Le tribunal de Termonde a confirmé le 26 octobre 2023 un référé à la suite d’une procédure en requête unilatérale, pris à la demande de Conner Rousseau contre Het Laatste Nieuws et VTM, leur interdisant de publier des éléments du P-V de la police de Saint-Nicolas, début septembre, suite à ses propos racistes, en état d’ébriété.
Le reportage de VTM et HLN comprenait des passages du procès-verbal rédigé à l’encontre de Conner Rousseau.
La motivation de Rousseau n’était pas absurde: le secret de l’instruction doit être respecté. Mais ce principe se heurte à un autre, constitutionnel, de liberté de la presse et d’absence de censure préalable.
La juridiction belge a tranché en faveur de la “protection de la vie privée” et du “secret de l’instruction”, contre l’interdiction “de toute censure préalable”.
Au-delà de l’émoi que cette affaire suscite dans le Landerneau journalistique, on notera que par son arrêt du 15 septembre 2011, la CEDH avait condamné l’Etat belge, pour une décision similaire.
Un reportage d’investigation qui devait être diffusé le 24 octobre 2001 dans l’émission “Au nom de la loi” du Centre de production de Charleroi de la RTBF était consacré aux risques médicaux et aux difficultés de communication entre médecins et patients. Un neurochirurgien, s’estimant injustement et gravement mis en cause, avait obtenu d’un tribunal de Bruxelles qu’il en interdise la diffusion – alors qu’il n’avait intenté aucune action contre des journaux qui avaient relayé des accusations à son encontre.
Les affaires ne sont pas identiques: le reportage ne se fondait pas sur des pièces d’une instruction en cours mais le demandeur n’était pas une personne publique, des informations avaient déjà été publiées.
Pour les juges européens, la convention européenne des Droits de l’homme stipule que les restrictions à la liberté d’expression ne sont possibles que si elles sont clairement “prévues par la loi”. Or la loi et la jurisprudence belge sont trop imprécises en la matière.
De plus, l’interdiction a priori d’un reportage doit s’inscrire “dans un cadre légal particulièrement strict” car “l’information est un bien périssable dont l’intérêt est susceptible de pâtir même du plus petit retard”, a ajouté la Cour de Strasbourg.
La Belgique avait donc violé la CEDH.
Et elle l’a fait dans ce nouveau cas d’espace, dès lors qu’un juge belge a interdit préventivement la diffusion d’un reportage qui pourrait violer les droits d’autrui. Et les éléments spécifiques du dossier “Rousseau” ne semblent pas de nature à entraver l’application de cette jurisprudence.

Le texte intégral de la Cour est ici

Bernard Chateau,







Accueil » Libertés de la presse et d’expression, vie privée et secret de l’instruction