Le nombre des usages locaux et des fêtes se justifiait jadis par le peu d’expansion de la vie des villages, situation dont on ne se fait plus grande idée à présent que la civilisation a rapproché les habitants d’un même pays.

Deux villages voisins étaient le plus souvent en hostilité, à tel point qu’une ordonnance du grand Bailli du Hainaut avait défendu de crier « Vive un tel village!» dans la crainte des conflits armés. Carnières n’échappa pas à la règle et des rixes sanglantes éclatèrent parfois avec ceux « d’oumont» et ces habitants de Chapelle.

Avec les gens de Morlanwelz, on entretenait des rapports moins belliqueux, on n’en venait jamais aux mains mais à l’occasion, on s’invectivait et on échangeait des sarcasmes. Les habitants de ce village, à cause de la proximité du domaine royal de Mariemont, avaient eu des rapports fréquents et immédiats avec la haute noblesse et le monde ces Seigneurs. L’exemple aidant, leurs manières devinrent plus raffinées, leur esprit plus vif, leur langage plus moqueur. Cela ne pouvait s’harmoniser avec la simplicité des gens de Carnières qui traitaient de « plats pies» leurs voisins. Ceux-ci ne se garciaient pas d’attendre pour leur donner réplique et leur lancer l’épithète non moins agréable de « sots». Pour les uns, à Morlanwelz on ne comptait que des « f’seux d’imbarras »; pour les autres, Carnières incarnait une paroisse d’ignorants et de sots ou bien encore il était, comme Godarville, un village de sorcières.

Aujourd’hui (rappelons que cela se situe début du XX* siècle), Morlanwelz a ajouté à son nom celui de Mariemont. Les gens de haulte lignée ne se donnent plus rendez-vous dans le parc magnifique mais la localité s’est considérablement embellie ; elle possède de nombreux établissements d’instruction, de beaux édifices publics et privés, en un mot, elle s’urbanise admirablement. Par ailleurs, il s’y fait un commerce de détail des plus prospères. De son côté, Carnières devenue bourgade cossue, garde toujours son caractère pittoresque de jadis mais conserve malgré tout quelque chose de villageois. Son peuple est certainement aussi intelligent que celui de Morlanwelz mais malgré tout, les préventions d’antan subsistent. Morlanwelz c’est une ville, Carnières, c’est le village. Et bien souvent encore, lorsque quelque chose n’a pas l’heur de plaire à un Morlanwelzien, il ne se gêne pas de s’exclamer : « On voue bie qu’vos stez d’Carniè-res!» A quoi le Carniérien réplique: « A Morlanwelz vos volez toudis péter pu haut qu’vos nez ! »

Evicemment, toutes ces petites choses n’ont qu’une importance relative. Nous avons voulu néanmoins les consigner dans notre ouvrage, à seule fin de fixer un détail folklorique. »

A.M. MARRE-MULS.

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