Le 21 mars 1980 décédait brutalement le Président-fondateur du CRECC, le Docteur Albert Marré.

Le 25 mars 1980, lors de ses funérailles, le docteur D. Martin, membre du Bureau des Marguilliers de la Fabrique d’Eglise de Carnières Saint-Hilaire avait ces mots : « … C’est avec tristesse qu’il avait assisté à la démolition de notre église. Depuis de nombreuses années, les dernières surtout, il ne ménageait pas ses peines pour toucher les autorités dans les négociations nécessaires à la reconstruction d’une nouvelle église. Hélas! il ne la verra pas ici-bas… et la cloche n’a pas sonné pour ses funérailles !… »

La descente de cloche avait été l’occasion pour lui d’en savoir plus sur ses origines. L’après-midi même de sa mort, il avait écrit ce texte.

Tout vrai Carniérois sait que c’est le nom donné à la cloche de l’église Saint- Hilaire construite en 1872-1874 et dont la démolition vient de s’achever fin 1979.

De nombreux concitoyens, dont moi-même, avons eu l’occasion de voir cette cloche sur son lattis du clocher. En dehors de son nom et de celui de ses parrain et marraine inscrits à même la cloche, nous ne connaissions pas autre chose.

Connaissant la date du décès du parrain, Jean-Joseph Bughin décédé en 1849 à 54 ans, je pouvais toutefois affirmer, sans autres preuves, que cette cloche était antérieure à 1874 et devait probablement provenir de l’ancienne église de Carnières désaffectée et démolie en 1874. (Voir Feuillets Carniérois, n° 9 et n° 27.)

D’autre part, une tradition orale circulait sur l’enterrement des trois cloches de l’ancienne église au milieu des « Grands Prés » (1), en 1796, à l’approche de la soldatesque révolutionnaire française qui faisait enlever les cloches des églises afin de trouver le bronze nécessaire à la fonte des canons… (Exemple suivi par d’autres en 1914-18 et en 1940-44.)

En 1903, le journal montois « La Province », sortait l’article suivant : CARNIERES – « Le Hainaut a tenu ses lecteurs au courant des fouilles faites à Bougnies grâce à l’initiative de Monsieur le Comte du Peyroux, pour retrouver une cloche enfouie selon une tradition, depuis la Révolution française. La même tradition existe à Carnières. Les anciens prétendent qu’on leur a raconté que les trois cloches de l’ancienne église ont été enterrées dans les Grands Prés à l’annonce de l’arrivée des Français.

Ceux-ci ont séjourné dans notre village, puisque c’est du Bois des Faulx qu’ils ont incendié le château de Mariemont à coups de boulets rouges.

Il est étonnant que jamais on n’ait fait de recherches dans les Grands-Prés; les cloches ont existé certainement, car on voyait l’emplacement dans le clocher de l’ancienne l’église.

N’y a-t-il personne à Carnières ou aux environs pour prendre l’initiative de ces recherches qui aboutiraient certainement, car on n’a jamais raconté que les Français avaient retrouvé nos cloches et il est certain que tous les objets de valeur ont été mis en lieu sûr avant leur arrivée ».

Notre ami regretté, Robert Balestin, persuadé de la chose, se proposait de demander au service de déminage de l’Armée, de tester ces Grands Prés !

Ce même Robert Balestin avait présenté dans le Feuillet Carniérois n° 7, une lettre du 12 juillet 1807 adressée au Sous-Préfet de Charleroi par le Maire et les membres du Conseil Municipal du Village de Carnières. Cette lettre expliquait que « la cloche de leur Commune étant cassée depuis longtemps, il était de nécessité de la faire refondre et que pour y parvenir il fallait prendre une somme sur les revenus de la Commune ».

Robert Balestin se demandait alors s’il ne s’agissait pas d’une des cloches qui avaient échappé aux Français.

Par ailleurs, Gonzales Decamps note : « C’est à l’emplacement de la Maison Communale faite en 1837, que fut fondue la cloche qui, du clocher de l’ancienne église, a été replacée dans la tour de la nouvelle ».

Tout laissa donc supposer qu’une cloche a été refondue vers 1807…

Le 18 octobre 1979, cette fameuse cloche de l’église Saint-Hilaire était descendue et l’occasion nous fut donnée de l’examiner convenablement à… ciel ouvert…; l’inscription en deux rangées, placée à la tête de la cloche, nous donne une solution : voici la transcription intégrale du texte :

* LAN 1807 LE VILLAGE DE CARNIERES MA FAIT REFONDRE FURENT PAREIN ET MARRINE JEAN JOSEPH BUGHIN ET CATHERINE LORENT + HABITANS DE CARNIERES ET MONT DONNE LE NOM DHILARINNE FAIT PAR Nas ANTOINE & SON FILS.

Cela nous livre quelques secrets :

1°) 1807 : année de sa naissance; il s’agirait donc bien de la cloche demandée par les édilités communales le 12 juillet 1807 et fondue à l’emplacement de l’ancien Hôtel Communal de Carnières. La chose ne semble pas avoir traîné.

2°) MA FAIT REFONDRE» : cette refonte indique l’existence d’une cloche plus ancienne mais aucun élément ne permet de dire que les fameuses cloches des Grands Prés ont été réutilisées. Le problème des cloches des Grands Prés reste donc entier. Il nous reste à vérifier dans les Comptes d’église de l’époque si aucune nouvelle cloche n’est signalée mais à première vue rien n’est apparu et d’autre part, les documents manquent entre 1750 et 1820…

3°) Parrain : Jean Joseph Bughin, né en 1796 et mort en 1849. Fils du mayeur Ferdinand Joseph Bughin, il sera lui aussi mayeur et cela pendant 22 ans. Marraine : Catherine Lorent, née en 1799 et décédée en 1885. Fille d’un notable carniérois fort généreux, elle sera elle aussi une grande bienfaitrice. (Voir Feuillets Carniérois, n° 27.)

Il est étonnant de constater qu’au moment du placement de la cloche Hilarine, la marraine n’avait que 8 ans et le parrain, 11 ans! La marraine qu’on appelait « Mademoiselle Catherine» et le parrain « le Mayeur Jean-Joseph Bughin», on ne les imaginait certainement pas enfants lorsqu’on les voyait en pensées assister au placement de la fameuse Hilarine !…

Docteur Albert MARRE,
Président-fondateur du C.R.E.C.C.
(1972-1980).


(1) Les Grands Prés sont un ensemble de prés et de terres à culture compris entre la rivière de la Haye, la rue du Petit Saint-Hilaire, la rue du Roujuste et le bas de la colline des Faux.

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