Lucienne Desnoues
Lucienne Desnoues

Il y a 20 ans, le 2 août 2004, partait Lucienne Desnoues.

Jean Mogin-photo Nicole Hellyn
Jean Mogin-photo Nicole Hellyn

Femme de lettres, issue d’une famille de maraîchers et de charrons, et ayant passé son enfance à la campagne, elle a partagé sa vie avec Jean Mogin. Il était lui-même le fils du poète Norge. Il a été journaliste, essayiste, auteur dramatique et poète.

Elle était française. Vous lirez dans ses biographies sa parenté avec le forgeron Desnoues qu’Alain-Fournier évoque dans Le Grand Meaulnes.


Lui aimait à ce point la France et sa langue que je lai toujours cru plus français que belge.

Chanter les poètes

Alors, et tandis que la chanson à texte et les chanteurs à voix, amis des poètes, étaient à la mode, ce joli trio a été chanté par Hélène Martin, Jean Ferrat, Georges Brassens et Jeanne Moreau. Rien moins.

Jean Mogin

Le Jean Mogin dramaturge, a eu sa première pièce, « À chacun selon sa faim », créé en 1950 au Vieux-Colombier, avec Jean-Louis Trintignant.

Journaliste à l’ INR en 1944, il évoluera dans le secteur culturel, jusqu’à la Direction de la Radio, en 1974. C’est là que j’ai eu le bonheur d’être à ses côtés, professionnellement. Il quittera la RTBF, un peu fâché, en 1982 et j’ai vu Robert Wangermée réellement ému à son départ – Pan s’en fit ses choux gras (et indélicats, comme trop souvent).

C’est ce détour audiovisuel et professionnel qui m’a donné le privilège de les connaître, et quelque unes de leurs relations.

Poésie et pomme de terre

Toute la pomme de terre - Luicennes Desnoues - couverture (Mercure de France)

Dans son œuvre, aimable chemin de traverse pour une poétesse, Lucienne Desnoues s’est penchée et très sérieusement sur « Toute la pomme de terre ». Ce livre fut un vrai succès… Un grossiste en pommes de terre en avait fait son cadeau de fin d’année, m’avait-elle confié, un peu embarrassée, mais pas mécontente.

toute la pomme de terre - luicienne desnoues - dédicace

Et si je tiens toujours à l’ouvrage, c’est davantage pour sa dédicace, toute en affection, que pour la recette du hachis parmentier que je sais désormais par coeur.

Je garde aussi le souvenir de la planche pédagogique, que l’on accrochait aux murs des classes, et qui décrivait toute la botanique cachée dans ce tubercule familier: le l’avais trouvée par hasard au “Vieux Marché”, aux Marolles, et elle fit réellement son bonheur.

Lucienne DESNOUES, anthologie
Lucienne DESNOUES, anthologie

Elle avait eu le projet de rééditer cette initiative improbable autour de l’oignon.

Poèmes et poème d’amour

Comment ne pas être séduit cette femme, douce et belle toujours avec ses cheveux blancs, qui inspira à Jean Mogin ce poème, signe de leur coup de foudre éternel, « Bleu de bleu », que chantera Hélène Martin :

Quand j’ai besoin de bleu,

Quand j’ai besoin, de bleu, de bleu,

De bleu de mer et d’outre-mer,

De bleu de ciel et d’outre-ciel,

De bleu marin, de bleu céleste ;

.

Quand j’ai besoin profond,

Quand j’ai besoin altier,

Quand j’ai besoin d’envol,

Quand j’ai besoin de nage,

Et de plonger en ciel,

Et de voler sous l’eau ;

.

Quand j’ai besoin de bleu

Pour l’âme et le visage,

Pour tout le corps laver,

Pour ondoyer le cœur ;

.

Quand j’ai besoin de bleu

Pour mon éternité,

Pour déborder ma vie,

Pour aller au-delà

Rassurer ma terreur

Pour savoir qu’au-delà

Tout reprend de plus belle ;

.

Quand j’ai besoin de bleu,

L’hiver,

Quand j’ai besoin de bleu,

La nuit

J’ai recours à tes yeux.

Qui peut se targuer d’avoir eu le privilège d’une telle preuve d’amour?

Elle, elle s’amusait de vers courts, légers et facétieux.

Question d’accents

La pommes est le fruit du péché.

La pêche est le fruit du pêcher.

Comment concilier ces vérités fruitières.

Et dissiper ce peu de brume à leur frontière,

Ce conflit bizarre et léger

Entre l’Eden et le verger ?

Ou bien encore

Le kaki et le kiwi

 kaki dit au kiwi,

D’un petit ton réjoui,

D’un petit ton délicat :

« nous portons des noms en « k ».

Soyez l’ami du kaki ».

Et d’un petit air exquis,

D’un petit air ébloui,

Conquis, le kiwi dit oui.

écrit-elle dans le Compotier, en 1982.

De Bruxelles aux Alpes de Haute-Provence

Ils vivaient à Bruxelles, dans une vieille maison de style un peu anglo-normand, aujourd’hui disparue, au milieu d’un jardin un peu sauvage, rue de Stalle, en face d’une chapelle. Cette chapelle, dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours ou Notre-Dame des Affligés, s’élevait autrefois au centre de la Seigneurie de Stalle, l’une des trois entités dont la fusion donna naissance en 1795 à la commune d’Uccle. Mais le temps était passé par là. Et la voiture. Si bien que cette chapelle dût elle-même assurément beaucoup à la bienveillance divine, plantée qu’elle est encore, au milieu d’une route, conduisant à l’autoroute, qui s’écartèle de chaque côté pour la laisser exister encore en son milieu.

Mais ils avaient leur attache de coeur à Montjustin par Reillane, en Haute-Provence, où ils avaient remonté une ruine, depuis les années ’50: un repère idéal où elle et lui retrouvaient des concitoyens qui leur allaient bien dans le partage, artistes et écrivains. Henri-Cartier Bresson.

C’est là qu’ils reposent :
Elle était née le 16 mars 1921 et mourut le 2 août 2004.
il mourut à Bruxelles le 7 avril 1986. Il était né le 25 avril 1921.

Du nanan

Cette époque a été pour moi du « nanan », pour reprendre la fin de l’un de mes derniers petits mots reçus, pleins d’affectation, toujours. Et c’est une chance quand le métier permet des rencontres aussi belles, aussi riches.

J’avais à le servir et voilà qu’ils m’ont surtout beaucoup appris, beaucoup apporté.

Du nanan? Retenez que le mot nanan est issu du langage des enfants, dont ils se servent et dont on se sert en leur parlant, et qui signifie “Friandises, sucreries”Si vous êtes sage, vous aurez du nanan. Le mot est familier, et forcément affectueux. Au figuré, C’est du nanan se dit de quelque chose d’excellent. 

Ainsi, Quand il n’y en aura plus, il y en aura encore, grâce au papa Micou, qui me donnera encore du nanan si je suis gentil écrit Eugène Sue dans les Mystères de Paris. Et pour dire, au figuré, tout le bien qu’on pense d’un poème, on dira: Lisez ces vers : c’est du nanan.

Et tout est dit.

A elle, à lui, mes mercis, pour tous ces nanans offerts,

Bernard Chateau,


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