« Avant la Révolution, à Carnières comme ailleurs, l’influence du clergé prédominait et la société s’imprégnait d’un caractère nettement religieux. Au cours des siècles, un seul culte s’exerça, le culte catholique et aucune tradition, aucun document ne nous révèle qu’il y eut jamais la moindre tentative pour changer cet état de choses. A l’époque des guerres de religion – comme nous l’avons vu – il y eut de nombreux passages de troupes parmi lesquelles se trouvèrent des Huguenots et d’autres protestants. Mais la violence de ceux-ci, leur morgue, leurs exactions les firent tellement craindre, qu’ils se rendirent odieux. La Réforme, à cause peut-être de cela, ne compta jamais d’adeptes dans le village.

L’esprit de la population du reste était foncièrement religieux et les non pratiquants ne constituèrent jamais que la rare exception.

Les cloches de l’église réglaient la vie quotidienne. Elles tintaient pour les offices, pour les glas, pour célébrer les baptêmes et les mariages. Quand un seigneur venait à trépasser, elles sonnaient pendant six semaines. Un événement grave ou joyeux surve-nait-il qu’elles s’ébranlaient à toute volée pour signifier ou bien qu’il fallait se tenir sur ses gardes ou bien qu’on pouvait sans crainte réintégrer la demeure désertée. Les villageois tenaient beaucoup à leurs cloches et à ce sujet ils étaient tenaces. Aussi eurent-ils de longs procès avec l’abbaye d’Aulne, décimatrice, qui tardait à les renouveler ou les faire réparer.

L’observance du dimanche était générale. On ne transgressait cette loi qu’à certai- nes époques de l’année, principalement à l’époque des moissons et encore après l’autorisation du pasteur. Chacun ce jour-là entendait la messe et beaucoup assistaient aux offices de l’après-midi. Aux XVle et XVIIe siècles, après le sermon dominical, on lisait en chaire les nouvelles officielles : perception des dîmes et des tailles, placarts de justice, décrets divers du Conseil souverain, etc… Cette coutume disparut, nous ne savons à la suite de quelle décision, dans le cours du siècle suivant.

L’ordre, à l’intérieur et aux abords de l’église, était assuré par un suisse que les comptes de mambournie nous renseignent sous le nom de chasse t’chies (chasse chiens) probablement parce qu’à l’origine, il avait mission de chasser ces animaux du temple. Il participait à l’entretien de l’église et percevait une indemnité annuelle.

La paroisse de Carnières, comme nous l’avons vu, était consacrée à saint Hilaire et une confrérie placée sous son vocable avait été constituée. Cela donna lieu à un pèlerinage qui existe toujours (N.B. début XXe siècle) mais qui fut autrefois très fréquenté. De loin on venait invoquer le saint dont on baisait les reliques. A cette occasion, comme du reste à l’occasion des grandes fêtes, des marchands de tartes et de fruits recevaient autorisation de se placer dans le cimetière pour vendre leurs marchandises. On percevait sur eux un droit qui alimentait les revenus pas bien importants de l’église.

De leur côté, les gens de Carnières, depuis le onzième siècle, se rendaient chaque année à Lobbes, accompagnés de leur pasteur, pour y faire pèlerinage et surtout pour assister à la mémorable procession des Bancroix. A une époque indéterminée, le curé n’accompagna plus les pèlerins mais ceux-ci n’en continuèrent pas moins à participer en grand nombre à l’antique procession. Les paroissiens de Carnières se rendaient encore fréquemment en pèlerinage vers d’autres lieux du pays, à Chapelle-lez-Herlaimont pour invoquer saint Germain, à Piéton pour saint Jean et dans l’Entre-Sambre-et-Meuse pour Notre-Dame de Walcourt.

Avant la destruction du château de Carnières, au XVIe siècle, les seigneurs entendaient la messe dans leur chapelle castrale. Dans la suite, une place leur était réservée dans le chœur de l’église.


A certaines fêtes correspondaient certains usages. A la Saint-Thomas, on distribuait des souliers aux enfants pauvres. Le Samedi Saint, en s’accompagnant d’une crécelle, les enfants de chœur (les chorals disait-on déjà) parcouraient le village et distribuaient la pâque (buis bénit) dans toutes les demeures où, en retour, on leur donnerait des œufs et des liards.

Des obits portaient des clauses curieuses. Ainsi le compte de l’église pour 1664 nous apprend que Paul Rucloit doit soixante-six sous francs « sur sa part d’une maison et jardin à Colarmont, tenant aux communes des trois côtés, aux hoirs Ursmer Lavendhomme pour leur fondation d’une messe de la Passion qui doit se dire le mercredi Saint à charge de donner à dix veuves présentes, à chacune douze deniers ». Jusqu’à la Révolution brabançonne, il fut permis d’inhumer à l’intérieur de l’église. Lors de la démolition de celle-ci, on estima à une trentaine le nombre de ces sépultures. Leur coût, d’un prix relativement élevé — seize livres en 1647 et douze livres en 1765 — alimentait les revenus de l’église. En outre, les frais que nécessitaient le ma-connage, l’achat et le placement des pierres tombales incombaient aux parents ou aux héritiers ».

A.M. MARRE-MULS.

Accueil » NOTES FOLKLORIQUES. RELIGION ET RELIGIOSITE.