« Malgré nos recherches, il ne nous a pas été possible de trouver des renseignements exacts au sujet du costume porté pendant la période antérieure à la Révolution française. Vraisemblablement aucun détail ne caractérisait le paysan de Carnières des autres paysans de la majeure partie du Hainaut. Ce que nous pouvons affirmer c’est que le costume — tant celui des hommes que celui des femmes – était façonné grossièrement. Cependant, à l’occasion de son mariage, l’époux revêtait un habit d’un drap plus fin, taillé et cousu par quelque faiseur d’habits de Binche mais encore cet habit, le conservait-on toute la vie. On ne l’endossait qu’à l’occasion des deux kermesses annuelles, que pour les cérémonies importantes de l’existence familiale ou pour des circonstances tout à fait exceptionnelles.

La coutume de se faire habiller à Binche existait déjà au XVIe siècle, elle était également suivie par les villages avoisinants et elle ne s’est même pas complètement perdue. Au cours des siècles, elle donna lieu à des anecdotes, à des bons mots, à des chansons même.

Sur un air de Gilles, on chante encore, de temps à autre ce couplet qui date du XVIlle siècle :

A l’ducasse d’javou r’çu
D’ai sti m’rhabiie à Binche,
A l’ducasse d’javou r’çu
D’j’ai sti m’rhabiie tout nu (nũ) (*)

Le costume féminin destiné aux cérémonies familiales était façonné par quelque couturière experte de la paroisse mais à l’encontre de ce que pratiquaient les hommes, il n’était porté que jusqu’à l’âge mûr. Dès lors la femme, pour le restant de ses jours, se décidait à porter des vêtements plus simples, plus sévères ainsi qu’un bonnet de couleur sombre – généralement noir — et la belle robe des épousailles était donnée à une fille, à une nièce ou à quelque autre parente pour être portée, après ajustement ou transformation comme toilette d’apparat.

Le prix élevé des draps et des tissus, le peu d’aisance ces paysans expliquent ces soins apportés à la conservation des robes et des habits.

Après la Révolution, le tissage mécanique ayant fait des progrès notables, il fut possible d’acheter les étoffes à un prix meilleur. Par suite des idées égalitaires, à cause de l’influence française et aussi par la mise en vente des vêtements confectionnés, le costume d’antan changea radicalement. La plupart des fermiers et des paysans adoptèrent cependant la blouse de toile bleue ou sarrau qui se portait par-dessus les vêtements et la haute casquette de soie noire. Sarrau et casquette de soie furent presque complétement délaissés après 1890.

Actuellement, comme un peu partout dans le monde civilisé, les habitants tout en ne se montrant pas « up to date» suivent néanmoins les nombreuses variations de la mode; la jeune génération — même dans les classes laborieuses – affiche un souci plus grand de la toilette et les femmes — c’est inévitable — portent presque toutes les cheveux courts. »

Rappelons que l’auteur écrit vers 1925; c’est l’époque de la « libération» poussée jusqu’à l’absurde… Des femmes aux lignes efflanquées, qui ont perdu cette poitrine et ces hanches si généreusement épanouies vingt ans plus tôt, ont coupé de plus en plus court leurs cheveux plats et lisses, à la garçonne. Le corset est oublié au grenier et on commence à rechercher la sveltesse. C’est d’ailleurs l’apparition des premiers sports : bains de mer, tennis, bicyclette puis automobile, qui contribuent à laisser vivre le corps.

Quant au fait de suivre la mode, notre auteur serait bien étonné aujourd’hui… car les idées nouvelles se propagent instantanément. La robe présentée chez un grand couturier est, le jour même, connue de tous par la radio, la télévision et les magazines. Le prêt-à-porter la fabrique et la diffuse en quelques jours sur grande échelle. Qu’un chanteur porte un jour une chemise à fleurs, le lendemain, tous les jeunes et moins jeunes s’habilleront ce même. Aussi la tenue a-t-elle tendance à s’uniformiser, jusqu’à aboutir hélas, à la monotonie des jeans et vieux pull. On est très loin du début du siècle !

A.M. MARRÉ-MULS.

(*)
A la ducasse j’avais reçu
J’ai été m’habiller à Binche ;
A la ducasse j’avais reçu
J’ai été m’habiller tout neuf.
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