la glorification de la maternité chrétienne.

Dans l’Ancien Testament, la femme devait venir au temple 40 jours après sa maternité si elle avait enfanté un fils (80 jours après pour une fille) pour y recevoir des Ministres de Dieu, une purification légale. C’est-à-dire que la mère devait apporter au Temple un agneau comme sacrifice et une tourterelle comme satisfaction au péché. Le prêtre priait alors pour elle. Si elle était pauvre, à la place d’un agneau, elle offrait deux tourterelles. La Sainte-Vierge se soumit à cette Loi, alors qu’elle était immaculée, ayant conçu et mis au monde, le divin Enfant dans une inviolable virginité.

Dans le Nouveau Testament, une bénédiction liturgique remplace cette cérémonie, rappelant le geste de la Vierge Marie, qui, par humilité, se soumit à cette prescription sans y être obligée.

Mais pour les exégètes, ou spécialistes de l’interprétation de la Bible, les relevailles ne sont pas une purification mais une coutume de bénir une femme mariée après un accouchement. C’est donc une bénédiction accordée à une femme, par suite du grand honneur et de la responsabilité qui lui échoient comme mère.

La bénédiction des relevailles est un sacramental. Parmi les sacramentaux, les bénédictions occupent une place importante. Elles comportent à la fois la louange de Dieu pour ses œuvres et ses dons, et l’intercession de l’Eglise afin que les hommes puissent faire usage des dons de Dieu selon l’esprit de l’Evangile.

CEREMONIAL

La mère se tient à la porte de l’église, ayant à la main un cierge allumé, bénit le jour de la Chandeleur (fête qui rappelle la présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge) • Le prêtre, revêtu du surplis et d’une étole blanche, accompagné d’un clerc qui porte le bénitier, commence par asperger la femme d’eau béni-te. Puis, il dit: « Adjutorium nostrum…, l’antienne Haec accipiet et le psaume 23 » (2). Il l’introduit ensuite jusqu’à la balustrade du chœur, en lui mettant l’extrémité de l’étole sur la main droite (3) et en disant Ingredere (Entrez).

La mère se met à genoux devant l’autel et prie pour remercier Dieu de sa maternité et des grâces reçues. Le prêtre récite Kyrie eleison…, Pater, les versets et l’oraison, puis l’asperge encore en forme de croix, en disant Pax et benediction…

Ce rite étant de droit crurial, c’est le curé qui doit l’accomplir dans l’église paroissiale; mais il peut déléguer un prêtre et les relevailles peuvent avoir lieu dans toute église ou oratoire public.

Les relevailles sont tombées en désuétude dans les années 1970 mais beaucoup de jeunes mères croyantes ont continué à réserver leur première sortie à l’église, souvent avec leur bébé.

AUTRES COUTUMES

Dans le Centre, au XIXe siècle encore, l’accoucheuse allait chercher la mère et l’enfant avec le cierge bénit de la Chandeleur allumé. Sur le chemin de l’église, la mère ne pouvait pas se retourner et le groupe entrait directement à l’église.

A Godarville, la mère devait recevoir l’eau bénite de la main de la sage femme et ne pouvait donc la prendre elle-même dans le bénitier.

En général, la mère ne pouvait pas travailler avant d’avoir accompli les relevailles.

AUTRE SENS

De nos jours, le mot relevailles a un autre sens et cela surtout en France. A l’époque de nos grands-mères, les mères pouvaient compter sur le réseau familial lors d’une naissance. Les femmes de l’entourage offraient spontanément leur aide pour aller « relever » une voisine, une sœur, une amie.

Aujourd’hui, le contexte familial et social a changé. C’est pourquoi, certains centres offrent un service de relevailles à domicile. Une assistante périnatale apporte une aide concrète dans les différentes étapes de la vie avec le bébé jusqu’à ce qu’il ait un an.

Cette aide est proposée aussi bien pendant la grossesse qu’après l’accouchement.

La tarification est établie en fonction du revenu familial.

A.M.Marré-Muls

El ralâdje

C’est le nom en wallon de la région pour les relevailles.

« La cérémonie des relevailles s’appelle èl ralâdje, retour à mèsse, èl ralâdje à l’église. Elle a toujours lieu après le baptême, soit le lendemain, soit la semaine suivante. Jusqu’alors, èl mére én’pût nin vûdi, ele fét seûl’mint s’n-ouvrâdje dins s’méson. » (4) Une vieille personne disait : « On moustroût du doûgt èl ciène qu’aroût yeû travayi avant d’ daler à l’église » (5).

« Pour la cérémonie, éle mèt sès pus bèlès lokes, vêtements, sès lokes dè dîmince. Tenant son bébé dans les bras, elle va s’agenouiller devant l’autel de la Sainte Vierge et le baise. Pendant que le prêtre r’bènit l’mé-re èt l’éfant, elle tient en main ène candêye bénite. Selon son désir et ses moyens, elle dépose une offrande.

Cette première sortie de la mère et de l’enfant est suivie, à quelques jours d’intervalle, d’ène voye, pèlerinage, à lès sangn’ què l’feme avoût promis d’chèrvi, servir, pou què s’n-acouch’mint dalisse bi-n. » (6)

Lily Faes

(1) Rituel : dans l’Eglise latine, c’était un recueil liturgique des rites accomplis par le prêtre, notamment lors de la célébration des sacrements.

(2) Et non le début de l’Evangile de Saint Jean comme le pensait Robert Dascotte.

(3) Pour certains, sur la tête ou l’épaule.

(4) FOSSOUL-RISSELIN Anne-Marie, Le vocabulaire de la vie familiale à Saint-Vaast (1890-1914), Liège, 1969

(5) DENUIT Maurice, dans El Mouchon d’Auniat, février 1965, p.33.

(6) FOSSOUL-RISSELIN Anne-Marie, op. cit.

BIBLIOGRAPHIE

DASCOTTE Robert, Religion et traditions populaires dans la région du Centre, Haine-Saint-Paul, 1982.



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