La maison du «Musée de la Haute Haine» a vu bien des choses et vécu bien des événements au début du siècle.

Elle a assisté à l’électrification de la ligne de tramway entre Anderlues et Morlanwelz (ce qui améliora grandement les communications entre ces localités). Malheureusement, il fallut déplorer des accidents mortels : ces voyageurs sautant du tram en marche, au carrefour entre deux arrêts consécutifs: la place et le Calvaire, eurent les jambes sectionnées.

Le 21 août 1914, elle reçut les fantassins français (en uniforme bleu foncé et rouge) se repliant de la bataille de Charleroi pour se reposer. Hélas! ils ne s’attendaient guère à être confrontés, le lendemain, aux Allemands, dans un féroce corps-à-corps à la baïonnette et pour beaucoup d’entre eux à perdre la vie sur le champ de Collarmont.

Pendant la bataille du 22 août, des balles perdues arrivèrent jusqu’à son seuil et des gens affolés, hagarcs, traversèrent le carrefour et exhortèrent les habitants à fuir pour échapper au massacre.

Après la bataille, ce sont les Allemands rescapés cu combat qui déferlèrent sur elle, telle une meute en furie.

Pendant les quatre longues années d’hostilités, elle entendit les pas lourds, résonnant sur les pavés lors du passage sporadique des troupes ennemies : des Prussiens, aux casques à pointe, des Uhlans montés sur chevaux, des fantassins délabrés, descendant du front et traînant péniblement les pieds.

Après l’armistice du 11 novembre 1918, elle accueillit, avec la population chaleureuse, les petits Belges, ses enfants en kaki, rentrant par groupes épars.

Et puis ce furent les troupes alliées, Canadiens, Américains, Anglais, acclamées qui séjournèrent et eurent grand succès auprès de la population et auprès des enfants qui les assaillirent pour obtenir quelques friandises et des « souvenirs» en l’occurrence des boutons en cuivre, arrachés à leur uniforme.

Elle se souvient aussi d’un violent incendie qui détruisit une épicerie ainsi qu’une maison voisine, situées face à la ferme Brunart. A cet emplacement, s’élèvera plus tard l’ex-propriété du docteur A. Marré.

Chaque année, aux fêtes religieuses, des processions spectaculaires défilèrent sur la rue parsemée de sable blanc très fin et de pétales de fleur; des prêtres en habits sacerdotaux portant le Saint-Sacrement sous le dais, des jeunes filles tenant en main une branche de lys, des porteurs de châsses, de statues de saints, etc., des fidèles munis d’un flambeau, suivis d’une foule nombreuse récitant à haute voix le chapelet.

Cavaliers et musique précédaient la procession qui s’arrêtait de temps en temps devant des « reposoirs» dressés contre la façade de certaines demeures.

Inévitablement, tous les cortèges funèbres partant de l’église St-Hilaire passaient devant la maison; les corbillards étaient encore tirés par des chevaux; parfois une musique interprétant des marches funèbres les accompagnait; parfois aussi des files de jeunes filles, la tête recouverte d’un long voile blanc (enterrement d’un enfant en bas âge ou d’une jeune fille) précédaient le corbillard; dans la foule recueillie et souvent nombreuse qui suivait à pas lents, on voyait parfois des Messieurs en haut-de-forme (s’il s’agissait d’un grand personnage).

Au début du siècle, la mendicité n’étant pas encore interdite, des mendiants en haillons se présentaient régulièrement pour quêter quelques piècettes, quelques vêtements ou nourriture.

Le dimanche vers 10 heures, on voyait arriver un peu avant l’appel des cloches des dames et des vieilles demoiselles (toujours les mêmes), en toilette soignée, se dirigeant vers l’église.

Le mardi, c’était le défilé incessant, aller et retour, des ménagères se rendant à pied pour s’approvisionner au marché de Morlanwelz fort bien coté.

Cette demeure faisant corps avec l’Ecole communale du Centre des garçons a du avant tout  enregistrer dans sa mémoire l’allée et venue journalière de milliers d’écoliers qui se sont se sont succédé pendant de nombreuses générations (la population scolaire se montait à environ 200 élèves en 1914).

Des garçons et garçonnets, en courte culotte, casquette sur la tête, chaussés de sabots en bois ou lourdes bottines en cuir, chargés de la « carnassière» au cos, contournèrent la vieille maison pour entrer à l’école par une porte latérale.

Ainsi pendant le premier quart du XXe siècle, cette maison a participé intimement à la vie du village et a vibré intensément avec ses habitants lors de grands moments de son histoire… elle a donc bien mérité ce devenir le « Musée de la Haute Haine ».

Madame L. ANNINO-HECQ.

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