En écrivant, dans « Le Figaro littéraire» du 20 avril 1963, de George Adam, qui venait de mourir dix jours plus tôt, dans sa jolie maison montmartoise, belle comme on les imagine, avec son petit jardin, qu’il « était né généreux, amical, dévoué, fidèle », Michel Droit, dont le visage vous est connu par le fait qu’il était le confident du Général de Gaulle dans ses entretiens télévisés au coin du feu, décrivait le personnage.

En ajoutant qu’il avait « un sens intransigeant de la dignité de l’homme », celui qui allait être Académicien français évoquait le militant, le combattant.

En précisant qu’il avait été « romancier attachant, traducteur subtil, journaliste exigeant », l’auteur de « Une plume, un micro» (Plon), résumait une carrière exceptionnelle.

Mais qui est donc ce George Adam, à qui on vient de clore les yeux, ce 10 avril 1963 et qui vivait dans ce Montmartre qui ignorait les touristes japonais, où la place du Tertre vibrait encore du souvenir des éclats de Braque et de Derain, de Modigliani et de Soutine, de Max Jacob et d’Apollinaire, de Picasso, où les affiches de Toulouse Lautrec ne se vendaient pas encore en posters, et où le Sacré-Cœur servait déjà, comme depuis toujours, de toile de fond à un village paisible, avec ses fermes et ses guinguettes, préservé comme par miracle des trépidations de la Capitale du monde : Paris.

Reprenons les choses par leur début.

C’est à Liège que tout commence pour ce jeune provincial modeste. Là, à la fin des années vingt, il fait de brillantes études d’ingénieur. Mais surtout il fréquente les écrivains liégeois, écrit ses premiers vers, publie, à Charleroi, dans « Sang nouveau» et à Liège, sous le titre « petits commerces» et « année Anvers au cœur perdu ».

Il collabore au « Journal des poètes», dont on vient, à Bruxelles, de célébrer le 50e anniversaire, et qui fit beaucoup pour la connaissance des poètes de l’entre-deux-guerres.

Mais aussi, on le voit diriger… un des premiers cinémas d’avant-garde.

Besoin d’espaces? Toujours est-il qu’en 1935, George Adam quitte la Belgique pour Paris. Il se destine au journalisme. Nous sommes bien loin de la science de l’ingénieur.

Et les choses sont ainsi faites entre la Belgique et Paris que la première ne reconnaît ses enfants qu’une fois que la seconde a reconnu leur talent. Mais Paris se les approprie bientôt, si bien que la France les croit français tandis que la Belgique ne les sait plus belges. Jacques Rouleau ou Raymond Devos, Charles Van Eyck ou Jacques Brel, Christine Okrent ou Folon, André Castelot ou René Duval, Régine ou Jean Jacques, Conrad Detrez. George Adam, aussi.

Au moment où la tourmente du monde l’écarte inéluctablement des lettres, vers lesquelles il s’était tourné dès l’âge d’homme, c’est dans l’armée française qu’il s’engage comme volontaire, en 1939, Prisonnier, il s’évade. Evadé, il entre dans la Résistance. On le retrouve alors, actif, dans la fabrication et la diffusion des « lettres françaises», des « Editions de Minuit», dans la clandestinité.

C’est à cette époque qu’il noue de solides amitiés, comme celle qui le liera à Paul Eluard, à qui il consacre son dernier article, à l’occasion du 10e anniversaire de la mort.

A l’Armistice, il opte pour la nationalité française. Et on le retrouve rédacteur en chef des « Lettres françaises» et de « Front national». Collaborateur de « Paris-presse », il anime « France Illustration», un périodique qui a fait plus, par son audace mais aussi par son tirage, pour le théâtre, que bien des publications pompeuses. Et on y retrouve deux textes cie George Adam : « Les voyageurs de l’autostrade» (1953) et « Le mystère du mobiline» (1951), des textes radiophoniques mis en ondes par la RTF. Encore l’INR n’est pas en reste et diffuse-t-elle, en 1957, un jeu radiophonique, comme on dit à l’époque, sur l’histoire de la Bande à Bonnot.

1957. L’année où il est appelé au « Figaro littéraire» par Maurice Noël. « Figaro littéraire », dont il deviendra le rédacteur en chef adjoint, aux côtés de Michel Droit, en 1962. Un an plus tard, sous sa photo, on pouvait y lire, en manière d’épitaphe : « Un extraordinaire pouvoir d’amitié». Un an plus tard, il était enterré à Gordes, dans le Vaucluse, où son épouse vit toujours.

Mais il reste bien des choses à dire.

Qu’il était fondateur de l’Union des écrivains pour la Vérité, dont il était resté le secrétaire général.

Qu’il a laissé une œuvre d’une densité certaine : « L’appel de la liberté », « L’épée dans les reins», « Souvenirs de la drôle de guerre ». Dans les « Pluvinages», publiés en 1951, il raconte le drame d’un homme aux prises avec les préjugés sociaux et la puissance aveugle des apparences. Cinq ans plus tard, il démonte, dans « Le sang de César», le mécanisme de la fatalité où un événement anodin peut fausser le destin d’un être. C’est ainsi qu’Albert Ayguesparse présente l’ouvrage cans « Le Soir » du 3 octobre 1956.

« Le roman des roses» ou « L’Amérique en liberté» sont parmi ses plus beaux re- portages, tandis que « L’Aventurier du Vénézuela» est sa plus charmante nouvelle.

Traducteur subtil? A lire absolument « Shakespeare et Cie» de Sylvia Beach, sa traduction dernière, mais aussi « Rommel », de Desmond Young.

Mais au fait, pourquoi vous entretenir si longtemps de George Adam ? Quoi, je ne vous l’ai pas dit? C’est le 16 juin 1908, dans une famille modeste, que naissait George Adam. A Carnières. Non, vraiment, nul n’est prophète en son pays…

Bernard CHATEAU.

bibliographie:
Chronique wallonne, p. 198.
« Le Figaro littéraire», 20 avril 1963.
« Le Soir», 13 avril 1963.
« Le Soir», 3 octobre 1956.

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