La femme n’avait guère de loisirs. Non seulement elle vaquait aux entretiens habituels du ménage mais elle cousait les vêtements ordinaires du mari et des enfants, façonnait ses corsages et ses robes, raccommodait le linge et s’occupait des bestiaux et de la basse-cour. Jusqu’au commencement du XVIII° siècle, elle employait encore son temps à filer la laine.

Nous ajouterons que, de temps immémorial, la cuisson du pain lui incombait.

Avant la Révolution, celle-ci devait se faire au four banal ou « four à ban» qui se trouvait établi à Collarmont, près du Moulin du Seigneur, dénommé plus tard, Moulin Brûlé. Ce four fut démoli en 1858; c’était une construction vétuste et qui portait encore des traces de style ogival. En dernier lieu, elle servait d’écurie, de charril et de remise pour de vieux instruments agricoles. Cette ruine, aux dires des vieillards qui l’ont connue, avait un aspect mystérieux, singulier, rébarbatif. Les hiboux et les chauve-souris y avaient fait leur refuge; aussi n’était-ce qu’avec appréhension que les enfants approchaient de ces murs que les épines et les ronces rendaient presque inaccessibles et que le peuple avait baptisé Castia des Sorcières.

Le four à ban ce Carnières devait être très ancien ; il est cité dans ces actes du XVe et du XVIe siècles, notamment dans une charte du 29 janvier 1477. Il constitua à l’origine, une annexe de l’Hôpital de Collarmont mais il semble qu’après les troubles qui marquèrent la seconde moitié du XVIe siècle, il fut rebâti près du Moulin du Seigneur, primitivement propriété de la famille de Ligne.

Il ne nous a pas été permis de préciser à quelle époque et dans quelles circonstances, l’obligation d’aller cuire au four du Seigneur tomba en désuétude mais en tout cas, le four fonctionna jusqu’à la Révolution. Les femmes venaient y faire leur cutée (cuisson); elles y arrivaient avec leur monnée (sac de farine) et elles pétrissaient dans un maître (pétrin) à ce destiné. Pour épargner les frais, les ménagères s’entendaient pour cuire l’une après l’autre et profiter ainsi, en l’entretenant, du premier chauffage.

Cet usage du four banal, non seigneurial bien entendu, devait encore exister dans quelques localités de nos Ardennes, début du siècle.

Dans les siècles passés, et jusqu’en 1830, l’alimentation fut très frugale. Le pain, un pain de couleur grise, fait de farine de blé et de soil (seigle), en formait la base. La viande dite de boucherie coûtait très cher et ne se consommait que bien rarement, les paysans n’en mangeaient qu’à l’occasion ces grandes fêtes. En revanche, les légumes (ails, oignons, carottes et poireaux), le lait, le fromage, les œufs et la volaille de basse-cour étaient relativement abondants et par là, leurs prix se trouvait moins élevé. Presque toujours, dans chaque maison, on élevait un porc, ce qui permettait de préparer des salaisons. La pomme de terre fut introduite au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle; elle détrôna rapidement les féculents, pois, fèves et haricots, dont on faisait jusque là abondante consommation.

C’est à peu près à la même époque que se répandit l’usage du café. Antérieurement, un thé préparé avec des feuilles de groseiller noir (cassis) et de la cannelle, servait à la consommation courante.

De très ancienne date, on connaissait la bière et bien rares étaient les demeures qui n’en avaient en cave un tonneau. Dans les tavernes, on débitait non seulement de la bière mais du vin et de l’eau-de-vie. Quant à l’eau potable, on se la procurait en abondance aux nombreuses fontaines qui sourdaient un peu partout. Cette circonstance explique l’absence totale d’anciens puits.

A.M. MARRE-MULS.

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