La numismatique et l’archéologie, sciences auxiliaires de l’histoire, ne sont pas ses seules sources dignes d’intérêt. Des mines de renseignements plus modestes n’en sont pas pour autant négligeables. La découverte d’un pauvre cahier de comptes est souvent d’un grand intérêt pour qui veut se pencher sur le passé.

Le cahier de P. Bughin, fermier à Carnières, en est un bel exemple. Cet agriculteur nota pendant près de vingt ans, les noms des domestiques, le salaire qu’il leur donnait et la manière dont il les payait. Les superficies cultivées, les types de cultures et les dates du début des moissons, il les consigna avec soin.

Nous pouvons constater, à la lecture de ces notes, que le salaire variait suivant la saison. La date-clef étant souvent la Toussaint. Un salaire de 30 à 35 F pendant les mois d’hiver, était porté à 40 F en été. Si le besoin d’un domestique était pressant, l’allocation mensuelle était de 50 F avec une prime d’engagement de 3 ou 5 F; P. Bughin ajoutait alors dans ses notes : « s’il termine la saison ». Le salaire d’un jeune domestique était beaucoup plus modeste : 22 F par mois; 6 F furent même octroyés à un jeune vacher en 1870 avec la mention «payé à sa mère».

Les salaires ne varièrent guère de 1869 à 1883. Dès 1884, ils sont beaucoup plus bas. Sylvain Dasselaire de « Saint-Pierre-Capelle » (1) ne reçut que 25 F pendant les mois d’été.

La paie se faisait chaque semaine : « donné 5 F le 13 septembre, 10 F le 21 sep-tembre, donné 12 F le 28 septembre, donné 26 F 25 cmes pour ce qu’il a bon jusque ce jour, le 11 octobre au soir, sorti le 11 octobro au soir, payé ».

Des comptes restaient parfois à clôturer. Ils n’étaient réglés que plusieurs semaines plus tard comme en témoigne la note portée au cahier: «Jean Dehoux, sorti le 11 août 1873 à midi, donné 100 F le 5 octobre, donné le 14 octobre 1873 à Mile Marie Michel de Manage 29 F 65 cmes pour remettre à Jean Dehoux, restant de son compte ».

Très souvent, la mention « sorti libre et quitte» termine les comptes des domes- tiques.

Enfin, il faut remarquer le peu de temps passé par les domestiques dans la ferme qui nous occupe (99 domestiques en 16 ans). Aucun élément, aucune réflexion dans les notes de P. Bughin ne nous permet d’en découvrir la raison. Etait-ce uno habitude au 19e siècle, était-ce un phénomène propre à cette entreprise agricole ? D’autres documents nous éclaireront peut-être à ce sujet.

Albert TAMINIAUX.

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