« BACHELIER, Armand, pseudonyme de SEIFMAN, Nathan, Salomon; journaliste, né à Bruxelles le 1er novembre 1926, décédé à Boulogne (Hauts-de-Seine, France) le 18 janvier 1983.
Une enfance à la Dickens. Né Place du Nouveau Marché aux Grains, à Bruxelles, il n’a pas deux ans lorsque son père David, ouvrier maroquinier, quitte le foyer conjugal pour ne plus réapparaître.
Plus tard, il racontera : «Parfois, un vieux juif me disait: J’ai bien connu votre père». Je lui répondais : «Vous avez plus de chance que moi ! ».
Une enfance à la Dickens
Sa mère, Tauba Fleiszaker, vend des fleurs en papier dans les rues. Le petit Nathan et sa sœur n’ont pas de jouets, jamais de vacances et s’il aime l’école, c’est qu’elle est chauffée. Et aussi, parce qu’un merveilleux instituteur à l’ancienne, Jacques Bernard, lui apprend à écrire. Sous sa férule, il conquiert le seul diplôme qu’il possédera jamais, celui de l’école primaire », c’est ainsi qu’Yvon Toussaint entame sa notice biographique dans la Biographie Nationale de l’Académie Royale de Belgique.
Et vint la guerre…
Armand Bachelier a 14 ans quand il découvre la vraie actualité : pris dans l’exode de 1940 avec sa mère et sa sœur, il était parti de Port-Vendres à bord d’un chalutier et, sous les bombardements, il avait été protégé par Victor de Laveleye.
Victor de Laveleye, une personnalité hors format, lui aussi. Volontaire de guerre pendant la première Guerre dans l’aviation, il fut avocat et journaliste. Il fut homme politique, Ministre de la Justice, Président du Parti Libéral, il gagne Londres en 1940 et s’adresse sur les antennes de la BBC à la Belgique occupée. On lui doit le « V » de la victoire que popularisera Churchill. Est-ce son sens de la formule qui formera la vocation du jeune Nathan: « lutter tête baissée pour avoir un jour la tête haute ».
A 15 ans, il balaie les bureaux londoniens de l’AFP et découvre les téléscripteurs.
Journaliste et bientôt correspondant de la RTB à Paris
Il se met à écrire, collabore à « La Marseillaise », un des organes des Français Libres en Grande-Bretagne. Quand ce journal, en désaccord avec le Général de Gaulle, émigre en Afrique du Nord, il retourne à l’AFP: il est devenu journaliste à part entière, et découvre le reportage avec la 2ème DB, de Leclerc.
Rentré en Belgique, il collabore au « Phare » de Pierre Fontaine, passe à « La Nation Belge » de Gérard de Lantsheere et, en 1956, à « La Meuse – La Lanterne » de Paul Gabriel. Ses chroniques sont incisives, ses phrases courtes, ses verdicts implacables.
Quelle époque!
En 1961, il émigre à Paris, et devient correspondant de la RTB, succombant au charme de Claude Alix, qui s’appela aussi Rita Roque, mais que l »état civil connaissait sous le nom de Paulette Vandenbroeck. Elle était compositrice, auteure, actrice, interprète – et la mère de Claude Lombard.
Il sera le témoin privilégié d’une époque hors norme: la fin de la guerre d’Algérie, l’OAS, de Gaulle, mai 1968, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand.
Il rencontrera écrivains, artistes, cinéastes, comédiens. Il sera l’ami de Georges Brassens et de Jacques Brel. Et d’autres.
Il participera au Tour de France, comme Blondin.
Il racontera, pendant 22 ans, sans relâche, Paris aux Belges: la vie de tous les jours, les Français, les faits-divers, la douceur de vivre, les sursauts, les fièvres, le rire et l’amitié.
A la suite de son décès, il y a quarante ans, pour la Foire du Livre, la RTBF lui rendait un juste hommage avec un livre-cassette: « Paris, Armand Bachelier », un titre comme un emprunt à la signature de ses billets.
Les fac-similés de ses tapuscrits montrent les ratures de l’écrivain, amoureux du mot juste et de la langue, qui cisèle la phrase jusqu’au dernier moment, en quête de sa musicalité, avant que sa voix, unique, ne les donne à écouter.
On retrouvera cette voix exceptionnelle dans les documents Sonuma, ici.
Bernard Chateau,